Ancien syndic et député, ex-président emblématique de la Société vaudoise des cafetiers, restaurateurs et hôteliers (SVCRH), Eric Oppliger revient, à bientôt 96 ans, sur une vie dédiée aux autres.
«En 17 ans, je n’ai pas fermé un seul jour. Je voulais être fidèle à ma clientèle!» Dans son cocon de la Rive, à Concise où son épouse Marianne est aux petits soins pour lui, Eric Oppliger fait quotidiennement sa revue de presse: il dévore les journaux jusqu’au moindre détail. Des reproductions de documents historiques lui permettent aussi de découvrir sans cesse de nouvelles facettes d’une commune dont il a été municipal durant quatre ans, puis syndic dix-sept années durant. Les affaires publiques l’ont aussi occupé au niveau cantonal puisque, durant trois législatures, il a siégé au Grand Conseil.
Président respecté
Mais Eric Oppliger a surtout été le président de la Société vaudoise des cafetiers, restaurateurs et hôteliers (SVCRH), devenue aujourd’hui GastroVaud. Un homme puissant, à en croire Jean-Pascal Delamuraz, qui, alors qu’il était en charge du Département cantonal de l’économie, avant d’accéder au Conseil fédéral, nous avait confié: «On ne peut pas être élu au Gouvernement sans l’appui des cafetiers!» Un autre temps!
Et l’ancien patron des restaurateurs n’en ressent aucune amertume. Il fait même preuve d’une lucidité remarquable: «La mobilité a changé toute la situation des bistrots. Les besoins du consommateur ont évolué. A l’époque, le village était le centre de vie. J’ai connu Concise avec six voitures (ndlr: il énumère les propriétaires). Il y a en a cent fois plus aujourd’hui.»
Et d’ajouter: «Les gens n’avaient pas de vin à la maison. Ma mère en servait plus de 20 litres par jour!» Eric Oppliger explique alors que sa maman, Elise Scherz, venue de Suisse alémanique pour travailler dans un café à Neuchâtel, y a rencontré son père, «maquignon» au domaine de la Dame, du côté de Chaumont, issu d’une fratrie de 17 enfants. Le couple a repris l’Auberge de la Croix-Blanche à Concise en 1921, pour la rebaptiser le Restaurant des Bateaux à vapeur. La région des Trois-Lacs devenait une région touristique.
A la bonne école
«Ma mère était une excellente saucière», souligne Eric Oppliger. C’est dans cette maison de bonne cuisine qu’il a œuvré durant vingt-sept ans, un bail qui s’ajoute aux trente-trois années de celui de ses parents.
De cette période de restaurateur, Eric Oppliger, qui a d’abord été formé comme boucher, en garde des souvenirs croustillants: «Les employés de la Justice de paix venaient régulièrement. Ils buvaient de l’absinthe (ndlr: interdite à l’époque) et jouaient à la petite bête (à l’argent).»
Une seule fois, Eric Oppliger a failli quitter les Bateaux: «Le syndic d’Yverdon m’a demandé de postuler pour le Buffet de la Gare. Il ne voulait pas d’un tenancier catholique!» Un vœu pieu puisque la famille Criblet, venue de Romont, l’a exploité durant plusieurs décennies.
En politique, Eric Oppliger a été un homme de dialogue et de consensus: «Il ne faut pas être agressif, il faut écouter tout le monde.» Pourtant, en 1957, il a fait démolir l’ancien poste de gendarmerie de Concise «qui faisait tache» au village sans en référer à personne. S’il regrette la disparition du bon sens, il entrevoit une évolution tournée vers un régime centralisé: «Il faut passer par là. Les problèmes se traitent aujourd’hui à une échelle bien plus large.»
S’il est un peu limité dans sa mobilité – un handicap supplanté par un véhicule électrique –, Eric Oppliger garde une mémoire intacte, et l’optimisme mesuré d’un vieux sage qui vit avec son temps.