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«J’ai besoin de tout savoir de mes joueurs pour en tirer le meilleur»
© Muriel Ambühl

«J’ai besoin de tout savoir de mes joueurs pour en tirer le meilleur»

8 février 2023

Renato Rocha, 38 ans, n’est resté qu’une seule saison au FC Champvent, mais son passage s’est avéré fructueux. La «une» du FCC (2L) a réalisé un superbe exercice 2021-22, qu’elle a bouclé au 3e rang de son groupe, et son désormais ex-entraîneur a reçu le Briscar du meilleur producteur.

Renato Rocha, pourquoi ne pas avoir continué l’aventure avec le FC Champvent après une si belle saison?

J’ai totalement arrêté d’entraîner pour l’instant à cause du boulot. J’ai eu une discussion avec le président deux matches avant la fin de la saison pour l’avertir. Les gens étaient un peu surpris que je parte, mais la priorité était ma vie professionnelle avec les deux garages (ndlr: dont il est le directeur, à Crissier et à Aigle). Il me fallait un moment pour les stabiliser. C’est important, car j’ai quand même plus de 60 employés. Cela m’a aussi fait du bien après une année incroyable. À Champvent, il faut quasi tout faire de A à Z. Je n’ai pas de problème avec ça, et ce n’est pas une question d’ambitions, mais à un moment donné, il y a trop à faire, on ne peut pas être partout et tout bien effectuer. Et je ne me voyais pas quitter le FCC pour reprendre un autre club de 2e ligue ou de 2e inter droit derrière. Ce n’est pas cohérent, je ne suis pas comme ça. De plus, c’est la première année depuis que je suis petit où je ne suis ni joueur, ni coach.

 

Comment le vivez-vous?

Cela fait du bien de faire autre chose les week-ends et de ne pas avoir d’obligation après le travail. Car, quand j’entraîne, je fais ça à fond, je m’investis à 100% pour les joueurs. Et ceux-ci, les gens, le ressentent. Mais je continue à aller voir plein de matches et je reste renseigné sur ce qu’il se passe. Après, entraîner me manque, et je vais revenir.

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait d’entraîner?

À notre niveau, on n’est personne. Aucun entraîneur de 2e ligue ne va aller coacher le Real Madrid. On est là pour faire progresser les gamins de la région, parce que c’est très important. Pas pour notre gloire personnelle. C’est vraiment mon optique depuis que j’entraîne. J’ai sorti des joueurs qui étaient en 4e ou 5e ligue, que personne ne connaissait, et aujourd’hui, il y en a qui évoluent en 2e inter. C’est ma plus grande fierté, ce qui me plaît dans ce rôle. Je suis un jeune entraîneur, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, mais ce qui compte, ce sont les faits. Le regard des gens m’importe peu. C’est une grande aventure, qui me permet aussi de voir d’autres mentalités, d’autres facettes de la gestion, même si, finalement, on gère une équipe de foot un peu comme on gère une entreprise. Tout le monde est différent, il faut connaître les gens. Après, moi, je suis dans l’extrême, parce que je suis un fada de foot.

 

C’est-à-dire?

J’ai besoin de tout savoir de mes joueurs, où ils sortent, ce qu’ils boivent, ce qu’ils mangent pour tirer le meilleur de chacun. Parce que si on ne connaît rien du gars, et qu’on lui «tape dessus» alors qu’il vient de se faire larguer, que ça ne va pas en cours ou qu’il a un problème familial, forcément que le foot, ça ne va pas non plus. Tandis que si on sait tout ça de la personne, on peut l’amener à réaliser des choses que même lui ne soupçonnait pas.

 

Quel souvenir marquant gardez-vous de cette saison à Champvent?

Les joueurs… Franchement, ça m’a un peu fait de la peine de quitter tout cela, parce qu’avec Hervé Lagger, mon assistant, on avait construit quelque chose qui était incroyable. L’équipe avait passé quelques saisons pas très bonnes, il y avait eu le Covid, et on a su créer quelque chose, intelligemment. Mais j’ai fait septante appels pour le recrutement. C’est ta responsabilité de faire ton équipe en tant qu’entraîneur, tu ne peux pas venir pleurer après. On a fait un boulot extraordinaire, cependant, c’est l’aventure humaine qui m’a marqué. Entraîner quelqu’un comme «Albi» (ndlr: Albino Bencivenga), par exemple, ou Makicha Bouzoba, que je ne connaissais pas très bien avant et qui est incroyable. En fait, j’ai découvert beaucoup de bons gars. Et avec les mecs, on a donné le maximum, c’est ça qui me plaît. Quand on a gagné à 2-1 à Thierrens au premier tour, alors qu’on évoluait à dix pratiquement depuis la 60e, on a fermé la bouche à tout le monde, parce qu’on était les petits paysans et que personne ne croyait en nous.

 

Avez-vous gardé des contacts avec les joueurs du FCC?

Bien sûr. J’évite de parler foot avec, parce qu’il y a désormais deux autres entraîneurs en place, qui n’ont pas forcément la même philosophie. Mais je n’ai pas de problème à être présent pour les gars, à aller boire un verre avec. Je me suis attaché à eux. Parce que ce n’est pas seulement nous qui leur apprenons. Ils m’ont aussi appris beaucoup en une année. Ce sont des échanges, et c’est ça qui est énorme quand tu es coach et que tu as cette passion. Alors ça m’embête de voir où ils sont actuellement (ndlr: 10es de leur groupe), qu’ils n’ont gagné que 17 points dont trois par forfait contre Champagne.

 

Êtes-vous retourné voir leurs matches?

Oui, deux-trois fois, mais en cachette, parce que les deux entraîneurs en place savent très bien la relation que j’avais avec les joueurs et je ne veux pas gêner. J’y vais pour regarder le match, j’assiste de toute façon à beaucoup de rencontres, que ce soit de 1re ou de 4e ligue.

 

On imagine que vos anciens joueurs ont contribué à vous faire remporter ce Briscar en votant…

Oui oui, même certains de mes employés! Car l’entreprise d’un de mes anciens joueurs venait s’occuper de l’électricité dans un de mes garages, et celui-ci en a touché un mot aux employés, dont une partie a voté! Après, ce sont Champvent et les joueurs qui méritent la statuette, je vais donc la leur donner. Ils m’ont déjà demandé plusieurs fois si je l’avais reçue depuis l’annonce des résultats, et j’ai gagné une pizza pour fêter ça! Avec mon assistant, car cela témoigne aussi du travail d’Hervé Lagger. Il a la palme pour ce poste, il est très bon. Surtout qu’il faut s’accrocher pour être mon assistant (rires).

 

 

La franchise et le plaisir au cœur de sa philosophie

Connu pour son franc-parler, Renato Rocha assure que celui-ci est la clé: «Les jeunes ont besoin que l’on soit francs avec eux. On dit souvent ouais mais c’est la nouvelle génération…, mais ce n’est pas elle le problème. C’est nous, et la façon dont on aborde les choses. Le joueur a besoin de la vérité, même si ça lui fait mal. Si le directeur technique lui dit qu’il est Zidane, son père qu’il est Ronaldo, et l’entraîneur qu’il est nul, le gamin ne sait plus où se positionner. Le football régional manque de sincérité, et c’est aussi un peu pour cela que j’ai arrêté. Si tu n’as pas été bon, tu n’as pas été bon. Pas de problème. On le dit et, ensuite, on peut passer à autre chose.»

L’ancien attaquant regrette également que certains joueurs ne mettent pas le plaisir avant tout le reste, notamment le porte-monnaie. «Je ne suis pas en train de dire que je crache sur l’argent, mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui, les gamins vont dans un club plutôt qu’un autre pour 300 francs de différence, où ils ne jouent jamais et se perdent. Le plaisir n’est plus au centre de beaucoup de choses. À Champvent, ça s’est bien passé parce que tout le monde savait où on allait. Mais les gars devraient tous prendre exemple sur Albino Bencivenga. À 44 ans, il ne loupe pas un entraînement, il bosse, il met vingt goals en 2e ligue. C’est beau de rêver en regardant les gaillards à la télé, mais il ne faut pas oublier qui sont nos vrais exemples.»

 

Briscar du meilleur producteur

Récompense le meilleur entraîneur

Résultats:

1. Renato Rocha, Champvent (2L), 594 votes (41%).

2. Pascal Vidmer, Champvent II (4L), 473 votes (32%).

3. Pierre Cheminade, Thierrens (2L), 394 votes (27%).