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«J’ai dû apprendre à vivre au jour le jour»

1 octobre 2015

Yverdon-les-Bains – Le 22 mai dernier, Valérie Jaggi Wepf, fraîchement élue à la Municipalité, apprenait qu’elle souffrait d’un cancer du sein. Aujourd’hui, au deux tiers de son traitement, elle revient, pour la première fois, sur cette épreuve.

La municipale Valérie Jaggi Wepf, dans son bureau de l’Hôtel de police, où elle aime venir travailler, afin d’oublier un peu la maladie. © Michel Duperrex

La municipale Valérie Jaggi Wepf, dans son bureau de l’Hôtel de police, où elle aime venir travailler, afin d’oublier un peu la maladie.

Comment allez-vous?

Il a des jours difficiles, voire très difficiles. Il y a aussi des jours où je vais bien et j’essaie d’en profiter… Mais après les chimiothérapies, c’est dur. J’en ai déjà subi quatre sur six. Je commence la cinquième demain. Certaines se sont bien passées, d’autres beaucoup moins. On ne peut jamais connaître à l’avance les effets secondaires. Avec le cancer, j’ai dû apprendre à vivre au jour le jour. Pour moi, cela n’a vraiment pas été évident.

Dans quel sens?

Je ne peux plus m’engager, assurer d’être là pour telle manifestation ou telle séance. Tout dépend de mon état de fatigue du moment. Certains jours, c’est indescriptible, je n’ai plus aucune force. Moi qui ai un tempérament dynamique, je ne me reconnais même plus. Je n’avais jamais pu imaginer qu’on pouvait tomber si bas physiquement.

On vous a cependant souvent vue, ce été, lors de manifestations publiques…

C’étaient les jours où j’étais bien. Mais j’ai aussi raté beaucoup de choses. J’ai néanmoins besoin de continuer à travailler. Cela me fait du bien, d’être au bureau, de penser à d’autres choses que la maladie. C’est un peu une thérapie par le travail. D’ailleurs, quand je n’ai pas le moral, mon médecin me dit qu’il va m’envoyer deux jours au boulot… J’aimerais d’ailleurs remercier la Ville qui m’a permis de m’organiser en fonction de mon état de santé. C’est une chance de pouvoir compter sur un employeur aussi compréhensif.

Vous avez vécu des mois de stress intense avec la campagne électorale. Vous êtes-vous dit que c’était votre corps qui disait stop?

Je l’ai pensé tout de suite. Mais mon médecin m’a expliqué que cela n’avait rien à voir, que j’avais cette tumeur en moi depuis dix-sept ans. En fait, ma première crainte a été de savoir si j’allais pouvoir poursuivre mon mandat de municipale. J’ai eu peur de devoir tout arrêter. Au moment où je prenais mes marques dans ce nouveau job, passionnant, cela aurait été juste impensable.

Dès le diagnostic connu, vous avez rapidement annoncé votre cancer publiquement. Pourquoi?

C’était important pour moi d’être transparente, de dire à la population qui m’avait élue que j’étais malade. Et, vu que j’ai été opérée tout de suite, je n’aurais pas supporté que de fausses rumeurs circulent sur mon absence. Mais, même si je ne l’ai pas annoncé pour susciter la compassion, j’ai été très touchée par les nombreux messages de soutien, souvent émouvants.

Quelles sont vos chances de rémission?

Elles sont bonnes. Je suis confiante. Mais on ne peut pas savoir avant la fin de la sixième et dernière chimio… Là encore, il faut vivre au jour le jour.

La campagne pour les élections communales 2016 va bientôt être lancée…

Mais elle est déjà lancée… Mon médecin apprécie, d’ailleurs, modérément quand je lui annonce que j’ai une campagne à mener (rires). Plus sérieusement, il faudra que j’apprenne à me ménager, à gérer mes forces, entre mon travail et, surtout, ma famille. Ma fille a dix ans. Je me dois aussi d’être présente pour elle… Etant un brin fataliste, je me dis, enfin, que les choses n’arrivent pas pour rien, que cela devait arriver maintenant.

Que voulez-vous dire?

Je n’ai jamais souhaité le cancer, mais peut-être que j’avais des choses à apprendre. Ces derniers mois m’ont permis de me recentrer. Sans cette maladie, je me serais certainement laissée complètement absorber par ma nouvelle fonction. Là, je me suis rendu compte de l’importance d’être disponible pour ma famille. Mon mari et ma fille, ce sont mes piliers. J’ai dû relativiser certaines tracasseries, poser certaines priorités, et moins prendre à coeur certaines critiques. J’espère garder cette philosophie sur le long terme.

Le court terme, ce sont les élections de février prochain. Comment les appréhendez-vous?

J’espère que l’on me redonnera ma chance. Cette année, je n’ai pas pu m’investir pour Yverdon comme j’aurais voulu le faire. Je crains que la population, malgré sa compassion sincère, ne veuille pas réélire une personne malade. Aujourd’hui, je peux juste lui dire que je suis persuadée d’avoir encore beaucoup de choses à apporter…

Yan Pauchard