Réputé pour entretenir l’un des plus beaux terrains du canton, Cédric Jaquier multiplie les rôles au FC Thierrens, où il entraîne notamment la troisième équipe.
Depuis son domicile qui surplombe les lieux, Cédric Jaquier bénéficie d’une vue privilégiée sur les deux terrains du FC Thierrens. «Ses» deux terrains, qu’il chouchoute toute la semaine, de mars à novembre. Ainsi, à la moindre alerte, l’homme peut bondir et arriver sur place en un claquement de doigts. Et attention, le jardinier n’est pas du genre à faire des cadeaux, même aux gens du club qu’il côtoie chaque jour depuis des années. «Le problème, c’est que si tu tends la main aux gaillards d’ici, ils te bouffent le bras, lance-t-il affectueusement. La semaine dernière, la une est venue vers moi pour me demander si elle pouvait s’entraîner sur le nouveau terrain juste une petite demi-heure. Normalement, c’est interdit. On a été clairs avec toutes les équipes du club. Mais la première sortait d’un bon match face à Echichens. Alors j’ai dit OK, exceptionnellement. Les joueurs y sont restés deux heures! La fois d’après, ils sont revenus vers moi en souriant. J’ai été ferme: hors de question qu’ils y retournent!»
La gestion des terrains au FCT, c’est tout un programme, auquel veille attentivement Cédric Jaquier. «Celui du haut, le nouveau, est réservé aux matches. La dizaine d’équipes du club s’entraîne sur celui du bas, ainsi que sur l’ancien, perché un peu loin dans la forêt. Le souci, c’est qu’on sort d’un hiver rude, et certains ont sans doute commencé leur préparation un peu tôt. Alors nos terrains d’entraînement peinent à récupérer, sachant qu’il y a tous les jours du monde dessus», explique-t-il juste après y avoir étalé des sacs d’engrais, qui serviront à reboucher les trous apparus récemment.
Entretien, patience et antigel
Ses pelouses, cet ancien employé du Golf de Vuissens pourrait en parler des heures. Il en passe une grosse quinzaine, chaque semaine, à s’en occuper. D’ailleurs, quel est le secret de celle du Grand-Marais, enviée dans tout le canton? «Le secret, c’est qu’il est bien entretenu, rien de plus. Je le tonds tous les deux jours. La plupart du temps sans ramasser l’herbe, ce qui permet de créer de l’humus. Mais pas toujours, attention! C’est un compromis à trouver. Et puis, on a dégoté un excellent antigel, qui permet à la pelouse de redevenir comme neuve à la sortie de l’hiver. C’est nécessaire à Thierrens, où le printemps arrive souvent un peu plus tard qu’ailleurs.»
Si Cédric Jaquier se donne autant de mal pour entretenir de belles surfaces de jeu, c’est qu’il se sent au FCT comme chez lui. «J’ai rejoint le club sur le tard, à 18 ans. Comme beaucoup de gamins du coin, j’avais fait l’erreur de m’inscrire d’abord à la gym de Saint-Cierges. Entre le foot et la société de gymnastique, il y a, disons, une petite rivalité. J’ai rattrapé le temps perdu en jouant comme gardien durant plus de vingt ans. J’étais d’ailleurs sur la banc le jour où la une a reçu Locarno en Coupe de Suisse. Un grand moment.»
La «trois» a recommencé à gagner
Depuis le début de la saison, l’ancien dernier rempart est également entraîneur de la troisième équipe. «Le groupe avait un peu de peine, ne gagnait plus beaucoup. J’ai repris l’équipe, mais je voulais que tout le monde s’implique un minimum. Je fais ça sérieusement. Tous mes entraînements sont préparés à l’avance. Les joueurs ont répondu positivement. On est au moins quinze à chaque séance, dix-huit aux matches. Et on a recommencé à gagner!»
Et puisqu’il n’en fait pas déjà assez, Cédric Jaquier donne aussi un coup de main à la buvette lorsque la situation l’exige. «J’ai même appris à faire les pizzas. Mon seul souci, c’est que je n’arrive pas à réaliser des boules de pâte bien rondes. Le cuistot l’a vite remarqué. Le lendemain, il est arrivé avec une machine qui s’occupe de tout. Depuis, je n’ai plus aucun problème.» À la longue, ses pizzas deviendront peut-être aussi réputées que le billard du Grand-Marais, qui sait.
«Je ne plongeais que d’un côté…»
À l’âge de 16 ans, Cédric Jaquier a été atteint par un staphylocoque doré. Du jour au lendemain, le jeune homme s’est retrouvé totalement paralysé du bas du corps. «À l’hôpital, j’étais un spécimen. Personne ne savait comment j’avais attrapé ça. Une hypothèse était de dire que je m’étais fait ça à un tournoi à la vallée de Joux, d’ailleurs organisé par Bouillon. Je m’étais ouvert à un genou et j’avais essuyé le sang avec de l’herbe… On n’en a jamais été sûrs. J’ai passé six mois allongé dans un lit et j’ai subi neuf opérations. Les médecins ont dû me raboter au niveau des jambes. Si bien que, depuis, je vis avec une différence de 5 centimètres au niveau des hanches entre ma gauche et ma droite.»
Cette situation, le Thierranais en pâtit encore aujourd’hui. «Je ne peux pas courir plus de dix ou quinze minutes sans être mal foutu. Pareil quand je passe à côté d’un ballon. Ça me démange de taper dedans, mais j’ai meilleur temps de ne pas le faire.»
Pourtant, Cédric Jaquier a défendu les cages des deuxième et troisième équipes du FCT pendant plus de vingt ans. «Et ça en ne plongeant que d’un côté! sourit-il, pas peu fier de l’exploit. Ma jambe droite étant plus courte que la gauche, j’étais très à l’aise sur ma droite. Par contre, je faisais un blocage lorsqu’il s’agissait de plonger à gauche. À l’entraînement, les autres en profitaient. Tirez sur la gauche, il est nul de ce côté-là!»