Logo
«Je n’avais jamais vécu ça!»
Sandrine Mauron. © Zsolt SARKOZY

«Je n’avais jamais vécu ça!»

12 octobre 2023
Edition N°3559

Football - Sandrine Mauron était l’invitée du Club des 1000, lundi soir au Stade municipal. La milieu de terrain de Valeyres-sous-Montagny est notamment revenue sur son voyage en Nouvelle-Zélande, où elle a disputé la Coupe du monde avec l’équipe de Suisse féminine durant l’été.

Le club de soutien à Yverdon Sport reçoit généralement ses invités le mardi midi. Il a cependant dû changer ses habitudes pour la venue de Sandrine Mauron, présente pour parler de son parcours lundi soir: la footballeuse de Servette Chênois avait en effet deux sessions d’entraînement le lendemain à Carouge, à 10h et à 16h. À raison de cinq à six séances hebdomadaires, et d’un match au plus haut niveau national pratiquement tous les week-ends, le quotidien de la Nord-Vaudoise ressemble à celui de ses homologues masculins, le salaire en moins. En effet, impossible pour elle de vivre du football: en plus de sa carrière sportive, la milieu de terrain de 26 ans travaille donc à 50% comme employée de commerce dans une entreprise de recyclage à Genève.

«Les Espagnoles sont championnes du monde, elles pouvaient légitimement se permettre de gratter plus, souligne Sandrine Mauron, quand on la lance sur le sujet de l’augmentation salariale fraîchement obtenue par les joueuses de Liga F après deux semaines de grève. En ce qui nous concerne, on est sur la bonne voie, notamment avec l’augmentation des primes pour les joueuses qui participent aux grands tournois avec l’équipe nationale. Et on doit en montrer davantage sur le terrain pour obtenir plus. Car l’Euro 2025 est bientôt là, et on ne peut pas se permettre de se faire sortir du tournoi à l’issue de la phase de poules, alors que la compétition se déroulera en Suisse.»

Le Mondial, une expérience incroyable

Celle qui a grandi à Valeyres-sous-Montagny et vit désormais à Gland relève aussi sa reconnaissance envers son employeur, qui lui accorde facilement les congés dont elle a besoin pour mener sa carrière de footballeuse: «Je n’ai eu aucun problème à être libérée pour le Mondial, alors que cela impliquait que je manque le travail pendant presque deux mois…» Il faut dire que l’événement était loin d’être anodin, et la demi a logiquement encore des étoiles dans les yeux lorsqu’elle évoque sa première Coupe du monde, deux mois plus tard.

«C’était une expérience incroyable! Les terrains étaient des billards, on était amenées partout directement depuis l’hôtel, on avait un cuisinier qui nous préparait exactement les plats dont on avait besoin, on dormait dans des chambres individuelles et, pour arriver en Nouvelle-Zélande en pleine forme, on a fait les trente heures de vol en classe business, dans un airbus à deux étages. Je n’avais jamais vécu ça! On n’avait qu’à penser à prendre nos crampons.»

Pour couronner le tout, sa famille, qui avait fait le déplacement, a pu la voir jouer, Sandrine Mauron étant entrée en jeu au cours des quatre matches disputés par les Suissesses lors de la Coupe du monde. «Cela m’a fait plaisir, j’étais contente que mes proches aient pu venir, car ce n’est pas donné à tout le monde. Il n’y a pas de soutien de la part des instances suisses du football à ce niveau-là, et c’est peut-être quelque chose qui pourrait être amélioré, afin que les joueuses de l’équipe nationale puissent avoir leur famille présente lors des grands rendez-vous. Je crois que, comme moi, mes proches ont vécu le voyage de leur vie. Et cela permettait d’avoir un petit coin suisse dans le stade», apprécie celle qui a foulé la pelouse devant près de 45 000 spectateurs lors du 8e de finale perdu contre l’Espagne.

Après avoir goûté au Mondial – «c’est un rêve qui se réalise de pouvoir jouer au plus haut niveau qu’un sportif puisse atteindre, avec les Jeux olympiques» –, la Nord-Vaudoise espère être de la partie pour son troisième Euro, en 2025. Et n’exclut pas de reporter un jour le maillot d’Yverdon Sport Féminin, si les Vertes, actuellement en LNB, retrouvent le plus haut niveau national.

 

Elle devait se changer dans le vestiaire des arbitres

Sandrine Mauron a commencé le football à l’âge de 6 ans au FC Grandson-Tuileries, club par lequel sont passés son papa, son oncle et son frère. «J’ai toujours aimé taper dans un ballon. J’appréciais le fait de me défouler, d’être dehors, et cela n’avait pas d’importance que ce soient des filles ou des garçons en face de moi.»

À l’époque, la milieu de terrain jouait dans une équipe masculine. «Du coup, je me changeais dans le vestiaire des arbitres, et on venait me prévenir quand c’était le moment d’aller sur le terrain, que tout le monde était prêt», raconte celle qui a quitté le domicile familial à l’âge de 13 ans pour se rendre au centre de formation de Huttwil (Berne). «Mes parents ne m’ont jamais poussée, mais toujours soutenue. Ils disaient: si jamais cela se passe mal, tu sais où nous trouver.»

Son passage par la première équipe d’Yverdon Féminin, alors en LNA, lui a servi de tremplin pour rejoindre, à 17 ans, le FC Zurich «qui était alors la meilleure équipe féminine de Suisse», puis l’Eintracht Francfort. «Là-bas, on faisait davantage de musculation, de travail hors du terrain pour que le corps soit prêt pour le jeu physique du championnat allemand.»

 

Les Grenat veulent retrouver la Ligue des championnes

De retour en Suisse depuis l’été 2022, Sandrine Mauron a pu constater l’évolution du foot féminin helvétique depuis son départ en Allemagne. «Il a fait un énorme saut en avant», note-t-elle. Celle qui porte le maillot de Servette Chênois depuis la saison passée ne cache pas que la finale des playoffs perdue par les Grenat en fin d’exercice dernier lui fait toujours mal au cœur. «Zurich, qui a mieux joué que nous ce jour-là, a obtenu sa place en Ligue des championnes. Notre objectif, pour cette saison, sera de retrouver la compétition européenne en gagnant le championnat, sans pour autant mettre la Coupe de Suisse de côté.»

Les Servettiennes, qui avaient remporté le trophée pour la première fois de leur histoire en avril dernier, affrontent d’ailleurs le Lausanne-Sport (1L) ce samedi à la Tuilière, dès 14h, pour le compte des 16es de finale.