«Je ressens un véritable conflit de loyauté»
30 janvier 2025 | Textes: Jean-Philippe Pressl-WengerEdition N°3881
Alors que la campagne pour l’élection complémentaire à la Municipalité bat son plein, la thématique des doubles mandats ressurgit. Seule encore concernée, la socialiste Brenda Tuosto prendra une décision dans quelques mois.
Depuis longtemps à Yverdon-les-Bains et ailleurs, la question des doubles mandats a agité le monde politique. Si certains partis demeurent résolument opposés à la pratique, d’autres la tolèrent (lire encadré). Cette thématique a refait surface dans la Cité thermale avec la démission du syndic Pierre Dessemontet de son poste de député pour la mi-février (lire La Région du jeudi 23 janvier dernier). Conseillère nationale et municipale à Yverdon-les-Bains, la socialiste Brenda Tuosto reste ainsi la seule membre de l’Exécutif à devoir se poser des questions.
Brenda Tuosto, votre collègue de la Municipalité d’Yverdon-les-Bains Pierre Dessemontet a décidé de démissionner du Grand Conseil. Vous restez donc la seule avec un double mandat dans l’Exécutif de la Cité thermale. Que prévoyez-vous de faire ?
Pour l’instant, j’ai une dérogation du Parti socialiste vaudois jusqu’en mars 2026, soit jusqu’à la fin de mon mandat actuel à la Municipalité d’Yverdon. Je vais donc poursuivre mon engagement tant pour la Municipalité que pour le Conseil national jusque-là. Par ailleurs, d’autres municipaux ont un travail à côté, c’est de notoriété publique. Je sais que mon parti est dans un processus de modification des statuts, une séance avait été prévue, puis repoussée. Pour ma part, j’ai décidé de rester en dehors du processus.
Le temps passe vite. Vous êtes-vous fixé une date butoir pour prendre une décision sur la suite ou êtes-vous encore dans une phase de réflexion ?
Je me pose souvent la question, et je prendrai une décision d’ici quelques mois. Mais d’ici là, il y aura plusieurs étapes qui me donneront des indications. Il y aura un premier message de la population avec l’élection complémentaire qui arrive. Il y aura ensuite la votation sur le parking de la place d’Armes en mai, qui donnera également une indication sur ce que veut la population. Mon choix se basera sur plusieurs critères, incluant à la fois mon désir de m’investir politiquement et mes aspirations personnelles.
Parlons de votre rôle au Parlement. On estime qu’un mandat de conseillère nationale représente environ un 50%. Si l’on ajoute votre 60% à la Municipalité, votre agenda doit être bien rempli .
Je considère mon mandat de conseillère nationale plutôt comme un 40% annualisé. A Berne, je siège dans une commission spécifique, en lien avec mes engagements pour la Ville, ce qui facilite l’anticipation de la charge de travail. Alors oui, il y a eu la votation sur les autoroutes durant laquelle j’ai pu m’investir, mais cela n’arrive pas souvent. En tant que nouvelle élue, je siège dans une seule commission, ce qui me prend environ un jour et demi par semaine, en plus des quatre sessions parlementaires. J’emploie également un assistant parlementaire à 20% pour la recherche, la préparation des interventions, la gestion administrative ou la communication.
Vous êtes en train de vous défendre alors que la question était ouverte. Pourquoi êtes-vous sur la défensive ?
Dans un passé encore assez proche, la presse n’a pas été tendre avec la notion des doubles mandats, qui est un sujet sensible. On m’en parle depuis mon élection.
C’est vrai. Revenons à votre travail au Conseil national. On vous a vue parfaitement maîtriser le dossier de la votation sur les autoroutes avec le succès que l’on sait. Vous étiez très à votre affaire.
J’ai la chance de pouvoir porter la voix du Nord vaudois à Berne. Que ce soit dans le dossier de l’horaire CFF 2025 ou encore sur celui des sites pollués, en lien avec la modification de la loi sur la protection de l’environnement. Je remarque qu’en étant à la fois municipale et au Parlement, des synergies peuvent se créer. Vous savez, ça ne me fait pas peur de travailler 50 ou 60 heures par semaine, parce que j’aime maîtriser les dossiers que je suis amenée à traiter.
On sent bien que votre cœur balance entre le travail de terrain à Yverdon-les-Bains et la possibilité d’agir pour la région à l’échelle du Parlement. Comment gérez-vous cela actuellement ?
Vous avez raison, ce n’est pas une décision facile à prendre. Je ressens un véritable conflit de loyauté car d’un côté j’adore ce que ce que je fais à la Municipalité d’Yverdon-les-Bains et je tiens beaucoup à mes équipes, et de l’autre les enjeux à Berne sont passionnants. Et ce n’est jamais facile de s’y faire élire. Ce choix s’annonce compliqué, mais il me faudra prendre en compte plusieurs paramètres pour déterminer où je trouve le plus de plaisir et où je peux être la plus utile.
Pratiques différentes
Dans les statuts des partis cantonaux, la thématique des doubles mandats n’est pas traitée de la même façon. Le Parti socialiste et les Verts, eux, possèdent des articles dédiés à la problématique. Au PS, parti de Brenda Tuosto, l’article 48, alinéa 1 des statuts stipule que «les mandats de député·e au Grand Conseil ou de conseiller·ère d’Etat ou de membre d’un exécutif d’une commune importante sont incompatibles avec un mandat de député·e aux Chambres fédérales. Le Comité directeur peut accorder une dérogation.» Toute la nuance réside dans le terme «commune importante». On comprend sans peine qu’Yverdon-les-Bains (environ 30 000 habitants), deuxième ville du canton de Vaud entre clairement dans cette définition alors que, par exemple, Sainte-Croix (environ 5 000 habitants) en est exclue.
Chez les Verts vaudois, précieux alliés du PS dans la Cité thermale, c’est l’article 7, alinéa b qui régule ces cas: «La fonction d’élu·e au législatif fédéral (Conseil des Etats et Conseil national) est incompatible avec toute fonction exécutive dans une commune de plus de 10 000 habitant·e·s.» A noter que tant le PLR Vaud que l’UDC Vaud n’ont rien d’inscrit dans leurs statuts concernant les doubles mandats.