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«J’exige une reconstitution!»
© Michel Duperrex

«J’exige une reconstitution!»

11 janvier 2021

L’an nouveau a surgi par la petite porte, sans musique, ni flonflons ni bisous, mais avec néanmoins quelques agapes exagérées, où le cocktail Fernet-Branca-Coca-bicarbonate a eu raison d’une fondue-machin, partagée en catimini sans les amis reclus dans leur chalet des Alpes ou chez une vieille tante qui peine à liquider son porto, caché derrière les confitures.

Et la mauvaise habitude de ce réveillon spécial consistait à se remémorer des dates d’il y a vingt, trente ou cinquante ans, plutôt que d’élaborer des projets pour cette nouvelle année, commençant par des moralistes relançant la mode de «janvier sans alcool», une tradition en rien novatrice.

Donc, j’ai ressorti mon thé vert et mes tisanes phytothérapeutiques, qui vont certainement améliorer la circulation sanguine de mes jambes, afin de maintenir ma godille quand on pourra skier sans un masque de cosmonaute, et que les terrasses accueilleront à nouveau nos rires de liberté. L’espoir fait vivre, car il n’y a pas de vie normale, mais juste la vie…

Or la réalité m’a remis sur le droit chemin, l’autre matin, en allant visiter la rédaction de La Région. Grand plaisir de laisser ma vieille Toyota près du château, haut lieu immortel de ma jeunesse estudiantine. En suivant méticuleusement l’ordinateur du parcomètre, j’ai injecté 2 francs dans la fente, mon numéro de plaques pour un stationnement à un franc cinquante l’heure.

Après quelques théories boulimiques avec le toujours jeune Isidore, je suis retourné à mon véhicule serein et content, sauf qu’une carte de visite à 40 francs trônait sous mon essuie-glace, déposée après seulement quarante cinq minutes de parking! Cette banale contravention m’a surpris et interrogé… Ma pièce de deux francs était-elle fausse ou le taxeur avait-il peut-être toujours l’heure d’été? Téléphone au numéro de réclamation, avec l’éternelle réponse qu’on ne peut pas nous renseigner.

Bref, je vais exiger une reconstitution, une enquête pour réparer une injustice, pour une fois que je ne triche pas! En conclusion, à Yverdon, devais-je venir en train ou parquer en périphérie et finir à pied ou à vélo, ou simplement partager mes vœux par Skype, que je ne possède pas?

Avant, il y avait des zones bleues avec un disque, mais le nerf de la guerre, c’est le pognon… Voilà pourquoi j’hésite à venir en ville, lécher les vitrines, partager une rencontre, et je préfère accueillir les potes citadins dans notre cambrousse, en laissant aux écolos urbains le monopole de la mobilité douce. Quand les manifestants du climat iront à pied, promis je revendrai ma vieille Previa pour l’Afrique.

Voilà pourquoi, en 2021, je vais encore m’offrir quelques interdits pacifiques, et tant pis si la rédaction veut me punir pour avoir profité de la vie, je prends le risque! Et pour janvier, comme disait un ami: «Avec l’âge, je ne bois plus beaucoup, mais juste trop longtemps!…»

Denis Meylan