La CVCI plaide pour un taux unique
1 novembre 2013A l’heure où la bataille fiscale, internationale et nationale, fait rage, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) propose le taux unique.
Il n’y a sans doute pas de sujet plus polémique que celui de la fiscalité. Avec, au final, deux camps irréconciliables. Pour les uns, les riches sont des profiteurs, pour les autres ils sont les soutiens indispensables à un système fondé sur la solidarité.
Il n’empêche que le travail, réalisé pour la troisième fois, de comparaison fiscale entre les cantons, par la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), a le mérite de poser un certain nombre de chiffres dont l’interprétation peut varier, mais pas la réalité factuelle.
Le document «Fiscalité vaudoise : comparaisons inter-cantonales » est par ailleurs édité sous la forme d’un petit livret facile à lire et avec une réelle ambition didactique.
Lourde fiscalité
«Notre canton fait partie des plus mal classés en termes de charge fiscale. Cela a des conséquences sur la compétitivité, sur les plans international et interne », tonne Claudine Amstein, directrice de la CVCI. Cheffe de projet à la CVCI, Lydia Masmejan illustre ce constat avec des graphiques et des exemples. Et commente : «L’accroissement des recettes fiscales est une des conséquences de la dynamique économique de ces dix dernières années. L’impôt sur les bénéfices a pratiquement triplé et le revenu sur les impôts a presque doublé.» Il est vrai que, durant cette période, la dette de l’Etat de Vaud, qui avait atteint neuf milliards de francs, a été pratiquement éteinte. Et cette augmentation générale des recettes a été obtenue malgré les réformes fiscales.
L’inquiétude de la CVCI, et des auteurs de l’étude, concerne plus particulièrement les entreprises qui bénéficient de statuts spéciaux. Ces statuts, sous pression de l’Europe notamment, vont disparaître, c’est une certitude.
Mais il faut trouver d’urgence une autre solution. En matière d’impôt sur les personnes morales (sociétés), le Canton de Vaud est le plus gourmand de Suisse, derrière Genève. La situation n’est pas meilleure pour les holdings avec un impôt sur le capital de 0,75 pour mille.
Le taux unique
Pour la CVCI et le professeur Pierre-Marie Glauser, avocat fiscaliste, la meilleure solution passerait par l’instauration d’un taux unique de 13% pour toutes les entreprises. Le professeur Glauser précise que la solution pourrait aussi passer par une combinaison avec des mesures techniques.
Un taux unique de 13%, tel que l’envisage Genève, respecterait aussi l’égalité entre les sociétés étrangères qui bénéficient de statuts spéciaux -elles paient 12% en moyenne- et les entreprises indigènes. «On rétablirait l’égalité avec les sociétés locales et un tel impôt serait eurocompatible », précise Lydia Masmejan.
Le riche est solidaire
On peut en vouloir aux nantis, mais on ne peut nier leur contribution à la solidarité. Un contribuable aisé dont les revenus totalisent un demi-million de francs par année paie 181 000 francs d’impôts, soit autant que 51 contribuables qui ont un revenu moyen de 70 000 francs. Et une entreprise qui paie 1,5 million de francs d’impôts paie autant, en moyenne, que 555 autres entreprises.
Pascal Broulis est favorable à un accord dans le cadre de l’OCDE
Il faut éviter à tout prix la précipitation
Evoquer le taux (moyen) d’impôt de 23,5% sur les bénéfices des entreprises agace quelque peu Pascal Broulis. Le chef du Département des finances précise que ce taux sera ramené, progressivement, à 22% début 2016.
S’il ne conteste pas les données de la CVCI, le conseiller d’Etat sainte-crix tient à en limiter la portée : «Sur 30 000 entreprises, 300 paient le 90 pour cent des impôts qu’on encaisse. Et cent d’entre elles paient plus du 70%. Et si on prend les vingt qui contribuent le plus, cela représente encore plus de la moitié du produit de l’impôt sur les sociétés !»
«13%? C’est trop !»
Farouche opposant au taux unique, Pascal Broulis affirme : «13%? C’est trop ! L’Irlande, qui dit appliquer un taux de 12%, pratique souvent le taux zéro. La France de Hollande avance 30%, et encaisse beaucoup moins. En Allemagne, c’est 5%. Si on veut pratiquer un taux unique, il faudrait le situer à 9 ou 8%.»
Selon le chef du Département des finances et des relations extérieures, il faut garantir un cadre fiscal compréhensible pour les sociétés. Compte tenu de l’agressivité fiscale de certains pays européens, il préférerait un accord dans le cadre de l’OCDE, qui livrera un rapport sur la question en mars prochain. Dans l’intervalle, il est urgent d’attendre.
Enfin, pour être acceptée, une réforme fiscale doit naître d’un consensus. Cela dit, Pascal Broulis ne nie pas la nécessité de trouver rapidement une solution.
Commentaire
Poker menteur
La bataille fiscale fait rage entre pays riches, et entre cantons. Bénie des dieux, la Suisse est la cible privilégiée. Les pays européens les plus agressifs, à l’instar de la Grande-Bretagne, sont ceux qui créent les systèmes qu’ils stigmatisent par ailleurs. Dans ce contexte, le canton de Vaud, qui a bénéficié, jusqu’en 2008, des avantages de l’arrêté Bonny, est aujourd’hui doublement menacé. Et dans cette guerre qui n’en a pas l’apparence, la naïveté se paie comptant.