Estavayer-le-Lac – La Fête fédérale de lutte, plus grand rassemblement populaire de Suisse, a amassé 250 000 curieux. De la sciure à la sueur, reportage.
Il est un peu moins de 8h sur le site de l’aérodrome de Payerne lorsque les lutteurs, véritables héros des temps modernes, font leur entrée dans l’Arène de la Broye. Baignées par les premiers rayons de soleil, les quelque 52 000 personnes amassées dans les tribunes reprennent à l’unisson le cantique suisse. Ce moment solennel passé, les athlètes, vêtus de chemises bleues à edelweiss et culottes de toile enfilées par-dessus le pantalon, se regroupent autour des sept ronds de sciure qui tranchent avec la verdure du parterre herbeux. Huit heures sonne. «Messieurs, il est l’heure : au travail !» D’une voix teintée d’un fort accent suisse allemand, le speaker donne officiellement le coup d’envoi de la Fête fédérale de lutte et des jeux alpestres, 44e du nom.
Rythmées par des classiques de cor des Alpes et des chants de jodel, les rondes -«passes» dans le jargon alpestre- se succèdent. Les impressionnants vivats qui parcourent l’arène lors de chaque victoire des rois de la sciure, aussi. La torpeur estivale met les organismes à rude épreuve. Le soleil tape, les athlètes transpirent, la sciure colle. Après chaque victoire, le vainqueur, par respect pour son adversaire, nettoie le dos du vaincu. Pour se rafraîchir, les lutteurs prennent d’assaut les trois fontaines en bois placées dans l’arène, s’aspergeant abondamment. Dans les tribunes, les spectateurs, jumelles dans une main et verres de blanc ou bière dans l’autre, ont chaud, eux aussi. «L’alcool c’est bon, mais l’eau est encore meilleur pour la santé», rappelle d’ailleurs, non sans humour, le speaker.
A un jet de pierre de l’arène, une autre compétition phare de la «Fédérale» retient l’attention de bon nombre de spectateurs : le lancer de la fameuse pierre d’Unspunnen. Sous les applaudissements, des colosses enchaînent les sprints sur une quinzaine de mètres pour jeter le mastodonte de 83,5 kg le plus loin possible. Dans le public, un jeune couple ne semble pas bouder son plaisir. «J’ai souhaité montrer à ma copine ce qu’est une vraie fête populaire», explique le Fribourgeois. Et à la Vaudoise de poursuivre : «Je suis plus habituée à Paléo qu’à cela. Mais il faut dire que la Fête fédérale a comme un air de festival.»
Un festival, justement, on s’y croirait, tant les festivités ne se concentrent pas que dans l’arène. Autour de celle-ci, les stands et autres cantines ravissent les visiteurs. A la mi-journée, le mercure dépasse largement la barre des 30 degrés, ce qui n’empêche pas les amateurs de fromage les plus chevronnés de se laisser tenter par des macaronis, une raclette ou une fondue. «Ça fait partie de la tradition», soufflent, en chœur, deux Bernoises vêtues d’un costume folklorique, qui attentent patiemment leur repas.
Non loin de là, à l’ombre dans son écurie, un imposant taureau attire les regards. 190Cm pour 1100 kg, il faut dire qu’il ne passe pas inaperçu «Mazot de Cremo»: c’est «la» star du pavillon des prix vivants. L’animal, qui sera offert au Roi de la lutte, ne semble pas souffrir de cette notoriété soudaine. Couché devant un ventilateur géant, Il attend, patiemment, que son maître soit désigné.
Des Nord-Vaudois parmi les 5500 bénévoles
«On s’est levé à 2h du matin»
Au pied de «l’Arène de la Broye», des effluves de café se mêlent à l’odeur de sciure. Dans un stand, vêtus d’un T-shirt vert, une dizaine de bénévoles s’activent : «Chaud devant !», lâche l’un d’eux. Eux ? Des membres de la FSG Yverdon-Ancienne qui se sont engagés comme bénévoles pour la manifestation.
«Nous sommes cantonnés au ravitaillement du café. On s’est mis au travail vers 5h ; on s’est levé à 2h du matin», relate Morena Duruz, les yeux fatigués. Habituée à organiser des événements, l’Yverdonnoise n’a pas rechigné au moment de mettre la main à la pâte : «On sait combien il est précieux de pouvoir compter sur des bénévoles.»
A un jet de pierre de là, réunis autour d’une bière, des jeunes attendent le remplissage de leurs «boilles» de café : «On est les colporteurs», souligne Fabian Pellaux, l’un des huit contemporains 86 de Pomy et environs ayant fait le déplacement à Estavayer-le-Lac. Et de préciser : «On vend du «Kaffe Crema» et du «Kaffe Lutz», plus corsé. Autant vous dire que le deuxième a eu plus de succès.»
Matthias Glarner couronné roi de la lutte
Comment pouvait-il en être autrement ? Après Matthias Sempach en 2013, un autre Matthias, Glarner, est le nouveau roi de la lutte suisse. Il permet à l’Association bernoise de conserver son titre. Cette couronne, glanée grâce à sa victoire en finale sur le Grison Armon Orlik, est le premier d’un trentenaire depuis 76 ans. Le vainqueur n’a pas tari d’éloges sur son jeune adversaire. «Il a été très fort et complet pour un si jeune lutteur», a-t-il déclaré.
Estavayer 2016 : des chiffres qui donnent le tournis
250 000 visiteurs ont foulé les 90 hectares de la place de fête.
200 000 litres de bière et 40 000 saucisses ont été servis.
5500 bénévoles ont œuvré pour la bonne tenue de la «Fédérale».
1843 toilettes ont été installées, dont 296 au camping.
500 m3 de sciure ont été dispersés dans l’arène des lutteurs.
29 millions de francs, soit le budget brut de la manifestation.