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La force de l’Arnon produira de l’énergie renouvelable

17 octobre 2020

La future centrale électrique de l’Arnon sera mise en service à la fin de l’année prochaine.

«C’est parti d’une histoire de pompiers», image Pierre-Gilbert Tanner, de Mathod, ancien cadre nord-vaudois de la Compagnie vaudoise d’électricité (CVE), aujourd’hui Romande Energie. C’est en effet lors d’une discussion avec Manuel Bauer, d’Onnens, membre de la direction et cadre d’Estia, il y a près de vingt ans, que l’idée de créer une mini-centrale électrique sur le cours de l’Arnon a surgi. Les deux initiateurs étaient alors loin d’imaginer qu’ils venaient de s’engager dans une histoire au long cours…

En effet, Pierre-Gilbert Tanner ne cache pas que ces dernières années, il a eu parfois des moments de découragement: «On était essoufflés à la fin. C’était déprimant.» Mais, malgré les procédures judiciaires, le projet a abouti. Aujourd’hui, le chantier est lancé et si tout se passe bien, la centrale sera mise en service dans une année. Elle devrait fournir du courant pour l’équivalent de la consommation de 600 ménages.

Ce projet, même s’il a suscité l’opposition de défenseurs de l’environnement, répond en tout point à la stratégie Energie 2050 de la Confédération. Car on parle bien d’énergie renouvelable. Et pourtant, il a fallu quatre années de procédure judiciaire pour aboutir, avec deux passages à la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal et un petit détour par le Tribunal fédéral! Mais pour les initiateurs et constructeurs, l’essentiel est d’avoir surpassé les moments de découragement. Aujourd’hui, avec le permis de construire accordé par Sainte-Croix et Vuiteboeuf, ils peuvent aller de l’avant.

Chef de projet et collaborateur de Romande Energie, Lawrence Armstrong relève qu’une fois l’idée de départ émise, il fallait encore confirmer la faisabilité et la rentabilité économique: «Nous avons procédé à des mesures de débit et fait les calculs de chute, afin de déterminer l’endroit le plus favorable.»

Le choix a été porté sur le pied de la grande paroi de calcaire visible depuis la plaine, située au pied du Château de Sainte-Croix, où émerge, au pied de la grotte du Vertige, connue aussi comme Fontanet de Covatannaz, de l’eau tout au long de l’année. Ce petit torrent, qui peut se transformer en spectacle lors de périodes de pluies intenses comme celles de ces dernières semaines -la grotte du Vertige crache alors plusieurs mètres cubes d’eau par seconde- vient se jeter dans l’Arnon.

C’est à cet endroit aussi qu’ont été construits, il y a plusieurs décennies, des captages alimentant le village de Vuiteboeuf. Mais à certaines périodes, cette eau était impropre à la consommation. Des cas de typhus ont même été répertoriés dans les années septante. Des colorations, exigées par le Laboratoire cantonal, ont mis en évidence à l’époque des infiltrations provenant de la partie supérieure des gorges, où sont rejetées les eaux de la station d’épuration de Sainte-Croix.

Afin de diminuer l’impact sur l’environnement, la prise d’eau sera placée dans le fond du lit du cours d’eau. Elle sera à peine visible par quelques éléments émergeants. Car si le chantier, qui a nécessité la mise en tube du cours d’eau sur quelques mètres, représente une grosse entaille dans le site, une remise en état complète, arborisation comprise, est garantie par les constructeurs.

Ceux-ci, réunis au sein d’Arnon Energie S.A., société spécialement constituée pour réaliser ce projet par Romande Energie, Estia et des privés, se sont engagés à assurer un débit minimum de 50 litres par seconde à la rivière. Elément intéressant, la prise d’eau va principalement absorber le liquide, de moins bonne qualité, provenant de l’amont, par une grille dont la nature empêche l’absorption des poissons.

De la prise d’eau à la centrale, elle sera construite à l’entrée de Vuiteboeuf (ancienne scierie), une conduite d’un kilomètre et demi de longueur et 600 mm de diamètre acheminera l’eau. Elle sera placée dans le chemin carrossable existant qui relie le village de Vuiteboeuf aux anciens captages. «Notre chance, c’est que ce chemin existe. Cela évite de procéder à l’abattage d’arbres», explique Pierre-Gilbert Tanner.

Le seul défrichement notoire, et temporaire, a été opéré dans la dernière portion, située entre le réservoir de Vuiteboeuf et le village. «Tout sera bien entendu remis en état. Et le bâtiment de la centrale sera bardé de bois. Il aura l’aspect de l’ancienne scierie», précise Lawrence Armstrong. Et d’ajouter que les voisins de la centrale ont été informés, et rassurés, notamment en ce qui concerne les nuisances sonores.

 

Un sentier sécurisé pour accéder aux Gorges

L’accès au parcours emprunté par la grande majorité des randonneurs entre Vuiteboeuf et Sainte-Croix est interdit pendant la durée des travaux. Mais le maître de l’ouvrage et ses partenaires ont fait en sorte que les amateurs de randonnée puissent continuer à passer par les gorges de Covatannaz. Si, sur la partie haute des gorges, il n’y a aucun changement, le parcours, bien balisé, emprunte un autre itinéraire entre le refuge forestier et Vuiteboeuf.

En effet, un ancien chemin de débardage, ainsi que le sentier qui le prolonge en direction de la plaine, ont été réaménagées et sécurisés, de manière à maintenir praticable ce parcours très apprécié des randonneurs entre la plaine et le Balcon du Jura. Cette partie du sentier, sans sa portion la plus haute, offre une vue magnifique sur le lac de Neuchâtel, le plateau et les Alpes.

Connu par peu de randonneurs, ce tracé aboutit à la ligne électrique qui traverse les gorges de Covatannaz, puis plonge vers la plaine, suivant la ligne, pour rejoindre, au-dessus du village de Vuiteboeuf, le chemin carrossable qui permet de descendre ensuite vers la déchetterie et de gagner les Rapilles, en direction de Baulmes, ou le village de Vuiteboeuf. En cette période automnale, c’est une belle sortie

 

Un chantier qui permet de «faire le ménage»

L’enfouissement de la conduite d’alimentation de la centrale hydraulique est aussi l’occasion de faire le ménage. Ainsi, la conduite qui reliait les captages de Covatannaz au réservoir de Vuiteboeuf, désaffectée depuis plusieurs années, sera extraite. Il en ira de même de l’ancienne conduite de gaz posée entre Vuiteboeuf et Sainte-Croix, dont le dégazage a suscité, en raison des odeurs, une intervention du SDIS Nord vaudois il y a peu. Pour cette dernière, seule la partie située entre les captages et Vuiteboeuf sera extraite, et remplacée par un tube abritant la fibre optique. Cette dernière, dans une étape ultérieure, empruntera la conduite de gaz désaffectée entre les anciens captages de Vuiteboeuf et Sainte-Croix. Enfin, entre le réservoir de Vuiteboeuf et le village, une nouvelle conduite sera construite pour le compte de l’Association intercommunale du vallon de la Baumine), qui gère la distribution d’eau potable. C’est dire que ce chantier favorise aussi une mise à jour des infrastructures..