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La Lisière: lieu de rencontre et de mode
Noëlle Dall'Olio et Bénédicte Bertrand dans leur nouvel espace dédié à la mode. © Michel Duperrex

La Lisière: lieu de rencontre et de mode

12 octobre 2023

Durabilité –  lors que l’association Eco Fashion Lab s’apprête à inaugurer ce soir sa nouvelle arcade de 95m2 à Yverdon-les-Bains, La Région est allée à la rencontre des femmes qui portent cette initiative.

A l’ère où la majorité des vêtements sont commandés en ligne et fabriqués avec des plastiques dans des pays où les droits des travailleurs et travailleuses ne sont pas respectés, Noëlle Dall’Olio, Stélina Lorieux et Bénédicte Bertrand parient sur le local et la seconde main. Et ces trois femmes, membres de l’association Eco Fashion Lab, n’en sont pas à leur coup d’essai.

En effet, leur association agit pour la mode éthique en Suisse Romande depuis 2018. Elle organise notamment des ateliers ludiques dans les écoles à Yverdon-les-Bains pour expliquer ce qu’est la mode responsable. Elle produit aussi un podcast, Ginkyo, où des créateurs et créatrices éco-responsables en Suisse Romande parlent de leur travail au travers d’interviews. «On avait trop d’idées pour se cantonner à quelque chose de virtuel et, même si les interventions dans les écoles sont importantes, il était primordial de les compléter avec une solution concrète», raconte Stélina Lorieux, modiste, couturière et styliste.

«Après la pandémie, et plusieurs projets avortés, on avait envie d’un lieu physique pour recréer du lien. Yverdon a été une évidence car plusieurs lieux commerciaux se libéraient et la ville propose des bourses de soutien pour encourager les initiatives durables», explique l’Yverdonnoise Noëlle Dall’Olio, présidente de l’association Eco Fashion Lab. Ainsi, elles ont créé La Lisière: un tiers-lieu de rencontre où les personnes peuvent venir acheter des vêtements mais pas seulement…

Se démarquer des fripes

La plus grande surface du local est dédiée à la boutique où des vêtements en seconde main sont minutieusement inspectés et estimés par Noëlle Dall’Olio, conseillère en image, pour être vendus. «Lorsque les personnes apportent leurs pièces pour les vendre, Noëlle effectuera une sélection pointue. On veut privilégier à tout prix les matières naturelles, la qualité des finitions et évincer les marques d’ultra-fast fashion, c’est-à-dire la mode jetable et mondialisée», détaille Stélina Lorieux.

De cette façon, les trois femmes souhaitent que leur espace se démarque d’autres locaux d’associations caritatives ou des fripes. Elles veulent également proposer une offre différente et très qualitative parce que «tout le monde n’aime pas chiner», précise la styliste. La partie dépôt-vente met également en avant l’idée d’une économie circulaire. Comme l’explique la présidente de l’association, «il s’agit de proposer aux personnes de la région de déposer leurs vêtements ici plutôt que ceux-ci partent à l’autre bout du monde. Cela évite les transports et développe l’économie locale: on réintroduit dans le circuit des vêtements endormis et on partage à 50-50 le fruit de la vente». «C’est aussi une façon de responsabiliser les personnes. Qu’elles puissent se rendre compte qu’à leur échelle elles peuvent faire un geste», ajoute Stélina Lorieux.

Dans sa partie boutique, La Lisière mettra également à l’honneur un créateur ou une créatrice suisse chaque trimestre: une façon de faire découvrir à la clientèle les pièces des stylistes locaux et d’organiser régulièrement un événement pour que la population aille à la rencontre des acteurs de la mode éthique.

A côté de la boutique, un espace atelier proposera des cours de couture, de teinture naturelle textile ou encore de broderie. Une bibliothèque sera également mise à disposition pour que tout le monde puisse consulter des ouvrages dédiés à la mode et à la couture en général. Pour la modiste, il s’agit de créer un espace autonome où «les membres de l’association pourront venir chercher ce dont ils ont besoin que ce soit du matériel ou des conseils».

Pari risqué à l’ère du digital

Ainsi, les trois femmes espèrent proposer un panel de solutions et créer des liens entre les habitants de la région dans cet espace collaboratif. D’autant plus que La Lisière se veut être un lieu intergénérationnel. «On a fixé la date d’ouverture le jeudi 12 octobre, juste avant les vacances d’automne, car on veut proposer des ateliers spécialement pour les jeunes. Une professeure de géographie du gymnase d’Yverdon nous a également contactées pour amener ses étudiants et étudiantes à La Lisière pour traiter des problèmes de la fast fashion et des solutions qui peuvent être mises en place. Nous on ne demande que ça de créer des synergies auprès des jeunes, des personnes âgées et de tous les habitants dans la région», s’exclame la présidente le sourire aux lèvres.

Mais à l’ère du digital, ce projet n’est pas sans risque… Si les trois femmes ne sont pas sans craintes, elles croient dur comme fer au succès de ce concept novateur. «On prend le pari parce que c’est un lieu atypique qui n’existe pas encore», argumente Stélina Lorieux. «Je pense aussi que ces lieux physiques manquent beaucoup de nos jours. C’est peut-être pratique et rapide de tout faire par internet mais je pense que le contact humain, le partage et l’échange restent importants», ajoute Noëlle Dall’Olio.

La Lisière peut-elle se faire une place dans un monde digitalisé? L’avenir le dira. En attendant, les responsables du local invitent la population à venir découvrir cet espace ce soir lors de l’inauguration.

Andreia Portinha Saraiva