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La mémoire d’un village préservée
René et Michel Perdrix. © Michel Duperrex

La mémoire d’un village préservée

3 octobre 2020

Passionnés d’histoire, le préfet honoraire René Perdrix et son frère Michel mettent en lumière une vie oubliée.

 

Lorsqu’il évoque l’histoire de la région, en la replaçant systématiquement dans un contexte beaucoup plus large, René Perdrix est intarissable. Et passionnant. Au point qu’on ne voit pas le temps filer. Justement, c’est parce qu’il passe qu’il devient indispensable de fixer, pour les générations futures, les connaissances et les souvenirs qui ressortent en bonne partie du savoir oral. C’est dans ce contexte que l’ancien régent de Giez, village dont il a aussi été le syndic, s’est attelé à évoquer Champagne, le village de son enfance. L’ouvrage est mis en valeur par une riche iconographie provenant de la photothèque de son frère Michel, qui est toujours domicilé dans la localité.

Passionné d’histoire, le préfet honoraire avait besoin d’une impulsion pour s’attaquer à la publication d’un livre. Elle est venue lors d’une réunion amicale, début janvier, au cours de laquelle il retrouve le même cercle d’amis: «J’ai écrit un petit texte sur Champagne et ses cloches pour l’anniversaire de mariage de Ghislaine et Paul-André Cornu. Cela les a touchés. Ils m’ont dit que si on se revoyait l’année prochaine, il faudrait en réécrire un bout», explique l’auteur.

Du coup, il s’est pris au jeu. «C’est un document de mémoire, fondé prioritairement sur ma propre mémoire. Et elle n’est pas fondamentalement différente de celle de mes contemporains», explique d’emblée René Perdrix. Il a délibérément choisi d’évoquer le Champagne de son enfance, mais, bien évidemment, il situe les activités, l’origine des édifices, ou encore certaines coutumes dans un contexte historique bien plus large, d’où l’intérêt de la publication. Les frères Perdrix ont dédié cet ouvrage à leur père Charles, «acteur de cette époque». Le charron figure d’ailleurs dans le livre avec une roue de «Truc» qu’il poussera le long du ruisseau jusqu’à la forge, où elle sera cerclée par son collègue Werner Stämpfli.

L’auteur, né en 1944, s’est tellement pris au jeu qu’il est devenu un véritable enquêteur lorsqu’il s’est agi d’explorer les origines de certaines coutumes et bâtiments. Il a sollicité non seulement ses contemporains, mais aussi les doyens du village. Bien évidemment, sa passion pour l’histoire l’a porté très loin dans le temps, pour tenter de connaître les raisons de l’implantation de certaines grandes familles bourgeoises, à l’instar des de Candole, dans cet localité en apparence inconnue et située loin des villes.

Mais c’est sans doute cette position au coeur de la campagne nord-vaudoise, entre Neuchâtel et Genève, qui a valu à Champagne d’exercer une forme d’attraction sur les grandes familles bourgeoises, dont il reste aujourd’hui des propriétés remarquables, ornées d’arbres plus que centenaires, tel le fameux cèdre du Liban, planté il y a plus de deux siècles.

Le préfet honoraire, qui a été bien plus qu’un lieutenant de l’Etat -il a été détaché à plusieurs reprises durant sa carrière pour conduire, entre autres, le programme d’économies du Gouvernement cantonal-, s’est trouvé un collaborateur de premier ordre, son frère Michel, passionné de photographie, dont la collection recèle plusieurs dizaines de milliers de clichés.

C’est dire que l’iconographie est d’une grande qualité et, à l’instar du texte, elle promet de nourrir les discussions de nombreuses familles. Non seulement lorsqu’elles tenteront d’identifier les personnes et les lieux, mais elles provoqueront inmanquablement de nouvelles révélations de la part des anciens. Car c’est dans ce genre de réunion que les souvenirs reviennent.

Pour mener à bien ce projet, René Perdrix n’a pas eu recours à un éditeur. Il a trouvé dans son frère Michel un collaborateur averti, et le fichier fourni à l’imprimerie Cavin, à Grandson, était pratiquement prêt à passer en machine. Le préfet honoraire n’a pas souhaité non plus en faire une affaire. Il a chargé l’Ecole de musique de la vente du livre, et l’institution en bénéficiera.
C’est l’occasion de rappeler que l’ancien serviteur de l’Etat avait en son temps présidé la commission qui a préparé la Loi sur l’enseignement non professionnel de la musique, dont bénéficient aujourd’hui de nombreuses institutions dans le canton.

 

 

«Champagne dans les années cinquante», un petit trésor

 

Une image panoramique du village avec, au fond, Bru et le lac de Neuchâtel, situe d’emblée le sujet. Champagne est alors un village profondément campagnard dans la période de transition qui suit la deuxième guerre mondiale. L’auteur a choisi d’évoquer cette période au travers des activités, agricoles, commerciales et industrielles. On y découvre aussi que le village a accueilli de nombreux jeunes gens de bonne famille au pensionnat Jaccard. Les sociétés locales sont alors très vivantes.

L’évocation des activités industrielles avec La Nationale est bien évidemment détaillée, car la fabrique, fondée en 1905, n’avait pas encore son homonyme moderne et elle occupait alors quelque 200 collaborateurs. Précis, René Perdrix explique que le site du Moulin est l’un des plus anciens de la région dédié à l’industrie. L’évocation de Louis Bourquin, fondateur de La Nationale, témoigne des coutumes d’un autre temps.

Les autorités, l’eau, source de vie et de progrès, la musique, et bien évidemment les cloches de Champagne font de ce livre de mémoire un petit trésor à lire et à transmettre. Car il faut bien admettre que l’accélération vécue ces dernières décennies a fait disparaître, ou a profondément transformé, un monde alors marqué par une empreinte profondément rurale, même si, dans le cas particulier, Champagne avait déjà un pied dans le monde industriel.

Isidore Raposo