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La Municipalité dissèque ses frais
Yverdon, 13 avril 2016. Municipalité. © Michel Duperrex

La Municipalité dissèque ses frais

12 février 2019 | Edition N°2434

Yverdon-les-Bains – Si Gloria Capt tient plus à son indépendance qu’au remboursement de ses factures, tous les élus n’ont pas la même appréciation des notes de frais. En 2017, personne n’a récupéré plus de 4400 francs.

Frais de déplacement, de téléphonie, de bouche ou de voyage: l’Exécutif yverdonnois met cartes sur table. Si chaque municipal touche une indemnité de 9000 francs par an – 12 000 francs pour le syndic – qui lui permet notamment de régler ses déplacements à l’intérieur de la ville ou ses achats de vêtements ou de cartouches d’imprimante, ce forfait n’est pas destiné à couvrir les frais liés à une représentation de la Ville ou décidée par la Municipalité, tels que la participation au repas de soutien d’une association ou l’invitation de tiers à un repas de travail. A la lecture des montants remboursés en 2017, force est de constater qu’ils n’excèdent pas 4400 francs par personne, mais qu’ils diffèrent considérablement d’un élu à l’autre.

En 2017, la responsable de l’Urbanisme et des bâtiments Gloria Capt s’est contentée de son enveloppe de 9000 francs. Une situation qui n’avait rien d’anecdotique, puisque la PLR n’établit pratiquement aucune de note de frais. «J’utilise ma voiture et je ne demande pas à être remboursée, indique-t-elle. Je pourrais aussi faire payer mon téléphone par la Commune mais je ne le fais pas.» Une position qu’elle justifie par son besoin d’indépendance: «Je n’ai pas envie d’avoir de comptes à rendre.»

L’Exécutif, dont le salaire dépasse 100 000 francs par an pour les municipaux et avoisine les 200 000 francs pour le syndic, a dévoilé le montant de ses notes de frais.

L’Exécutif, dont le salaire dépasse 100 000 francs par an pour les municipaux et avoisine les 200 000 francs pour le syndic, a dévoilé le montant de ses notes de frais.DR

Carmen Tanner estime, pour sa part, que l’indemnité annuelle de 9000 francs qu’elle perçoit suffit à couvrir tous ses frais. Mais elle n’en fait pas un credo pour autant: «Si je devais me rendre à Berne et passer la nuit sur place pour une conférence, par exemple, je demanderais à être remboursée, comme le permet notre règlement.»

«Aucune posture idéologique» non plus chez Pierre Dessemontet, qui n’a rien demandé en retour en 2017. Si le socialiste s’est contenté de son forfait, c’est simplement parce qu’il n’a eu aucune dépense exceptionnelle. «J’ai un dicastère qui m’envoie rarement à l’extérieur de la ville», explique le responsable des Energies.

Pas tous à la même enseigne

Tout le contraire de sa collègue Valérie Jaggi Wepf, qui doit régulièrement s’absenter d’Yverdon-les-Bains dans le cadre de ses fonctions de responsable de la Police. «Je me rends très souvent à l’Académie de police de Savatan», détaille l’élue PLR, à qui la Ville a rétrocédé 4360 francs en 2017, dont 3412 francs pour des déplacements en voiture, en plus de son indemnité annuelle. Des trajets auxquels s’ajoutent ceux qu’elle effectue dans le cadre de sa fonction de présidente du comité de la Conférence des directeurs des polices municipales vaudoises, qui l’envoie régulièrement aux quatre coins du canton.

Municipal des Travaux et de l’environnement, Marc-André Burkhard avance les mêmes raisons que sa collègue de parti pour expliquer ses frais de déplacement. Les 3046 francs qu’il a demandés en retour à la Ville, en 2017, concernaient un voyage au Canada durant lequel il a représenté Yverdon-les-Bains pour le départ de SolarStratos et l’ouverture du congrès du Réseau mondial des élus locaux francophones. «J’ai fait le voyage en quatre jours, aller-retour. On ne peut pas dire que j’ai abusé des deniers publics», soutient le vice-syndic.


Des représentations plus rentables que d’autres

Les jetons de présence perçus par les municipaux dans le cadre de l’administration d’une entreprise ou d’une société dans laquelle ils sont délégués par la Commune varient considérablement d’un élu à l’autre. Marc-André Burkhard a ainsi touché 15 850 francs en 2017 – dont 10 450 de la Société pour le tri, le recyclage et l’incinération des déchets –, alors que Carmen Tanner a encaissé 562 francs. «Je siège dans des comités et des conseils à vocation culturelle, qui ne sont pas ou peu rétribués», souligne l’élue Verte. «C’est une loterie et il n’y a pas de calcul machiavélique pour dire: Je prends cette représentation car ça rapporte, assure le syndic Jean-Daniel Carrard, qui a touché 3550 francs en 2017. Quand on répartit les dicastères, on prend ce qui va avec.»

Si les indemnités sont versées dans la caisse communale, elles reviennent ensuite à l’édile concerné. Une pratique qui interpelle le socialiste Stéphane Balet, qui avait enjoint la Municipalité à faire la lumière sur ses frais, forfaits et indemnités en décembre. «D’une année à l’autre et d’un municipal à l’autre, il y a de grandes différences», note le conseiller communal, qui s’interroge sur le principe d’équité au sein de l’Exécutif. Autre point d’accroche: la situation du syndic – seul élu à 100% –, qui récupère ses indemnités, alors que le règlement ad hoc laisse à penser que seuls les élus à temps partiel peuvent le faire. «Ce raisonnement vaut aussi pour lui, puisque les séances du conseil d’administration (par exemple les Etablissements hospitaliers du Nord vaudois) ou de comité (par exemple l’Union des communes vaudoises) ont souvent lieu en dehors des heures de travail habituelles et impliquent de travailler soit très tôt le matin, soit tard le soir, en plus des activités liées à la fonction», commente l’Exécutif. Pas de quoi convaincre Stéphane Balet, qui songe à proposer une révision du règlement: «Pour moi, c’est inacceptable de dire que c’est en dehors de son 100%. On sait bien qu’une grande partie du travail du syndic se fait le soir!» C. Ge n

Caroline Gebhard