La nouvelle génération prend la main à La Boulaz
31 janvier 2025 | Textes: I. Ro | Photo: Michel DuperrexEdition N°3882
L’aventure familiale plus que centenaire se poursuit sur les hauts du village. La nouvelle génération prend les commandes.
Situé sur les hauts d’un village réchauffé ce mercredi matin par un soleil généreux et traversé par une eau abondante qui alimente les fontaines qui ont donné leur nom à la rue qui descend en direction du lac, le Domaine de la Boulaz jouit d’une position exceptionnelle. C’est à cet endroit propice à la méditation que les ancêtres de la famille Bloesch ont entrepris, il y a un peu plus d’un siècle, la transition de l’agriculture vers la viticulture. Avec succès, malgré les difficultés qu’il a bien fallu affronter en périodes de crise
En effet, la jeune garde prend désormais la main avec la ferme intention de faire perdurer ce «patrimoine familial», tel que le résume Arnaud Bloesch, 30 ans, désormais aux commandes avec son frère Léonard, âgé de 27 ans. Et même s’il ne laisse rien transparaître, à part un évident sourire de fierté, leur papa, Jacques, est comblé. En effet, la succession au sein des entreprises familiales est parfois difficile. Dans le cas particulier, la transition s’est faite naturellement et en douceur.
«Il y a quelques années, alors que j’abordais la dernière ligne droite, je leur ai demandé s’il fallait vendre», explique Jacques Bloesch. «On ne veut pas, on ne peut pas se défaire d’un pareil patrimoine familial», ont répondu ses enfants.
Comme une évidence
Il faut dire qu’Arnaud et Léonard sont non seulement attachés au site, mais ils sont toujours restés proches des activités de leur père, consacrant notamment une partie de leurs vacances aux vendanges. «On était toujours là. Comme on vendange l’après-midi, je travaillais le matin chez mon employeur et je revenais au domaine», explique Léonard, formé comme employé de commerce, et actif durant huit ans dans une multinationale, ce qui l’a aussi amené à voyager à l’étranger.
Arnaud a eu un début de parcours professionnel similaire, avant de se préparer à reprendre le domaine familial. Il a ainsi effectué une formation complète de viticulteur au Centre Agrilogie de Marcelin, sanctionnée par un diplôme et une mention.
Pour l’aîné de la fratrie, la reprise du domaine était une évidence: «Notre arrière-arrière-grand-père a commencé par cultiver la vigne pour sa consommation en 1924. Ici, il y avait du bétail, derrière du foin et la paille au-dessus. La bascule totale dans la viticulture remonte au début des années septante», explique-t-il en montrant les locaux de ce qui était une ferme traditionnelle il y a un siècle, aujourd’hui adaptés aux nouvelles activités, avec le chais à l’arrière et une belle salle pour accueillir les dégustateurs et clients.
Polyvalence privilégiée
Pour les deux frères, s’associer était tout aussi naturel. Ils partagent non seulement l’attachement à leur terroir, mais aussi la passion du football. Arnaud préside le Club des Mille d’Yverdon-Sport, alors que Léonard pratique l’arbitrage à un bon niveau.
Plus que les tâches, ils vont simplement partager le travail en fonction des besoins. Tous deux ont des réseaux et des capacités commerciales. «Léonard est un redoutable dégustateur, il fait partie des meilleurs de la région. Il a des capacités monstrueuses», atteste son frère aîné. C’est dire qu’il ne plonge pas dans un domaine inconnu. Il envisage d’ailleurs de suivre des formations spécifiques.
Le gros du travail à la vigne est effectué principalement par un employé et les deux frères interviennent en appui lorsque c’est nécessaire.
Un ensemble exceptionnel
L’un des atouts du Domaine de La Boulaz réside dans son unité. Les cinq hectares de vignes se déploient en éventail au-dessus de la cave et de la maison familiale. C’est dire qu’en trois petites minutes, on peut regagner la cave pour servir un client.
Ce terroir, où sourd, au gré des strates du calcaire hauterivien, une eau de qualité, bénéficie aussi d’un ensoleillement exceptionnel. Deux atouts que les frères Bloesch veulent mettre en valeur, tant du point de vue de la culture que lors du travail à la cave.
Situé à l’arrière de la nouvelle salle de réception, le chais bénéficie de conditions de température et d’un degré d’humidité idéaux. Un réseau de drainage passe sur ce beau volume occupé par les barriques. «A l’exception d’une, elles sont toutes constituées de chêne provenant du Jura suisse», explique le papa.
Choyer le client
Au-delà de la qualité des produits, symbolisée notamment par la bouteille du centenaire et son étiquette originale, les deux frères veulent développer le rayonnement du domaine. «Avant, les clients qui voulaient une bouteille attendaient devant la porte. Maintenant, il faut aller les chercher», explique Arnaud.
Et ce n’est pas seulement le produit qui les attire, mais ils veulent aussi vivre une expérience unique. A La Boulaz, ils seront ravis. Assurément bien accueillis, ils pourront observer les vignes situées à deux pas et, pourquoi pas, admirer le lac et les montagnes depuis ce promontoire.
Cette proximité, les deux frères veulent l’accentuer. Des amis venus faire les vendanges y reviennent, même lors de l’opération Caves ouvertes. «Cela crée des souvenirs, ils deviennent nos ambassadeurs», constate Arnaud.
Défense professionnelle
Au sein de l’Association des vignerons encaveurs indépendants, la passation a aussi été effectuée. Léonard a relayé son père Jacques au comité, où il est en charge des finances. «Nous ne voulons pas être des marchands de vin. Nous sommes dans une chaîne que nous maîtrisons, de la culture au produit final. C’est très important à l’heure du traçage des produits. Notre but est de défendre cette indépendance et la qualité, c’est un véritable label», ajoutent-ils.
Sous la dénomination principale de La Boulaz, Jacques s’est désormais effacé pour laisser apparaître «Les frères Bloesch». Mais en cas de nécessité, et en bon papa, il ne sera jamais bien loin. Ne serait-ce que pour donner un conseil.
Bien évidemment, tous retrouveront leurs amis et clients, fin mars-début avril, au Comptoir du Nord vaudois. Un rendez-vous incontournable pour cette famille d’artisans du terroir nord-vaudois.
Une table dans la vigne vaut bien une capite
Surnommés parfois «bars des vignes», les capites, souvent désaffectées ou employées comme de simples dépôts de matériel, mais occasionnellement aménagées en douce, vont pouvoir être à nouveau mises en valeur. En effet, le développement de l’œnotourisme passe par l’organisation d’événements, principalement des dégustations sur le terrain.
Depuis le lancement des balades gourmandes, ce mouvement, privilégiant «une expérience», a pris une grande ampleur. Le Conseil d’Etat, après une large consultation des organisations faîtières, a ainsi assoupli les conditions d’exploitation afin de favoriser la nouvelle affectation des capites, qui pour la plupart seront ainsi rénovées.
Deux conditions ont été imposées aux exploitants, soit les viticulteurs, l’obligation de suivre une formation, et une liste restreinte des mets qui peuvent accompagner la dégustation.
Arnaud Bloesch a ainsi suivi une formation de cinq jours à GastroVaud. Il salue l’ouverture manifestée par le Conseil d’Etat, et ajoute: «Mais une table dans la vigne, cela va aussi!»