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La petite maison des horreurs

25 octobre 2016 | Edition N°1856

Orbe – Un homme a été interpellé, soupçonné d’avoir tué sa compagne et enterré son corps aux abords immédiats de la villa qu’ils louaient. Une enquête pénale est ouverte.

La police a trouvé ce qu’elle était venue chercher. Les abords de la maisonnette ne sont pas interdits d’accès et les traces de fouilles restent apparentes. ©PhV

La police a trouvé ce qu’elle était venue chercher. Les abords de la maisonnette ne sont pas interdits d’accès et les traces de fouilles restent apparentes.

C’est une petite maison décrépite qui voisine avec le manoir décati de Montchoisi, à Orbe. En ce matin brumeux et humide, on pourrait se croire plongé dans le décor d’un film de Melville. Ici pourrait gîter un receleur, se planquer un truand en cavale ou s’organiser un rendez-vous louche entre un condé et son indic. Bref ça sent le fait divers.

En témoigne cette terre grasse fraîchement retournée qui, hier encore, collait aux semelles de tous ceux qui la piétinaient. Car c’est bien là, dans cette cour sans miracle, entre un amas de planches et un jeu de quilles en plastique à l’abandon, entre deux caravanes déglinguées, dont l’une a été transformée en poulailler, c’est bien dans cette terre prodigue avec les végétaux que la Police cantonale a cherché le corps d’une femme disparue. Et c’est bien là que sa dépouille a été exhumée, à proximité de ce qui est devenu d’un coup la petite maison des horreurs.

Les investigations, placées sous l’autorité du Procureur de service, se poursuivent. En effet, les circonstances du décès ne sont pas connues pour l’instant et des examens médicaux légaux sont en cours.

Femme disparue

«Moi je l’appelais La Taupe, elle ne m’aimait pas», confie, alors qu’il ignore encore tout de cette macabre découverte, le colombophile portugais dont la volière se situe au voisinage de la maisonnette. L’homme venu nourrir ses champions ne se déclare qu’à moitié surpris de tout ce battage médiatico-policier. «Elle était là quand je suis parti en vacances, à la mi-juillet. A mon retour, je m’étonnais de ne plus la voir. Mais bon, quand on prenait un apéro avec les copains, et qu’il y avait son gendre qui est aussi Portugais, elle criait qu’elle ne voulait pas le voir ici», poursuit-il, ponctuant son discours d’un geste évasif.

Une absence qu’a également relevée une occupante du manoir sortie promener ses chiens au milieu d’une -petite- meute de curieux. Selon elle, sa voisine «était censée être partie». Le voisinage décrit cette épouse «disparue» comme une personne plutôt recluse, sortant peu et semblant souffrir d’agoraphobie. «Il nous a dit qu’il ne voulait plus entendre parler d’elle», se rappelle encore le voisin colombophile.

Car, pour ceux qui le connaissent de près ou de loin, D. M., 51 ans, l’autre occupant des lieux depuis une dizaine d’années, figure lui aussi aux abonnés absents, car aux mains de la police.

Tuyaux

«On n’arrive plus à le joindre sur son natel depuis samedi soir», notait hier matin un habitant d’Orbe, qui le fréquentait au café. C’est-à-dire juste au moment où les investigations policières battaient leur plein autour de la maison (lire encadré).

«Depuis dimanche matin, on ne l’a pas vu au bistrot et ses dernières consommations, il les a fait mettre à l’ardoise», note encore une de ses relations. Il est vrai que, désormais, l’homme devrait s’attendre à régler une note bien plus salée, pour des faits autrement plus graves.

D’autres confirment aussi des manœuvres bizarres. «Il n’a pas arrêté de nous dire qu’il avait du boulot, autour de chez lui. Il fallait qu’il creuse pour poser des tuyaux». Des tuyaux ou un tombeau ?

Des «tuyaux» qui semblent jouer un rôle particulier dans un drame macabre. Car, c’est bien un tuyau anonyme qui aurait guidé la police vers un lieu qui s’est révélé une possible scène de crime.

Un peu marginal

«C’est un vrai traumatisme, ce qui arrive», poursuit la promeneuse de chiens. Selon elle, le suspect présumé, avec lequel elle voisine depuis huit ans, lui était apparu ces derniers temps «nerveux, un peu bizarre, mal dans sa peau». Assez pour devenir un jour agressif, pour passer à l’acte ?

«Je ne crois pas non. C’est un type solitaire, un peu marginal, limite borderline je dirai ! Un genre de gros lourdaud, ce qui lui valait des problèmes de toute sorte, financier, professionnel. Mais de là à être violent», avance un Urbigène qui l’a connu. «Oui, il fréquentait régulièrement mon établissement, mais je n’ai jamais eu de problème avec lui. Il était même plutôt cool», renchérit le tenancier d’un café du centre d’Orbe où D. M. Avait ses habitudes.

Ce père de deux enfants aurait tenté bien des expériences pour se maintenir à flot. Petit commerce, restauration, vente de pâtisseries sur les marchés ne se seraient guère révélées concluantes. Pas davantage que son passage dans les rangs des pompiers de la Cité aux deux poissons. Il a été membre du Détachement premiers secours, mais a cessé ce service voici deux ou trois ans. En général, on le décrit volontiers comme vivotant de petits boulots en combines, non sans évoquer un petit crochet par les subsides sociaux.

En tout cas, les confessions des uns et des autres dessinent le portrait d’une personne peu ou prou en voie de marginalisation, tutoyant une forme de déclassement social (lire encadré gris). Et, si l’on rencontre du Melville pour le cadre, les motivations de cette plus ou moins ténébreuse affaire auraient peut-être inspiré Simenon.

Individu «inquiétant»

D.M. Et celle qui partageait ses jours résidaient dans cette maisonnette depuis une dizaine d’années. Il était plus ou moins sensé en régler le loyer en effectuant des travaux d’entretien et de conciergerie pour une vielle dame, ex-propriétaire du domaine de Montchoisi. «La situation était quand même ambiguë», estime un proche.

«Avec elle, on n’a jamais eu une conversation, mais lui, on le trouvait parfois inquiétant», estime-t-il. Ainsi au prétexte d’aider la vielle dame, il aurait «annexé» sa voiture. Et c’est soi-disant pour protéger ce véhicule que D. M. Aurait réalisé, voici un mois, un précaire abri en lambourdes, tout près de la maison. Une construction déposée pour les besoins des fouilles, car elle aurait pu dissimuler autre chose…

Fouilles

Ainsi que l’a révélé 20Minutes.ch, les premières investigations policières se sont déroulées dans la nuit de samedi à dimanche. Elles ont pris plus d’ampleur le dimanche avec l’intervention d’un engin de terrassement. Ces fouilles ont mobilisés policiers scientifiques, pompiers et médecin légiste.

https://www.youtube.com/watch?v=qn48E-D2RhU

Philippe Villard