La pole dance et Virginie Cochard ont grandi ensemble
2 septembre 2015Pole dance – Directrice de l’école Pink’Attitude, la Grandsonnoise de 33 ans a profité du fulgurant et incroyable développement de la discipline pour faire de sa passion son métier. Son regard sur l’évolution d’un art aux racines sulfureuses.
«Quand j’ai commencé, il y a une bonne dizaine d’années, on n’osait pas en parler», se souvient Virginie Cochard, dans les locaux de son école, en évoquant ses débuts dans le milieu de la pole dance, qui n’en était alors qu’à ses balbutiements. Comment classer la chose, issue des bars à striptease et qui a évolué, influencée par la danse, la gymnastique et le cirque, jusqu’à devenir une discipline à part entière? «C’est un peu tout ça; on propose à la fois de rester féminine, de faire du sport, de faire de la danse et de relever un challenge. C’est le mélange de ces facettes qui font le succès de la pole dance», estime la directrice de l’école Pink’Attitude.
La Grandsonnoise a découvert la discipline lors de ses voyages. Fascinée par le mouvement circulaire et l’esthétique observés, elle s’est même rendue quelques fois dans des cabarets, mais «avec un regard différent que la majorité d’hommes autour de moi», glisse-t-elle, tout sourire. C’est avec l’apparition de Youtube, au milieu des années 2000, que va se développer et se démocratiser la pole dance. «En voyant des filles faire des figures acrobatiques autour de ces barres, je me suit dit, c’est ça que je veux faire!»
Les débuts sont difficiles, car la discipline en création est mal perçue. «Les gens me demandaient si j’avais besoin d’argent. Il a été dur de convaincre qu’il s’agissait d’un sport, comme l’est le patinage artistique, par exemple.» Mais elle ne renie pas les origines de la spécialité, bien au contraire: «La partie sulfureuse, érotique, a attiré les filles. Sans ça, il y aurait eu moins d’engouement.»
La Nord-Vaudoise fait ses premiers pas autour d’un cylindre ci et là, alors que les adeptes s’organisent par foyers épars. «On demandait à des ouvriers de nous couper des barres en alu», raconte celle dont le corps a, indéniablement, été sculpté par la pratique de son art. Puis une première école ouvre ses portes à Gland, où elle passe rapidement du statut d’élève à celui de professeur. Elle avait trouvé sa voie.
D’apprentie en droguerie à Yverdon à directrice d’une école de pole dance, le parcours de Virginie Cochard, qui a aujourd’hui 33 ans, peut paraître surprenant. Elle-même n’imaginait pas, il n’y a pas si longtemps, devenir indépendante dans un domaine qui était sa passion.
Incroyable expansion
Son école, elle l’a créée en 2012 avec une associée, à Montreux, après une période difficile de sa vie, durant laquelle elle a eu le temps d’imaginer son projet. Le succès a été fulgurant. En un mois, une cinquantaine d’élèves étaient inscrites dans les locaux de la Riviera. «On savait qu’il y avait de la demande. A cette époque, il n’y avait des salles qu’à Gland, Crissier et Yverdon, mais aucune en Valais ou sur Fribourg. On a été dépassées! Le téléphone sonnait tout le temps.» Depuis, Pink’Attitude a enfanté deux succursales, en 2013 à Lausanne, ville où Virginie Cochard est établie, et, en 2014, à Bulle. Une nouvelle est attendue, pour cet automne, à Vevey. «Aujourd’hui, en Suisse, on trouve une école toutes les vingt minutes en voiture», estime celle qui a totalement abandonné sa profession d’origine, il y a un an, pour se consacrer à son entreprise.
Le filon risque-t-il de se tasser? «Il faut laisser évoluer la discipline selon la tendance. Elle a débuté sur le terrain de l’érotisme, puis a été plus assumée, se rapprochant de la danse, et est devenue plus sportive, souligne celle qui a grandi dans la Cité d’Othon. La clientèle ne vient plus pour les mêmes raisons. En 2012, c’était pour épater la galerie, pour séduire et danser en boîte; à présent, le côté sportif l’emporte. C’est, d’ailleurs, ce qui intéresse les hommes, qui sont de plus en plus nombreux. La pole dance devient mixte.» Les élèves ont majoritairement entre 20 et 40 ans, mais à Pink’Attitude, la plus jeune a 8 ans et la plus âgées plus de 50 printemps.
Et Virginie Cochard de jeter un oeil dans le rétroviseur: «En fait, en dix ans, le discours a complètement changé. Alors, les gens parlaient de lap dance, pensaient qu’il suffisait de se tortiller autour d’une barre. A présent, les filles voient des images des meilleures et pensent que c’est trop dur pour elles, qu’elles ne sont pas assez souples ou assez fortes. Mais on n’arrive pas pour la première fois sur un court de tennis en sachant frapper un coup droit parfait. La pole dance est accessible à chacun.» Et, désormais, tout le monde en parle.
Le premier Pole Theatre de Suisse samedi à Montbenon
Les compétitions de pole dance sont devenues très strictes et codifiées. «Un peu comme en gymnastique ou au patinage artistique, image Virginie Cochard. Il y a des figures à coefficient. C’est purement de la performance physique, on appelle ça le pole sport. Du coup, c’est plus répétitif et ennuyeux, et surtout réservé à l’élite.» C’est pourquoi la directrice de Pink’Attitude a eu l’envie, et l’idée, d’acquérir la licence nécessaire à l’organisation d’une compétition du label Pole Theatre. Celle-ci est réservée aux amateurs et semi-professionnels. Le programme est libre et la philosophie artistique. Dans ce cadre, c’est la prestation la plus divertissante qui l’emporte.
Le premier Pole Theatre de Suisse -la manifestation est appelée à se perpétuer- se déroulera le 5 septembre au Théâtre de Montbenon, à Lausanne, qui devrait être plein comme un oeuf. 24 finalistes, sélectionnées parmi 98 candidates (la sélection a été faite sur vidéo), dont de nombreuses Romandes, participeront à l’événement. Les concurrentes sont réparties dans quatre catégories: art (interprétation artistique), drama (la performance doit raconter une histoire), comedy (prestation humoristique) et exotic (un retour aux racines de la discipline, sensuelle, avec des talons et un élément de strip-tease). «Cette compétition est complètement à contre-courant de la tendance actuelle en pole dance», se réjouit Virginie Cochard, qui souhaite que son sport conserve la diversité des influences qui font ce qu’elle est, pour continuer à plaire au plus grand nombre.
Infos et billetterie: www.swisspoletheatre.com