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La ressuscitée du grenier
© Michel Duperrex

La ressuscitée du grenier

10 octobre 2020

La machine à écrire a beau être d’un autre siècle, elle refuse de prendre la poussière et d’être jetée aux oubliettes. Bien au contraire, elle s’illustre sous toutes ses formes à Yverdon-les-Bains.

 

Cette dame d’âge respectable n’a pas pris une ride. Véritable muse, elle reste un symbole et une source d’inspiration. La preuve: ce sont non pas une, mais quatre institutions culturelles qui lui rendent hommage, au travers d’un projet de grande ampleur, Rock Me Baby, Prix du Patrimoine vaudois 2019 de Retraites Populaires.

Sous l’impulsion de l’artiste-plasticien Sébastien Mettraux, le Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains (CACY), le Musée d’Yverdon et région, la Maison d’Ailleurs et la Bibliothèque publique se sont réunis pour offrir un regard croisé sur cet objet emblématique de l’industrie nord-vaudoise du 20e siècle. Chaque institution aborde la machine à écrire sous un angle qui lui est propre: les arts visuels, l’histoire et l’industrie, la culture populaire et la mémoire collective.

Qui eut crû que cette vieille dame susciterait un tel attrait, trente ans après la fermeture de la dernière usine de la maison Paillard (Hermes Precisa International/HPI) à Yverdon-les-Bains, en 1989. La fin d’une époque bénie durant laquelle les usines Paillard ont incarné le fleuron industriel du Nord vaudois, avec quelque 4400 employés dans les années 1960. «Trente ans, c’est un bon cycle pour renouveler un objet», analyse Sébastien Mettraux, commissaire de l’exposition. «Personne ne s’y intéressait il y a une vingtaine d’années. La machine à écrire avait une image poussiérieuse. Désormais, ce sont les jeunes, qui ont grandi avec le digital, qui lui accordent un regain d’intérêt!»

Au Centre d’art contemporain, on ne peut pas dire que les artistes aient laissé la machine à écrire prendre la rouille. L’exposition rassemble les productions d’une vingtaine d’artistes, suisses et internationaux, qui se sont servis de l’objet mythique, tant comme outil de création que sujet de représentation.

Par exemple, la new-yorkaise Allyson Strafella s’en sert pour composer de grands formats. Pour sa part, le peintre d’origine yverdonnoise Yannick Lambelet fait référence à la machine à écrire Royal 10 dans ses représentations inspirées du jeu vidéo Resident Evil. Quant à l’artiste italien Emmanuele De Ruvo, il met en scène l’objet emblématique dans son oeuvre Gravity of Situation, qui aborde en grandes lettres dorées la marque Corona. Imaginée en 2015, la sculpture prend évidemment une toute autre signification aujourd’hui!

«Cette exposition est aussi une clé de lecture aux moments de crise. Nous en traversons une actuellement. Les usines HPI en ont vécu dès les années 70, en manquant le virage technologique et le passage vers le numérique», explique le commissaire de l’exposition.

Maintenant qu’il a rassemblé toutes ces synergies, Sébastien Mettraux a l’impression de clôturer un cycle. «C’est ma première exposition, et ce sera probablement la dernière. Elle traite d’un thème qui me tenait particulièrement à coeur. C’est une célébration de l’histoire, du patrimoine et de la création artistique.»

 

Infos pratiques

Dès le 10 octobre: retrouvez le programme complet des expositions et manifestations de Rock me Baby sur le site: www.rockmebaby.ch

Marine Brunner