«La seule reconnaissance qui compte, c’est celle des joueuses»
6 juin 2018Edition N°2261
Frédéric Mauron, dont le contrat à Yverdon Féminin se terminera le 30 juin, tire le bilan de ses deux saisons passées sur le banc.
Théoriquement, la saison d’Yverdon Féminin est terminée. Audrey Riat et ses coéquipières se sont sauvées de belle manière, elles ont disputé leur dernier match il y a dix jours et Frédéric Mauron a vécu à Aarau son dernier match sur le banc. Dans les faits, par contre, YF n’a pas enlevé son bleu de travail, ou seulement en partie. «Disons que l’équipe s’entraîne encore. Puisque mon contrat court jusqu’au 30 juin, je donne toujours les entraînements», glisse le technicien, qui sentait le besoin de souffler et qui n’a plus le cœur à multiplier les formations pour obtenir ses diplômes. «Mais les séances sont légères, presque un peu trop à mon goût. En allemand, on dit: bis Ende ist nicht die Ende (ndlr: quand c’est fini, ça continue). Cette mentalité manque un peu en Suisse romande, c’est dommage.»
Reste que la décision de ménager ses joueuses ou non n’appartiendra bientôt plus à Frédéric Mauron, dont le nom du successeur a été arrêté et sera prochainement dévoilé. Et puis, il faut dire que Mathilde Staffoni, Nathalia Spälti et compagnie ont bien mérité de s’exercer quelques jours au foot-tennis plutôt que d’enchaîner les exercices éreintants. «Ça, c’est la liste des présences à l’entraînement, dévoile celui qui a dirigé la une ces deux dernières saisons, en sortant son natel de sa poche. En 2018, on s’est entraînés 91 fois. La plus régulière (ndlr: Ophélie Bourgeois, qui n’a pourtant joué que quatre rencontres) ne compte que 2% d’absence.» Et la deuxième gardienne est talonnée de près.
Apprendre à dialoguer
Une assiduité qui en dit long sur l’envie de bien faire du groupe commandé par Fred Mauron. «En deux ans, il y a eu des moments compliqués. Certains piliers de l’équipe, comme Audrey Riat, n’acceptaient pas de manquer un entraînement. Il a fallu ouvrir le dialogue, leur donner plus de libertés pour qu’elles se sentent mieux. Et ce printemps, Audrey donnait l’impression de vivre une seconde jeunesse. Mirjana Pajovic, par exemple, était à bout psychologiquement à la fin de l’année dernière. Avec le staff, on l’a écoutée, on a cherché des solutions avec elle. Résultat, elle a réalisé un magnifique second tour.»
Si le futur ex-coach d’YF, qui n’a pas encore décidé de son avenir, prend volontiers en exemple ces deux cadres, c’est aussi qu’elles sont les dernières rescapées d’une génération révolue. «Mon arrivée a coïncidé avec la transition entre les filles qui tenaient la baraque depuis longtemps et les jeunes amenées à assurer l’avenir du club en LNA. Dans cette optique, je ne peux qu’être fier du travail qu’elles ont accompli et de leur progression. A mon sens, une Nathalia Spälti mériterait de se trouver aux portes de l’équipe de Suisse. Alison Fallet, elle, est devenue une des leaders de cette formation. Si elle parvient à confirmer, un bel avenir l’attend.»
Une ascension des jeunes talents qui prouve une fois de plus le très bon travail effectué au niveau de la formation à Yverdon et dans l’ensemble du canton. «Ici, les gens continuent de nous prendre pour une petite équipe de village. Au fond, ce n’est pas très grave. Pour moi, la seule reconnaissance qui a toujours compté, c’est celle des joueuses. Reste qu’en Suisse allemande, on nous prend en exemple. On nous demande comment on fait pour, chaque saison, réussir à sortir au moins une joueuse à fort potentiel. A l’avenir, l’idéal serait évidemment de pouvoir garder ces filles-là. Mais, pour l’heure, la filière sport-études dans le canton ne permet pas aux footballeuses de vivre à fond pour leur discipline. A partir d’un certain nombre d’heures de foot, soit elles arrêtent, soit elles vont ailleurs.» Frédéric Mauron, lui, a choisi de s’en aller. Mais il ne sera jamais bien loin. «Si cette expérience était à refaire? Je resignerais sans hésiter.»