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L’aviron pour fuir la guerre

12 août 2015

Aviron – De son enfance en ex-URSS, marquée par les conflits armés, à son poste d’entraîneur du club yverdonnois, en passant par ses expériences aux Jeux olympiques, Rolandas Kazlauskas ouvre la boîte à souvenirs.

Rolandas Kazlauskas entraîne à Yverdon depuis quelques années. © Michel Duperrex

Rolandas Kazlauskas entraîne à Yverdon depuis quelques années.

«Mon père m’a dit de devenir un athlète d’élite afin de fuir la guerre qui touchait, à la fin des années 80, notre pays, se remémore Rolandas Kazlauskas. C’est comme cela que j’ai commencé l’aviron.» A cette période, la Lituanie, alors englobée dans l’ancienne Union soviétique, était en guerre contre l’Afghanistan et les sportifs de haut niveau étaient dispensés d’armée.

Le Lituanien a, dès lors, entrepris tout ce qui était en son pouvoir pour percer dans son domaine, au point de devenir un membre à part entière du top 10 mondial de skiff durant de longues années. Dorénavant, à bientôt 46 ans, et après avoir beaucoup voyagé, notamment pour son sport, il a élu domicile à Yverdon. «En 1995, j’ai rejoint ma mère, qui habitait alors en Valais, explique-t-il. Je m’entraînais à Vevey et, lors des diverses régates nationales, j’ai rencontré ma femme, qui est membre du club d’Yverdon. J’ai maintenant toute ma famille ici.»

Mais c’est bien loin de la Suisse que le natif de Kaunas a grandi. Grand sportif, il a hérité des gênes parentales. Son père, cycliste, a participé deux fois aux Jeux olympiques et sa mère était une gymnaste reconnue en Lituanie. Dans un pays où le basket est roi, et après avoir pratiqué presque tous les sports (le basket, bien sûr, mais également l’athlétisme, le foot et le judo), il a débuté l’aviron à l’âge de 19 ans.

C’est, notamment, grâce aux qualités physiques développées tout au long de sa jeunesse dans diverses disciplines, qui compensaient à l’époque ses lacunes techniques, que Rolandas Kazlauskas a immédiatement percé et atteint le haut niveau. Des habilités au-dessus de la moyenne qui l’ont conduit, en 1993, à ses premiers Championnats du monde. S’en suivront neuf autres avec, comme meilleur résultat, un 4e rang. En parallèle, il a sans cesse appartenu à l’élite mondiale de skiff et a remporté plusieurs médailles d’or dans les championnats, entre autres, de Suisse et de Lituanie. En revanche, l’Yverdonnois d’adoption a échoué de peu lors des qualifications pour les Jeux olympiques, introduites à partir de 1996, afin de limiter le nombre de participants.

Paradoxalement, quand on lui demande quels sont ses plus beaux souvenirs, Rolandas Kazlauskas se rappelle des compétitions auxquelles il a participé en tant qu’entraîneur. «J’ai participé aux JO de Sydney avec les Philippines, à ceux d’Athènes avec Hong Kong et, enfin, à ceux de Pékin avec la Corée du Sud.» S’il s’est lancé dans une carrière de coach, c’est parce que le polyglotte a toujours eu un regard critique et la capacité de voir les erreurs. De plus, il est important à ses yeux de donner une explication à ses élèves: «C’est d’ailleurs pour cette raison que mon père reste le meilleur entraîneur que j’ai eu, continue-t-il. Avec lui, je comprenais à chaque fois pourquoi je faisais telle ou telle chose.»

Avocat de profession, Rolandas Kazlauskas se décrit comme quelqu’un de chanceux avec la génétique, de fort dans la tête et qui a «toujours voulu finir premier, que ce soit au sport ou aux études». Dorénavant, avec toute l’expérience accumulée depuis son premier jour d’entraînement il y a bientôt 30 ans, il est capable de s’adapter aux conditions de ses athlètes. C’est d’ailleurs tout sauf un hasard si, sous sa houlette, la section «juniors» de l’Union Nautique d’Yverdon a explosé et compte, à ce jour, 60 membres.

Encore un rêve

Malgré tout son vécu, Rolandas Kazlauskas a encore un rêve: emmener certains Yverdonnois aux JO de Tokyo en 2020. Cela dépendra si ses élèves sont prêts à réaliser autant de sacrifices que lui-même en son temps.

Chris Geiger