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Le «Belle Epoque» des Rasses a 100 ans

13 décembre 2013

Pionnier du tourisme jurassien, le Grand Hôtel des Rasses fête, samedi, le centenaire de son agrandissement.

Avant son agrandissement, le Grand Hôtel des Rasses était déjà connu bien au-delà de la Suisse.

Avant son agrandissement, le Grand Hôtel des Rasses était déjà connu bien au-delà de la Suisse.

En 1913, le Grand Hôtel des Rasses prospère, grâce à sa riche clientèle venue de toute l’Europe. Son fondateur, le visionnaire Edouard Baierlé, décide donc d’en agrandir les locaux et d’y construire une nouvelle aile, à l’ouest du premier bâtiment, dotée d’un restaurant, d’un salon de réception «Belle Epoque » et d’une splendide terrasse avec vue sur la Plaine et les Alpes. L’institution est alors connue au-delà de l’Europe et va survivre, difficilement, à toutes les crises, qu’elles soient mondiales ou locales, et à ses multiples changements de propriétaire, jusqu’à son rachat, en 2011, par le groupe vaudois, Boas.

«Pour se replonger dans le contexte, il faut s’imaginer le contraste qu’a amené ce fleuron du tourisme dans un village comme Bullet et ses alentours», s’enthousiasme l’historien et journaliste Jean-Claude Piguet, fin connaisseur de cet épisode glorieux du Balcon du Jura. Construit en 1898, l’hôtel attire alors les premiers étrangers sur les pentes enneigées des Rasses, et le quotidien de cette noblesse dorée, venue de France, d’Angleterre ou même de Russie, contraste totalement avec celui des rustiques paysans bullatons, peu habitués à tant de mondanité. Alors que les uns se distraient au golf – nouvellement construit aux Planets – , au tennis, au ski, et se déplacent en carrosses de luxe, les autres se tuent à la tâche, faucille en main.

Le salon «Belle Epoque» n’a pratiquement pas changé depuis 1913.

Le salon «Belle Epoque» n’a pratiquement pas changé depuis 1913.

«Profitant de l’atmosphère de paix qui règne sur l’Europe depuis plusieurs décennies et du développement d’un tourisme de luxe au sein des bourgeoisies étrangères, le commerçant Edouard Baierlé a l’idée, avant-gardiste et osée, de construire un Grand Hôtel dans la région d’Yverdon-les-Bains. En effet, il y possède déjà l’hôtel du Paon et va profiter du développement industriel de Sainte-Croix et de la construction du train reliant les deux villes pour faire germer son projet sur le Balcon du Jura. Il choisira finalement le site des Rasses et sa vue imprenable pour construire son hôtel», précise Jean- Claude Piguet.

Un projet fou qui l’obligera, par exemple, à devoir capter les sources de la Villette et de Culliairy, à l’aide de turbines, afin d’alimenter en eau l’établissement. Fou, mais surtout rentable. «Au début du Xxe siècle, la famille Baierlé prend le train des sports d’hiver en marche et fait construire les premières pistes de ski et une patinoire, aux Rasses», poursuit celui qui a retracé l’histoire de l’hôtel dans son livre, Le rêve d’Edouard. Le succès est au rendez- vous et c’est logiquement que l’agrandissement du Grand Hôtel voit le jour, en 1913. Le bâtiment, massif, du heimatstil, révèle la splendeur de l’époque et n’a pratiquement pas changé jusqu’à nos jours. La rénovation du salon de réception et de la terrasse, effectuée il y a une année par les nouveaux propriétaires, permet ainsi aux visiteurs d’aujourd’hui de respirer l’atmosphère d’antan.

Sur cette carte postale d’époque, Sainte-Croix à l’heure de la «modernité».

Sur cette carte postale d’époque, Sainte-Croix à l’heure de la «modernité».

«A ma connaissance, le Grand Hôtel des Rasses est le seul des nombreux hôtels de luxe construits sur l’Arc jurassien qui soit toujours en activité», avoue l’historien sainte-crix. Une longévité qu’on doit en grande partie à Edouard Baierlé. L’entrepreneur, à la fois avant-gardiste et calculateur, aura personnellement tout perdu dans l’affaire, puisque les deux guerres mondiales auront raison de sa fortune, mais restera, dans l’histoire de la région, l’homme qui a lancé le tourisme sur le Balcon du Jura.

Benjamin Fernandez