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Le coworking va survivre à la pandémie
Alexandre Hernan dans l’espace de coworking BlueLab à Yverdon-les-Bains. Photo: Raposo

Le coworking va survivre à la pandémie

22 octobre 2020

Frappé par la crise, le partage de l’espace professionnel trouvera son salut dans le télétravail. C’est la conviction du fondateur de BlueLab.

Fortement impacté par la crise, le coworking -un horrible anglicisme qui signifie le partage de l’espace professionnel, voire plus- voit son salut dans le télétravail. C’est du moins la conviction d’Alexandre Hernan, fondateur de BlueLab, le premier espace du genre ouvert en 2016 à l’avenue de Grandson, sur le site de l’ancienne usine Leclanché.

Hier matin, à l’heure du café, une dizaine de personnes s’activaient au BlueLab, un espace de quelque 300 m2. Deux d’entre elles conversaient autour d’un café, dans un espace convivial, composé de tables de bar, d’un salon, et d’armoires vestiaires.

«D’habitude, il y a une vingtaine de personnes. Mais avec la pandémie, l’activité est réduite», explique Alexandre Hernan, «grand chef coworker», pour reprendre le titre qui figure sur sa carte de visite, en forme de clin d’œil. Car dans ce type de structure, la hiérarchie est peu présente. Au contraire, l’un des objectifs est de favoriser les échanges d’expériences, voire les synergies.

Comptable de formation -il est associé dans une fiduciaire au centre-ville avec, là aussi, un espace partagé avec d’autres acteurs-, le fondateur de BlueLab ne cache pas que la crise résultant de la pandémie a affecté le secteur: «On a enregistré une baisse du chiffre d’affaires de 25 à 30%. Certains secteurs à l’instar de l’événementiel, ont été très touchés.»

Pour encaisser le choc, BlueLab n’a eu d’autre solution que de recourir à des aides. Mais le fondateur est optimiste: «On arrive à payer les loyers en retard et on remboursera le crédit Covid.»

Alexandre Hernan pense même que la crise aura du bon à moyen et long terme: «Avec le semi-confinement, les gens ont découvert le télétravail du jour au lendemain. Ils ont aussi constaté que le pratiquer à la maison, ce n’est pas évident. Il y a le manque de place et les perturbations générées parfois par des enfants et bas âge. Au final, le besoin de bien séparer vie privée et vie professionnelle est réel. Dans ce contexte, le coworking a de l’avenir.»

Selon ce jeune entrepreneur, le coworking va bien au-delà du simple partage de locaux et d’équipements: «Dans un tel espace, il y a beaucoup d’échanges. On a tous besoin de conseils dans des matières aussi diverses que les assurances, la gestion administrative. Ce sont surtout les échanges d’expériences qui sont favorisés.»

Au BlueLab, une vingtaine d’utilisateurs se partagent l’espace avec une présence plus ou moins régulière. Les différentes formules de location permettent de répondre aux besoins de chaque utilisateur. Et c’est la souplesse de la formule, avec un minimum de contraintes, qui en constitue le principal attrait.

L’attrait du coworking est une réalité confirmée par Caroline Mobbs, responsable de la location des salles de séminaire et coworking de P+P Project Solutions, société en charge de la location des espaces des trois immeubles (CEI 1, 2, 3) d’Y-Parc propriété de l’établissement cantonal d’assurance incendie (ECA): «On a eu beaucoup de demandes ces derniers temps. C’est certainement lié à la Covid. Les gens cherchent des espaces parce que pour travailler, ils ont besoin de sortir de la maison.

Cette société a ouvert l’an dernier Cassiopée, espace de coworking de 80 m2, situé dans le premier immeuble (CEI 1) construit en 1991. «En principe, nous avons 12 places, mais nous en avons enlevé 3 pour respecter les règles sanitaires. Notre atout, c’est que nous avons aussi une dizaine de salles de séminaire -30 à 200 m2- à louer.

Enfin, Explorit, dans le bâtiment dédié aux affaires, va également proposer un espace de coworking de 900 m2. Selon Annick Boesiger, en charge de la communication, l’ouverture de cet espace est programmée pour le 1er semestre de 2021. Cet espace sera lié à un «Maker Space» de 150 m2 où il sera possible d’apprendre à utiliser différentes machines et outils (imprimante 3D, menuiserie, etc.). C’est dire que l’offre de coworking dans la région s’en trouvera dynamisée.

www.blue-lab.ch
www.explorit.ch
www.cei123.ch
www.cvci.ch (contrat type télétravail)

 

Le bureau perd son statut historique

 

Avant même la pandémie, de nombreuses sociétés, dans une stratégie visant à obtenir des économies, ou à rentabiliser les surfaces dont elles sont propriétaires, ont revu leur politique en manière de travail. Près de nous, Romande Energie à étudié une réorganisation complète de son siège à Morges. L’ordinateur portable est devenu le bureau fixe des collaborateurs administratifs. Si le Covid a quelque peu ralenti le processus, le but est, à terme, de partager une surface de bureaux réduite. Les espaces devenus libres sont alors loués.

Ainsi, au siège français de Nestlé, à Paris, la société Morning, acteur mondial du coworking, occupe quelque 5500 m2, sur un total de 40 000. La location de cette surface a permis à la multinationale helvétique de réduire sa facture immobilière.

Selon les experts, l’expérience de télétravail à grande échelle, imposée par la pandémie, va sans doute permettre de développer la formule. D’autant plus que dans la plupart des pays, et tout particulièrement en Suisse, il y a de plus en plus de surfaces de bureaux inoccupées. Selon une estimation récente, quelque 600 000 m2 de plancher sont disponibles actuellement sur le bassin lémanique. La création de surfaces de coworking contribuera à réduire le «stock».

A l’instar des espaces yverdonnois, la filière mondiale du coworking est fortement impactée par la crise. Les grands acteurs du marché -Morning, WeWork, ou encore le français Wojo, filiale de Bouygues et Accor, enregistrent une baisse du chiffre d’affaires de 30%. Une évolution naturelle puisque le coworking, en raison de la flexibilité des contrats, permet à ceux qui le pratiquent de réagir rapidement, en particulier pour réduire leurs frais en temps de crise.
Mais cette flexibilité se révélera être un vrai atout au moment de la reprise, lorsque les acteurs économiques miseront sur une montée en puissance tout en réduisant leurs frais fixes.

 

L’indépendance n’est pas synonyme de solitude

 

Architecte indépendante depuis huit ans Rosemarie a intégré l’espace BlueLab de l’avenue de Grandson, à Yverdon, il y a deux ans. Sa motivation était simple: «Cela permet d’avoir des collègues et de ne pas se retrouver seule. Cela force également à sortir de chez soi et c’est une bonne chose».

Travailler dans une telle atmosphère a pour la jeune architecte des effets positifs: «C’est très stimulant. On entend les autres, on partage nos expériences, tout cela en buvant un café. C’est une très bonne formule qui me satisfait pleinement.»

Sa collègue de café hier matin, Marie, en charge de l’administration d’une start-up, était tout aussi positive: «Je suis toute seule pour gérer la société, active dans les systèmes de refroidissement des équipements électroniques. Mes collègues sont un peu partout. La première chose, c’est que cela fait sortir de la maison. C’est indispensable d’avoir une séparation entre le privé et le professionnel. De plus, le système du coworking est très flexible. Quand vous démarrez et que vous voulez louer un bureau, il faut s’engager pour trois ou cinq ans. C’est difficile alors qu’on ne sait pas encore où l’on va. Ici, on peut aussi partager sur les projets et bénéficier de conseils dans toutes sortes de domaines.»

Isidore Raposo