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Le cycle de l’eau expliqué à tous

11 janvier 2021

A l’instar de nombreux écrivains en cette période de pandémie, Claude Bernhard, géochimiste établie à La Sage, près d’Evolène (VS), souffre d’une certaine frustration. Même si le livre qu’elle vient de consacrer au cycle de l’eau a suscité un grand intérêt auprès des médias tratidionnels et numériques. «C’est un peu dommage, car dans ces conditions, je ne peux pas assurer la promotion du livre telle que je l’avais prévue. Et en plus, les conférences agendées ont été annulées», explique l’auteure, qui est aussi membre du Spéléo-Club du Nord vaudois.

Il faut dire d’emblée que cette jeune femme jouit d’une diversité de compétences plutôt rare. De formation scientifique, elle se mue en artiste lorsqu’elle travaille la terre pour en faire des poteries, ou qu’elle prend son appareil de photos pour, au cours de longues expéditions et souvent des heures d’attente, saisir un paysage éclairé par une lumière particulière. Les panoramas qu’elle affectionne se trouvent aussi bien sur terre que dans les profondeurs des cavernes, souvent creusées dans le calcaire, mais aussi sous les glaciers. Elle aime s’y perdre pour nourrir ses connaissances et son imaginaire.

Son âme d’exploratrice l’a aussi conduite dans le désert. Mais c’est sans doute de son port d’attache, au haut du val d’Hérens, qu’elle apprécie tout particulièrement la diversité de la géologie terrestre. Son première livre, consacré aux montagnes de la région d’Evolène, a révélé quelques-unes des qualités de cette artiste polyforme, doublée d’une scientifique douée d’une véritable capacité de vulgarisation. Celle-ci s’exprime dans La voix des eaux, des Alpes au Léman, qu’elle vient de publier aux éditions Slatkine, mais aussi lorsqu’elle prend la parole en public. Elle éprouve un véritable plaisir à partager ses connaissances et découvertes.

L’auteure propose aux lecteurs de l’accompagner dans une véritable expédition sur les routes de l’eau, des glaciers en fusion au plus grand lac intérieur d’Europe de l’ouest. Tout au long de ce parcours richement illustré, elle nous emmène à la découverte de curiosités parfois insoupçonnées. Et même si, en toute modestie, elle avoue que le Valais ne représente qu’un pixel à l’échelle de la planète, cette goutte d’eau est le reflet d’un cycle sans cesse renouvelé, dont on a un peu perdu la valeur depuis qu’il suffit d’ouvrir le robinet du lavabo.

L’eau, nous rappelle à chaque page l’auteure, est non seulement indispensable à la vie, mais elle est aussi source de richesses minérales puisqu’elle contribue à créer de multiples formes de concrétions. De nuages en précipitations, des hauts glaciers alpins à la vallée du Rhône, l’eau est aussi une force économique. Mais aussi et surtout une denrée à préserver absolument. Claude Bernhard nous rappelle en effet que si elle recouvre plus des deux tiers de la planète, seul 3% de l’eau est considérée comme douce. C’est dire qu’il est absolument nécessaire de la préserver, mais aussi de l’utiliser avec parcimonie.

C’est donc aussi un véritable plaidoyer pour cette ressource d’une valeur inestimable que nous livre l’auteure. Et les images qu’elle a réalisées, aussi bien dans les montagnes que sous les glaciers, ou encore dans les Grottes du Poteu (Saillon), des Crêtes de Vaas et des Pingouins (Sanetsch), démontrent, si c’est encore nécessaire, que nous vivons dans un pays d’une diversité géologique absolument extraordinaire.

 

«Les glaciers sont un réservoir de mémoire»

 

Même si elle ne peut assurer la promotion de son livre dans des conditions normales, Claude Bernhard ne perd pas son temps.

Elle est en effet déjà engagée dans un nouveau projet, centré sur les glaciers. «Leur fonte rapide présente des aspects inquiétants, mais elle nous révèle aussi une partie de notre patrimoine», explique Claude Bernhard. La géochimiste et exploratrice s’intéresse en particulier à l’évolution récente – deux millions d’années (!) –, une «paille» à l’échelle géologique, mais un temps inimaginable pour l’humain.

«Avec le recul des glaciers, beaucoup d’objets et de traces apparaissent. Ils nous permettent de reconstituer ce qui s’est passé. Mais pour cela, il faut faire vite et préserver les éléments. Un morceau de bois ou du cuir, préservés durant des millénaires au cœur de la glace, se dégradent très vite une fois à l’air libre. Un arc avec des flèches, par exemple, ne résiste pas plus de quelques jours», explique la scientifique. Et d’ajouter: «Avec les éléments matériels retrouvés, la glaciologie permet de reconstituer l’évolution, avec notamment les différentes époques de froid et de réchauffement. Les glaciers sont un réservoir de mémoire.»

Et bien évidemment, les glaciers souterrains et grottes glaciaires sont prises en compte dans ce nouveau projet.

Nul doute que la pandémie du domaine du passé, la spéléologue partagera sa passion, et ses connaissances, avec le public lors d’un cycle de conférences.

 

Infos pratiques

La voix des eaux, des Alpes au Léman, en français et en anglais, par Claude Bernhard, aux éditions Slatkine. Disponible en librairie.

Isidore Raposo