Le dernier défi de Robert Sandoz
31 mars 2015Yverdon-les-Bains – Après «Et il n’en restera plus aucun», en février dernier, le metteur en scène neuchâtelois et sa compagnie «L’outil de la ressemblance» sont de retour au Théâtre Benno Besson, avec une adaptation du roman «D’Acier».
Peu de choses, en terme de tension, d’agitation -voire d’exaltation- ressemblent autant au trottoir jouxtant les Galeries Lafayette, juste avant l’ouverture des soldes, qu’une salle de théâtre peuplée d’une compagnie qui réalise soudain qu’elle est déjà parvenue à quelques heures de la première représentation de sa dernière création.
Une réalité à laquelle pas même la pourtant très expérimentée compagnie neuchâteloise «L’outil de la ressemblance», emmenée par le metteur en scène Robert Sandoz, ne semble échapper. Elle qui, et quelques semaines seulement après «Et il n’en restera plus aucun», réglait, hier matin, les ultimes détails de sa dernière création «D’Acier», à découvrir ce soir et demain soir au Théâtre Benno Besson, à Yverdon-les-Bains. «Je suis tout de suite à vous», s’excuse d’ailleurs d’entrée, et entre deux instructions données par téléphone, le metteur en scène neuchâtelois.
«C’est vrai que c’est un gros projet, je n’imaginais pas forcément qu’il prendrait une telle ampleur. On arrive à une pièce d’une durée d’un peu plus de deux heures. Mais cela va aller…», assure pourtant, à peine installé, Robert Sandoz qui, pour l’occasion, a décidé de faire confiance à de jeunes comédiens. «Au début, mon idée était d’avoir une distribution encore plus jeune. Mais je me suis vite rendu compte qu’il fallait des professionnels pour réaliser tout ce que je leur demande. C’est-à-dire, une performance de comédien, mais aussi être capable de chanter «a cappella», de faire du roller ou encore d’assurer une partie de la technique depuis le plateau.»
Car oui, c’est aussi cela une pièce de la compagnie «l’outil de la ressemblance»: un théâtre à la française, un théâtre fait de texte, «qui raconte une histoire», certes, mais aussi le goût du détail, l’amour de la scénographie, du costume au décor, en passant par les lumières. Prise de risque, encore? «Je ne sais pas, mais c’est vrai que nous sommes assez perfectionnistes», admet Robert Sandoz, qui n’a de cesse de souligner que tout cela, c’est avant tout une histoire d’équipe.
Prise de risque
Il n’empêche qu’elle est bien réelle, cette mise en danger. Pas aisé, en effet, de s’attaquer à une adaptation. «C’est vrai que cela se passe généralement en plusieurs étapes. D’abord, le coup de foudre pour un roman, une histoire. Même si, souvent, tout ne me plaît pas dedans, parce qu’on ne peut pas être dans l’admiration totale. Puis vient la période de travail sur le texte, des questions. Et, forcément, après avoir passé beaucoup de temps avec une oeuvre, un auteur, on finit, quand même, par être en admiration totale. Alors, il faut lui faire du mal. Dans le respect de l’auteur, bien sûr, mais il faut en tirer quelque chose de théâtralement exploitable.» Exercice encore aisé, lorsque l’on sait que d’autres, par le passé, se sont déjà cassé les dents sur ce «D’Acier».
«Oui, comme beaucoup, j’ai vu l’adaptation au cinéma et je ne l’ai pas trouvée bonne, admet Robert Sandoz. Mais cela ne représente pas une pression supplémentaire. Au contraire, je me dis qu’il y a peut-être certaines choses que j’éviterai de faire comme ça.Et puis, de manière plus générale, je pense que cet échec est pour beaucoup dû au fait que cela soit un film, donc une oeuvre très figurative. Nous on ne va pas, par exemple, mettre une usine sur scène. Et d’ailleurs ce n’est pas là le sujet. La véritable histoire de D’Acier, c’est des personnages, c’est l’adolescence. Cette usine, au fond, c’est un monstre écrasant, mais qui n’empêche pas la jeunesse d’avoir des rêves, des envies, des mots…» Bref, une tranche de poésie.
«D’Acier», théâtre. Ce soir et demain soir, à 20h, au Théâtre Benno Besson, à Yverdon-les-Bains. Réservation: www.theatrebennobesson.ch ou 024 423 65 84.
L’histoire…
Plage et sidérurgie, un étrange mélange adapté du best-seller de la jeune auteure italienne Silvia Avallone. Entre désespérance allègre et poésie ténébreuse du quotidien, « D’Acier » affirme sa sensualité ensoleillée. Anna et Francesca, languissent leur adolescence sous l’ardent soleil d’été de Piombino, ville désolée de Toscane, très loin de la carte postale. L’aciérie domine tout, comme un personnage monstrueux qui engloutit jour et nuit les hommes du coin. C’est peut-être pour cela que ces derniers ne sont pas à la hauteur.
Le père d’Anna est un voyou et son fils Alessio, usé avant l’âge par le haut fourneau, ne se révolte plus. Quant au père de Francesca, c’est un homme violent. Cela n’empêche pas les deux ados de rêver, bien au contraire. L’une se voit militante comme sa mère Sandra, l’autre présentatrice de télé pour échapper à un destin étiolé et à la lâcheté de Rosa, sa mère. La situation pourrait être désespérante, mais la sensualité et la vitalité exultent malgré tout.