Yvonand – Le médecin tapa-sabllia a toujours eu la bougeotte. Aujourd’hui, il laisse ses patients pour profiter d’une retraite active.
Jovialité, intelligence du cœur, vivacité d’esprit, curiosité, convivialité… Le docteur Jean-Dominique Lavanchy, c’est un petit peu tout cela à la fois. Le médecin de milliers de Nord-Vaudois a mis définitivement la clé sous le paillasson de son cabinet de groupe le 30 août dernier, après avoir vendu sa part à deux collègues, les docteurs Gaëtan Conti et Géraldine Rufener. Début octobre, il mettra les voiles direction les Antilles, puis le Panama.
Cette retraite bien méritée, à 66 ans, laisse une bonne partie de ses patients dépités. Car il a pratiqué la médecine généraliste avec passion, dévouement, instinct et curiosité. «Mon grand-père était pasteur à la cathédrale de Lausanne et mon père théologien. Mais comme me le disait mon grand-père: «Tu ne trouveras pas le bon Dieu, c’est lui qui te trouvera.» Car pour moi, il était évident que si je ne pouvais pas lui parler, je ne voulais pas l’écouter!» Sa vie nous montre que, apparemment, il a tout de même compris le message!
Un canton dont j’ignorais tout
C’est à Zurich que se déroule l’essentiel de son enfance. Son père s’est installé avec sa famille au bord de la Limmat comme traducteur pour la Vita Assurance. L’assurance-vie en est à ses balbutiements. Du coup, c’est à son père que l’on doit en partie la création des parcours Vita. Jean-Dominique Lavanchy se souvient: «J’ai débarqué dans un canton dont j’ignorais tout, y compris la langue. Mais j’ai appris très vite et j’ai passé ma maturité en allemand. J’ai même enseigné à Zurich pendant quatre mois à des élèves de 8P. Les autorités me proposaient de me remettre d’office un diplôme d’enseignant si je continuais sur cette voie, car j’avais réussi à mater une classe qui avait eu raison de trois psychiatres auparavant!», s’esclaffe-t-il. C’est alors que mai 68 éclate en France. «à Zurich, c’était chaud aussi. Comme j’avais 16 ans, je suivais et regardais ce qu’il se passait avec grand intérêt. L’école était alors le cadet de mes soucis. Je pense que c’est ce qui m’a fait prendre conscience qu’il ne fallait pas être comme les autres.»
Thoune ou Yverdon-les-Bains?
Sa maturité en poche, le jeune homme songe à une carrière d’ingénieur-mécanicien. «à cause de ma dyslexie, j’avais une compréhension particulière des maths et de la physique. J’avance par concept, pas par pensée. Je vois ce qu’il faut faire sans raisonner. Mais la finalité de cette profession ne m’attirait pas trop. J’aime les gens, j’aime le contact, donc je me suis dit que la médecine était davantage ma voie.»
à 22 ans, il met de côté la montagne pour se consacrer à la voile. «J’hésitais à habiter à Thoune ou à Yverdon-les-Bains, car ces villes sont toutes deux au bord d’un lac qui bénéficie de bons vents. Comme ma famille possédait une vieille ferme à Orzens où nous passions parfois nos vacances chez ma grand-tante, j’ai squatté une partie de la ferme et l’ai un peu retapée. C’est ainsi que j’ai débarqué dans le Nord vaudois. J’avais beaucoup d’amis à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et à l’époque, on vivait un peu sur le mode peace and love. J’allais à la fac’ en 2CV. Pour pouvoir vivre, je faisais des petits boulots ici et là en parallèle à mes études. Il y avait pléthore d’offres en petits jobs. à l’époque il n’était pas nécessaire d’être bon, il suffisait de se présenter pour être engagé. Avec 600 francs, j’arrivais vivre.»
Arrivé au terme de ses études universitaires, il effectue de nombreux stages en chirurgie, gynécologie, oto-rhino-laryngologie (ORL), pédiatrie, hypnose et en médecine manuelle. Le Tapa-Sabillia passe même un an à Bâle comme responsable de l’antenne Sida, c’était en 1986, en plein début d’épidémie. Puis, il prend un an sabbatique et part pour les Antilles. Comme l’homme n’a peur de rien, c’est en pleine guerre civile qu’il découvre le Guatemala. «J’ai mis six jours à comprendre ce qu’il se passait! Mais je n’ai jamais été agressé.»
La voile, plus qu’une passion, un mode de vie
Amoureux de la voile, à 22 ans Jean-Dominique Lavanchy était déjà skipper. «à 12 ans, avec mes copains d’école on navigait sur des radeaux faits maison sur le lac de Zurich. La police ne nous ennuyait pas, elle nous recommandait juste d’être bien attachés. J’ai aussi pratiqué avec passion la haute-montagne et la peau de phoque. Comme je n’avais pas réussi à convaincre les recruteurs militaires que j’étais nul en sport, j’ai du effectuer mon armée dans les grenadiers de montagne. J’ai quand même appris bien des choses», déclare-t-il en éclatant de rire. Plus tard, il passe son deuxième dan de judo. «ça m’a permis de ne jamais me casser quelque chose ou de me blesser sérieusement lors de chutes.»
Début octobre, il prendra la barre de Kawaine, «mignon» en japonais. Ce bateau en aluminium de 12,7 mètres a, selon lui, la taille idéale pour affronter l’Atlantique. Avec son épouse Guylène, elle aussi skipper, ils prendront quelque trois semaines pour le traverser.
Ce médecin, également enseignant, a toujours été précurseur. Il reconnaît que son métier l’a amené à connaître la vie des uns et des autres dans ses plus poignants détails. «Les patients se confient à nous. Certains n’ont vraiment pas de chance. Mais il faut faire avec. Il faut être à l’écoute et disponible. Accompagner des gens en fin de vie est aussi une expérience touchante. Quand ils savent que vous êtes là, qu’ils peuvent vous téléphoner en cas de besoin 24h sur 24, ils partent sereins. C’est un peu comme quand vous avez une roue de secours dans le coffre: vous ne craignez pas la crevaison. Il faut toujours être honnête et disponible. Et il ne faut changer que ce qui peut l’être», philosophe-t-il en guise de conclusion.
Avant de larguer les amarres, le docteur Lavanchy invite ses anciens patients à une verrée apéritive en musique à la grande salle d’Yvonand le vendredi 20 septembre de 17h à 19h30.