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Le gérant de la Maison des Terroirs jette l’éponge
© Michel Duperrex

Le gérant de la Maison des Terroirs jette l’éponge

16 décembre 2021

Une situation financière délicate et des divergences de vues expliquent la rupture.

Gérant de la Maison des Terroirs de Grandson depuis un peu plus de deux ans, Didier Hauswirth a décidé de renoncer en présentant sa démission pour la fin de l’année. Il a déjà été libéré de ses obligations par son employeur, l’Association de la Maison des Terroirs de la région de Grandson (ATRG). Alors que la rupture est consommée, le comité étudie l’avenir de cette institution créée il y a quinze ans, saluée alors comme une véritable innovation.

Le départ de Didier Hauswirth est d’autant plus surprenant qu’à son arrivée, il avait été accueilli comme l’entrepreneur qui allait permettre l’envol définitif de cette institution qui bénéficie du soutien de quatorze communes de la région, celle de Grandson étant financièrement plus impliquée.

«Si je m’en vais, c’est évidemment parce qu’on ne s’entend plus», explique Didier Hauswirth. Et de relever les divergences de vues avec un comité largement renouvelé après les élections communales de mars dernier. Depuis, Antonio Vialatte, syndic de Grandson, a pris la présidence.

Et comme tout comité entrant nouvellement en fonction, celui des Terroirs de la région de Grandson a procédé à un état des lieux. Il a ainsi constaté que si, sous l’impulsion du gérant, le chiffre d’affaires avait sensiblement augmenté, le déficit aussi. De plusieurs dizaines de milliers de francs.

Pas question dans ces circonstances de laisser aller les choses. Le comité a donc demandé au gérant de prendre des mesures d’économie. Elles ont consisté, pour une partie des quatre collaborateurs, dans la réduction des horaires de travail et, pour le public, dans la fermeture dominicale de ce lieu d’accueil et d’information, puisqu’il joue aussi le rôle d’antenne touristique pour la région de Grandson. Voilà la raison de la fermeture des lieux le dimanche du marché de Noël, ce qui avait intrigué plus d’un passant.

«Le nouveau comité est venu avec plein d’idées, mais pour certaines, il s’agit de réinventer le fil à couper le beurre. Pour moi, cela partait d’un bon sentiment, mais je pense qu’ils auraient pu se renseigner avant. Au retour des vacances d’été, ils m’ont parlé de leur stratégie, qui était à l’opposé de ce que j’ai mis en place depuis deux ans. Ils venaient avec des idées du passé qui n’ont pas fonctionné», explique le gérant.

Et de poursuivre: «Je pense qu’il y a eu des maladresses de part et d’autre. Il y a eu un audit et je pense que tout cela s’est fait dans la précipitation. Le comité élu à l’assemblée générale de mai à Giez voulait économiser pour montrer à l’assemblée de 2022 qu’il avait pris des mesures en limitant le personnel et les salaires. Je n’étais pas d’accord avec cette stratégie et j’en ai tiré les conséquences», se justifie Didier Hauswirth.

En démissionnant à fin août, il voulait donner le temps au comité de trouver un successeur. A quoi va se consacrer l’ancien gérant de la Maison des Terroirs? «Pour l’instant, je n’ai pas de travail. Mais je suis établi à Bonvillars et je m’y sens bien. Je vais rester dans la région», conclut Didier Hauswirth.

Celui-ci n’exprime pas de rancœur. Au contraire: «J’espère sincèrement que l’aventure va continuer. Ne serait-ce que pour la plus fidèle employée, qui est là depuis quinze ans.»

Pour Antonio Vialatte, syndic de Grandson et président de l’Association des Terroirs de Grandson, la découverte de la situation financière réelle de l’institution, soit l’ampleur du déficit qui se chiffre en dizaines de milliers de francs, a été une mauvaise surprise. «Il était normal qu’on réagisse et qu’on prenne des mesures. Dans le cas contraire, on nous aurait reproché de laisser aller les choses», explique le président de l’ATRG.

Parmi les nouveaux arrivés dans le comité figure Nadia Mettraux, directrice de l’Associaiton pour le développement du Nord vaudois (ADNV), qui a proposé le soutien de la faîtière régionale du tourisme. Il pourrait se concrétiser sous la forme d’une étude visant à définir une nouvelle stratégie pour la Maison des Terroirs.

Du côté de Grandson, le syndic n’imagine pas une seconde fermer ce qui est devenu une véritable institution régionale. La Commune va donc continuer à soutenir la Maison des Terroirs, en espérant que les treize autres communes – elles contribuent déjà au financement de la structure – feront de même.

Il faut dire que Grandson a investi dans la rénovation complète de l’immeuble de la rue Haute, utilisé auparavant comme un simple dépôt. De plus, la Maison des Terroirs est idéalement placée dans le vieux bourg pour faire le lien entre le château et l’église Saint-Jean, deux monuments qui attirent de nombreux visiteurs.

En attendant la définition d’une nouvelle stratégie, la Maison des Terroirs va continuer son action avec les trois collaborateurs restants. Les horaires seront aménagés de manière à respecter la maîtrise des charges.

 

Pas de rapprochement avec le château de Grandson

 

Il y a deux ans, lors de l’assemblée générale de l’ATRG, l’idée d’un rapprochement avec le château avait été émise. L’antenne locale du tourisme et la Maison des Terroirs auraient pu prendre place dans le Châtelet, à l’entrée de l’édifice médiéval.
«Ce projet n’est plus d’actualité», précise Antonio Vialatte. En fait, dans le cadre de son programme 2025, la fondation propriétaire et la Fondation du Château de Grandson développent une stratégie qui leur est propre.

 

Un modèle qui n’a pas réussi à faire école

 

La naissance de la Maison des Terroirs de Grandson avait suscité beaucoup d’espoirs il y a une quinzaine d’années. La presse spécialisée l’avait saluée comme le premier maillon d’une chaîne destinée à s’étendre dans tout le canton, voire le pays. D’ailleurs, l’auteur du projet, Sylvain Gaildraud, n’avait pas ménagé son énergie pour, tel un pèlerin, faire le tour des régions.
Ci et là, les autorités et acteurs du tourisme ont manifesté un intérêt, sans jamais franchir le pas décisif. Tout simplement parce que les principaux intéressés ressentaient cette structure comme un concurrent potentiel.

Beaucoup de producteurs, à commencer par les vignerons, préfèrent inviter la clientèle dans leur cave pour déguster leurs crus, mais aussi des produits d’autre nature préparés par des partenaires. Si on y ajoute que par définition un office du tourisme n’est pas rentable – son action par contre génère des retombées importantes si le travail est bien fait – on réalise à quel point la survie d’une telle structure est une vraie gageure dans une région rurale.

 

La Maison des Terroirs contribue au tourisme

 

Premier président de l’ATRG, Albert Banderet déplore les difficultés de la Maison des Terroirs, tout en affirmant que cette structure joue un grand rôle dans la promotion touristique et des produits régionaux.

Cela dit, le préfet honoraire n’est pas totalement supris: «Au début, on a eu de la peine à y arriver. Il a fallu convaincre les communes de mettre la main à la poche. En fait, sans les 360 000 francs accordés par le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) lors d’un déplacement à Berne avec Sylvain Gaildrault, l’auteur du projet, et Christine Leu de l’ADNV, on n’y serait pas arrivés.»

Albert Banderet plaide pour cette structure: «C’est un phare entre l’église et le château. Grandson ne peut pas tout faire, il faut que les communes de la région participent. Je suis persuadé que cette structure a toute sa place. Mais je suis conscient que cela va être difficile de la garder. Et pourtant, je pense qu’elle apporte beaucoup à la région et aux producteurs locaux. Il faut simplement voir plus loin que son nez.»

Isidore Raposo