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Le HCY demande sa relégation

26 février 2015

Hockey – Bien que sauvé sur la glace, le HC Yverdon évoluera en 2e ligue la saison prochaine. La faute à des indemnités de formation devenues insupportables pour un club dont les finances sont pourtant saines.

Thierry Despland (à g.) et Bertrand Barbezat n’ont pas pris cette «décision responsable» de gaieté de coeur. © Nadine Jacquet

Thierry Despland (à g.) et Bertrand Barbezat n’ont pas pris cette «décision responsable» de gaieté de coeur.

L’annonce constitue un véritable choc. Sauvé sur la glace avant-hier, le HC Yverdon a dévoilé, hier soir, qu’il demande sa relégation en 2e ligue sur le tapis vert. Ce sont les coûts liés aux frais de formation qui ont déclenché le processus, en fin d’année dernière.

Les dirigeants du HCY ont fait le choix de la raison, un choix «responsable», affirment-ils dans une missive envoyée à tous les clubs suisses de Ligue nationale, de 1re ligue et de 2e ligue, ainsi qu’à la fédération et aux autorités communales.

La cause principale

Le président Thierry Despland et Bertrand Barbezat, en charge de la stratégie au comité, sont venus exposer les causes de leur décision, hier, dans nos locaux. Attention, la situation financière du club, cette saison, est bonne. «Mais uniquement grâce aux recettes exceptionnelles liées à l’organisation de la retransmission des matches du Mondial de foot, cet été, à la patinoire», souligne le président.

«Les conditions actuelles, fixées par la Swiss Ice Hockey League (SIHL) ne sont plus supportables pour la majorité des clubs de ligues amateurs», affirme le HCY dans son communiqué. Le problème des émoluments de formation est évoqué depuis plusieurs années, mais éludé lors des séances. «Tout le monde en discute, mais rien ne se passe», regrette Thierry Despland. Et, quand la dernière facture est arrivée, le club a dû réfléchir à son avenir. «On a reçu environ 33 000 francs de plus à payer en frais de formation par rapport à la saison précédente», informe le président. En gros, le HCY doit 52 000 francs liés à ces frais cette saison, sur un budget d’environ 220 000 francs -tout compris- pour sa première équipe.

Une différence liée à un système pour le moins alambiqué, et que dénonce vigoureusement le club de la Cité thermale. «Attention, on ne critique pas tous les frais de formation, mais on demande l’équité, condamne Bertrand Barbezat. Le régime actuel pénalise les petits clubs.»

Le système et ses risques

Entré en vigueur durant la saison 2007/2008, le système est très complexe. Les calculs se font via des coefficients plus élevés en faveur des clubs de Ligue nationale, même si le joueur n’a jamais évolué avec l’équipe fanion. Dans le canton, le Lausanne HC recrute les talents vaudois. Le HC Yverdon se prête volontiers au jeu, qui va dans le sens de sa philosophie de club formateur.

Le hic, c’est quand le jeune en question ne perce pas et revient à son club originel. Par exemple, si un Yverdonnois est passé dans les rangs du LHC deux ou trois saisons, le HCY devra, s’il le récupère, verser chaque année une somme conséquente à son grand voisin.

«Le risque est, qu’à terme, plus personne ne pourra payer pour qu’un joueur revienne. Les jeunes vont devoir arrêter leur sport, ou jouer en 3e ligue, où il n’y a plus d’indemnités», met en garde Bertand Barbezat.

En 2e ligue, le montant dû est un peu plus bas qu’en 1re ligue, mais seulement dès la deuxième année. Par conséquent, le HCY va devoir se séparer, pour la saison à venir, de cinq ou six joueurs, devenus au-dessus de ses moyens à cause des frais de formation. «On ne sait pas où ils vont pouvoir jouer. Ils n’y peuvent rien. Souvent, il ne savent même pas eux-mêmes ce qu’ils coûtent. Par conséquent, on va aligner nos jeunes.»

Les propositions

«La situation est préoccupante», affirment les dirigeants du HCY, qui formulent deux propositions, en espérant être soutenus par d’autres clubs dans la même panade. La première est de permettre aux joueurs formés dans un petit club de pouvoir y revenir gratuitement. L’alternative est de maintenir le système actuel, mais en envoyant les jeunes talents uniquement en licence B (forme de prêt propre au hockey suisse) jusqu’à leur majorité. Ceci afin de ne plus devoir assumer, en cas de retour, des frais de formation trop lourd.

Le club yverdonnois dénonce aussi une 1re ligue devenue trop exigeante: «Les matches et les entraînements représentent entre 120 et 140 soirées consacrées au hockey sur glace sur une période de 225 jours.» Ceci, alors que les joueurs sont amateurs. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux, au HCY, avaient laissé entendre, cet hiver, qu’il s’agirait de leur dernière saison à ce niveau.

La conservation du masterround (dix matches de plus), introduit il y a deux ans, est contestée. Ce d’autant plus que -c’est un autre effet pervers- il augmente la valeur, en frais de formation, de chaque joueur, selon le principe «plus tu joues, plus tu coûtes cher».

L’avenir immédiat

Les dirigeants ont laissé leur équipe se sauver sur la glace, «sans fausser le championnat». Seul les entraîneurs étaient au courant, depuis quelques jours, de la relégation volontaire. Les joueurs ont été avertis hier soir, via le communiqué, et une réunion est agendée demain.

La décision a été prise pour assurer «la pérennité du hockey à Yverdon», sans que celle-ci ne soit «mise en danger par des dépenses incontrôlées». «Il s’agit simplement de préparer l’avenir avec des ambitions cohérentes et des finances réalistes et équilibrées. La SIHL doit impérativement entendre sa base et agir», conclut la missive du HCY.

Dans l’immédiat, pour Yverdon, cela signifie investir presque toutes ses ressources dans la formation (avec deux entraîneurs professionnels pour chapeauter son mouvement juniors), et attendre une évolution positive des problèmes soulevés afin, un jour, de pouvoir réintégrer la 1re ligue avec les jeunes du cru.

 

Quelques exemples

Le HC Yverdon a agrémenté son argumentaire de quelques exemples (anonymes) de coût par joueur.

L’un d’entre eux, arrivé à Yverdon en juniors top, coûte 5414,47 francs en frais de formation par saison. Soit plus de 54 000 francs s’il devait jouer dans la Cité thermale jusqu’à ses 30 ans.

Les cas les plus choquants concernent surtout les joueurs qui, formés d’abord au HCY, sont partis sous d’autres cieux pour, ensuite, revenir «à la maison». L’un, de 24 ans, coûte chaque année 3078,47 francs au HCY. Deux autres, plus jeunes, ont passé deux saisons en minis et novices dans un club de Ligue nationale avant de revenir dans leur club. Somme annuelle à verser par le HCY? Plus de mille francs chacun.

De quoi plomber le budget d’un club de 1re ligue pourtant formateur.

Manuel Gremion