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Le Hessel, vite et bien

20 novembre 2020

L’espace culturel 100% privé est désormais le deuxième lieu public le plus visité de toute la ville, derrière Urba Kids, alors qu’il n’a ouvert qu’en 2011 et veut désormais apaiser sa relation avec les autorités.

 

Les Mosaïques et le Théâtre de la Tournelle. Autant de lieux emblématiques de la ville d’Orbe, mais qui ont un point commun: ils ont attiré moins de visiteurs l’an dernier que le Hessel, cet espace culturel entièrement privé, fondé en 2011 et qui connaît une croissance impressionnante depuis ses débuts.

L’an dernier, 20 000 personnes ont ainsi poussé (gratuitement) les portes du Hessel, ont bu des bières au bar, ont écouté des concerts, ont admiré des expositions (une par mois) et ont simplement passé un bon moment entre amis. Les meilleurs soirs, 450 personnes (réparties sur toute une soirée, pas en même temps) sont venues au Hessel, dont énormément de jeunes, friands du lieu et de son atmosphère, même si l’ambiance est souvent intergénérationelle, surtout en milieu de semaine.

Seul Urba Kids a fait mieux au niveau des entrées, avec 40 000 visiteurs sur l’année environ, en ne comptant que les enfants.

Forcément, cette irruption spontanée bouge les lignes et provoque des jalousies, ravivant la vieille querelle entre culture subventionnée et celle qui se bat pour survivre grâce à ses propres moyens. Et comme, en plus, s’ajoutait à ce cocktail la personnalité explosive («Je préfère clivante», sourit-il) d’Alexandre Baudraz, fondateur et âme du lieu, la cohabitation a débouché sur des problèmes.

L’homme n’est pas du tout du genre à dire toujours oui à ce que pensent ou disent les autorités, qui voient, elles, la situation leur échapper parfois. «Alors même qu’on respecte toutes les lois», souffle Alexandre Baudraz, en détaillant comment le Hessel a appliqué à la lettre les directives Covid, mais aussi celles relatives au bruit ou aux normes anti-incendie par exemple. «D’ailleurs, on s’entend bien avec l’immense majorité des gens à la Commune, ils voient les efforts que l’on fait. Le souci vient du dicastère de la culture et de nulle part ailleurs», enchaîne-t-il.

Car là, justement, réside toute la particularité du Hessel, ce lieu vivant, contestataire parfois, virulent souvent, mais toujours dans les règles au final. Des séances ont été houleuses entre la Municipalité et les représentants du lieu, mais celui-ci tient bon, avance fièrement, la tête haute, un brin rebelle, un peu farouche aussi.

Un nouveau comité vient d’être formé, d’ailleurs, et Alexandre Baudraz n’en fait pas partie, comme du dernier. «Le but, c’est de transmettre le Hessel à une association, dont je suis absent.» Il estime le potentiel de cette association à 200 ou 300 adhérents («facile») et veut par-dessus tout que le Hessel avance et continue dans la voie qu’il a tracée, en laissant une situation saine.

Et lui, alors, où va-t-il désormais concentrer sa débordante énergie contestataire? La question le fait sourire, la réponse tarde un peu à venir. «J’ai deux projets.» Il ménage son effet. «Le premier, c’est de me porter candidat au poste de chef du Service de la culture. J’ai toutes les compétences pour.» Et le second? «Vu que le municipal de la culture se représente aux élections (voir page 3), je me présente aussi. C’est désormais officiel.»

Qu’elle le veuille ou non, Orbe n’a pas fini d’entendre la voix d’Alexandre Baudraz.

 

Avec la Ville d’Orbe, pas contre elle

Le nouveau président du Hessel et son comité ont créé un logo évocateur (voir ci-contre) avec les célèbres deux poissons de la Ville se regardant en face. «Ne nous tournons pas le dos», dit le slogan imaginé par le Hessel, qui veut donc renouer le dialogue avec les autorités, tout en soulignant bien qu’ils entendent conserver ce qui fait leur identité.

Ainsi, la récente étude réalisée concernant la politique culturelle urbigène a engendré une certaine «perplexité», pour reprendre le terme choisi par Gabriele Massafra, nouveau président du Hessel.

Ce que veut l’association est clair: regrouper les acteurs culturels, les différentes associations et les commerçants sur le même plan. En clair, en finir avec le clivage entre la culture subventionnée et leur mode de fonctionnement, qui repose sur le financement privé.
«Nous ne sommes pas contre la Ville, au contraire, mais nous avons des idées et nous voulons avancer. On voulait animer la piscine l’été, en complément du restaurateur. C’était une bonne idée, qui n’a pas été écoutée. On veut sortir des murs du Hessel et contribuer à faire vivre cette ville culturellement. On est légitimes, on en est devenus un acteur majeur. On ne peut plus nous ignorer», espère Gabriele Massafra, qui milite pour une relation pacifiée.

Tim Guillemin