Provence – A plus de 80 ans, «Bosco», ancien capitaine de la marine marchande, continue à enseigner la voile, à faire passer les examens et à cartographier son lac.
Une barbe, parce que ça «améliore» son profil ; une fille dans chaque port -c’est en tout cas ce qu’il aime raconter-; une pointe d’entêtement et une bonne part de jovialité. Jean de Bosset, que tout le monde appelle «Bosco», a tout du vrai marin, à la différence qu’il ne boit pas. En été, lorsqu’il n’est pas sur le lac de Neuchâtel pour donner des cours dans son école de voile ou sonder les profondeurs, afin de mettre ses cartes à jour, le pirate d’eau douce est à Provence, dans sa maison qui ressemble étrangement à un phare. La multitude d’objets nautiques, les souvenirs de ses aventures sur les flots et la vue imprenable sur le lac y sont, certainement, pour quelque chose. Et quand la saison hivernale approche, l’expert qui fait «subir» les examens de voile prend son baluchon pour aller vivre sur son bateau au large de la Crête et proposer des croisières d’écolage.
«La retraite ? C’est une horreur d’y penser ! Je préfère crever que d’être trop mal foutu pour continuer à naviguer», lance le capitaine qui a fêté ses 80 ans l’an dernier, sur son voilier amarré au port de Saint-Aubin. Jean de Bosset navigue depuis son plus jeune âge. Il a commencé avec son père lors, notamment, de régates sur «Le «Bosco»» -qui lui a valu son surnom-, mais aussi avec sa grand-mère, qui était pécheresse professionnelle. «C’est avec elle que j’ai appris à connaître le lac», raconte-t- il, alors qu’à l’âge de 6 ans il naviguait déjà seul et qu’il s’est mis à donner des cours de voile à ses 13 ans. «J’apprenais à naviguer à des adultes pour un franc l’heure. Ça me faisait de l’argent de poche et c’était plus agréable que de tondre les pelouses», rigole-t-il.
Puisque son rêve était d’embarquer dans la marine, les parents de «Bosco» l’ont envoyé, à l’âge de 15 ans, sur un navire de marchandises comme mousse, le temps des vacances. «Ils connaissaient le commandant qui avait la réputation d’être dur et qui avait pour consigne de me dégouter à vie de ce métier, sourit celui dont le premier port de sa carrière, longue de 35 ans, a été celui de Tripoli, au Liban. Mais ça n’a pas fonctionné et j’ai même reçu du capitaine une lettre de recommandation qui précisait que j’étais doué et motivé !»
Capitaine au long cours A 16 ans, Jean de Bosset est alors entré à l’École navale de Londres. «C’était à l’anglaise, très militaire, et il fallait être ordonné ! J’ai beaucoup appris et après… beaucoup perdu», lance-t-il en regardant autour de lui, dans sa cabine qu’il trouve désordonnée. A 26 ans, «ce qui est très jeune», «Bosco» est devenu capitaine au long cours (ce qui signifie qu’il est breveté pour commander n’importe quelle embarcation de haute mer) sur des navires de marchandises. Il a alors sillonné la planète, dont sept ans comme commandant sur des cargos et des pétroliers, tout en gardant un pied-à-terre au bord du lac de Neuchâtel, où il a passé ses étés.
«En tant qu’officier dans la marine, je ne pouvais pas naviguer sans carte», lance celui qui a commencé la cartographie marine des lacs suisses en 1954 et qui a signé la seule carte du lac sur lequel il a grandi. Depuis, il suit les évolutions techniques et actualise ses plans, encore aujourd’hui. «Je répertorie les dangers et je mets mes cartes à jour environ tous les trois ans», explique le passionné, qui a également édité des guides des lacs et un journal de bord décoré de ses nombreux dessins humoristiques qui font, souvent, référence à des anecdotes qui lui sont arrivées.