Le malaise des syndics de la région
24 novembre 2015Nord vaudois – Confrontés à des dossiers complexes, des tracasseries administratives et une population pas toujours compréhensive, les chefs des exécutifs ont la vie dure. Petit aperçu.
La Commune de Montcherand devra se trouver un nouveau syndic pour la prochaine législature. Jean-Michel Reguin a, en effet, comme l’a révélé L’Omnibus, décidé de jeter l’éponge. Cette décision inattendue -l’élu avait annoncé qu’il rempilait il y a un mois- a été prise suite à un accrochage avec un concitoyen. «J’ai été pris à partie, dans un premier temps au sujet de la mise en séparatif dans un quartier. Il ne m’a pas respecté, que ce soit en tant que syndic ou en tant que citoyen. Cela a été le déclic qui a déclenché mon départ», commente Jean-Michel Reguin.
Son point de vue est partagé par plusieurs de ses collègues du Nord vaudois. Jadis figures vénérables de leur localité, les chefs des exécutifs sont, aujourd’hui, la cible du manque de patience et de compréhension d’une population toujours plus exigeante. «J’ai moi-même dû faire intervenir la police, après une agression verbale très grave par téléphone», déclare, ainsi, Dominique Vidmer, syndic d’Essert-Pittet et président des syndics du district.
Aux yeux des syndics, l’évolution des moyens de communication n’est pas étrangère à l’émergence de tensions. «Les gens vont sur internet pour rechercher des informations en simultané. Ils s’attendent à ce que l’on soit à leur disposition 24h sur 24. Or, nous nous voyons une fois par semaine en séance de Municipalité et le Bureau communal est ouvert uniquement le mardi. C’est, entre autres, pour répondre à ce besoin de rapidité que nous avons pris part à un projet de fusion», précise Sylvain Homberger, le syndic d’Ependes.
La fusion, aussi souhaitée par l’Exécutif de Montcherand, mais refusée par l’organe délibérant en mars dernier, est, selon Jean-Michel Reguin, la voie que devront, tôt ou tard, suivre des communes comme la sienne, à cause, notamment, de la difficulté à trouver de nouveaux municipaux et à la complexification des dossiers. «Nous travaillons, depuis quelques années, avec le Bureau d’Orbe en ce qui concerne les mises à l’enquête», déclare le chef de l’Exécutif de Montcherand. En tant que président du Comité de direction de l’Association scolaire intercommunale d’Orbe et région (ASIORE), il est aussi bien placé pour constater cette réalité dans le domaine des écoles.
Pression financière
Les investissements liés à la réalisation d’infrastructures et la participation financière au fonctionnement des associations exercent, de surcroît, une pression sur les budgets communaux. A Montcherand, par exemple, le taux d’imposition est passé de 69% à 72% de l’impôt cantonal de base. «On a le sentiment qu’on nous dit construisez, payez et taisez-vous», déclare Jean-Michel Reguin.
Ses collègues interrogés semblent partager, pour la plupart, sa perception de la relation avec les autorités desquelles ils dépendent, et, notamment, l’Etat de Vaud. A leurs yeux, les chefs des exécutifs -en tant que «courroies de transmission» entre le Canton et le peuple, pour reprendre les propos du syndic de Suchy Cédric Pittet- ont la lourde responsabilité de porter à bout de bras la mise en application d’obligations légales pas toujours très populaires.
Dans cette optique, la nouvelle Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) fait particulièrement peur. «La situation pourrait encore se dégrader avec l’application de la LAT. Vous imaginez le jour où les syndics devront aller annoncer à des gens que leur terrain sera dézoné… Ils ne seront pas reçus avec une bouteille de champagne», prédit Dominique Vidmer.
Solitude des campagnes
«Dans les villages, on se sent seul. Dans les grandes communes, les municipaux sont soutenus par leur administration, voire leur parti. Et dans les petites communes, les membres de l’Exécutif sont des bénévoles, contrairement aux villes, où ils ont des pourcentages. Nous avons tous des boulots à 100% à côté», ajoute le syndic d’Essert-Pittet.
Cédric Pittet, son homologue de Suchy, met, pour sa part, en avant la polyvalence, la flexibilité et l’entraide dont doivent souvent faire preuve les représentants d’exécutifs de villages. «Nous n’avons pas d’employé communal, alors nous sommes sur le terrain, avec des bottes. S’il y a, par exemple, une panne durant la journée, c’est souvent moi qui me rends sur place car mes collègues travaillent sur l’arc lémanique», explique-t-il.
Esprit d’équipe
La solidarité et la cohésion municipale, appuyée par des personnes compétentes au secrétariat et à la bourse communale, sont présentées comme des conditions sine qua non au maintien de la motivation. A l’exception de Jean-Michel Reguin et Sylvain Homberger, qui avait annoncé son départ il y a trois ans déjà, et qui aura eu «du plaisir jusqu’au bout, avec une super équipe», tous les syndics consultés envisagent, d’ailleurs, de se représenter pour la prochaine législature.