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Le meurtrier d’une jeune Yverdonnoise aux assises

13 mars 2019 | Edition N°2456

Yverdon-les-Bains – L’homme qui a ôté la vie de la mère de son enfant, en janvier 2017 à l’avenue Haldimand, est jugé depuis hier en France.

«On ne quitte pas Michel*, c’est lui qui quitte les autres!» Cette phrase prononcée par l’une de ses anciennes amies témoigne à elle seule de la personnalité de l’accusé qui fait face depuis hier matin aux juges et jurés de la Cour d’assises du Doubs, à Besançon. Le prévenu doit répondre du meurtre de sa compagne Marine*, commis durant la soirée du 22 janvier 2017 dans un immeuble locatif de l’avenue Haldimand, à Yverdon-les-Bains. Peu après les faits, l’accusé s’était enfui en France – il avait passé la douane de Vallorbe-Le Creux à 00h53 –, laissant sa compagne sans vie, et abandonnant leur bébé, alors âgé de sept mois, dans une pièce voisine. L’enfant avait été découvert par sa grand-maman le lendemain en début d’après-midi, soit une bonne quinzaine d’heures après les faits, les couches pleines, après avoir sauté deux repas au moins. L’accusé avait été interpellé deux jours plus tard dans un hôtel de Nîmes, sur la route qui devait le conduire en Ariège, où il avait prévu de rencontrer son père.

A son entrée dans le box des accusés, Michel, barbe, moustache et coupe de cheveux soignées, fait profil bas. Une personne tout à fait normale en apparence. Ce frontalier, domicilié aux Hôpitaux-Neufs, est d’ailleurs apprécié par son employeur – il est chauffeur-livreur – et ses collègues de travail. Dans sa vie sentimentale, c’est autre chose. Les témoignages de ses ex-petites amies mettent en évidence un homme vaniteux, manipulateur, et possessif, voire violent à l’occasion: l’une de ses anciennes compagnes a été victime d’une tentative d’étranglement, alors qu’il l’avait plaquée contre le mur. Cette fois-là, il avait relâché l’étreinte… Volontiers séducteur, selon l’un de ses amis, il charme ses conquêtes et les couvre de cadeaux. Mais avec le temps, l’homme révèle sa personnalité. Il est jaloux et devient alors insupportable. Un comportement qu’un psychologue met en lien avec son passé familial. Il n’avait que 6 ans lorsque sa mère a quitté le foyer familial, et rompu tous les ponts. Cet expert va jusqu’à dire qu’il «n’a pas tué sa compagne, mais sa mère »…

L’enfant du couple, âgé de sept mois au moment du drame, avait passé la nuit aux côtés du corps sans vie de sa maman.  ©alkabes-a

L’enfant du couple, âgé de sept mois au moment du drame, avait passé la nuit aux côtés du corps sans vie de sa maman. ©Alkabes-a

Mais c’est bel et bien Marine, avec laquelle il partageait sa passion pour les danses latines, qu’il a tuée. La jeune femme lui reprochait de ne pas assez s’investir depuis la naissance de leur enfant, qu’il n’avait pas reconnu officiellement. Ce qu’il admet: «Je travaillais beaucoup, même la nuit. Mais quand j’étais à la maison, je participais. » Les relations du couple se sont dégradées au point que Marine a décidé de le quitter. Plus précisément, elle lui a demandé de partir pour la fin du mois. Une perspective insupportable. L’échéance approchant, il n’a cessé de faire pression pour qu’elle revienne sur sa décision. Jusqu’à ce terrible dimanche de janvier 2017. Marine refuse qu’il l’accompagne à une fête d’anniversaire. Dans la soirée, il devient de plus en plus pressant. L’engrenage fatal est enclenché.

«Je remontais de la chambre à lessive et on a discuté longuement sur le canapé. Je lui ai dit que je ne partirais pas!» Sa compagne lui aurait alors dit qu’elle avait quelqu’un d’autre, un élément que les témoignages et l’examen des réseaux sociaux, sur lesquels le couple était très présent, n’ont pas permis d’établir. Les amies proches de victime entendues à la barre ont d’ailleurs affirmé que la jeune femme avait pour principal objectif de se consacrer à l’homme de sa vie, son fils. Il n’empêche que cet aveu présumé aurait alors conduit Michel à étrangler sa compagne. Longuement, selon l’expertise médico-légale, même si, lors de la reconstitution organisée à Yverdon-les-Bains sous l’autorité du parquet de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, il n’a étranglé le mannequin que brièvement. Lorsque le président l’interpelle sur la nature de la dernière discussion, l’accusé lâche timidement: «Je lui parlais de mon père et de beaucoup de choses…»

Les copines de la victime ont toutes décrit une relation heureuse au début, qui s’est dégradée dès que la jeune femme est tombée enceinte, et encore plus compliquée dès la naissance de l’enfant. Marine était heureuse d’être mère, mais malheureuse en ménage, subissant réprimandes et rabaissements. L’accusé lui reprochait, en termes peu amènes, d’avoir pris du poids et de ne plus être aussi jolie qu’avant. Tel un chat avec la souris, il soufflait le froid et le chaud, vantait les qualités de ses ex-compagnes. Les amies proches de Marine ont ressenti un malaise dès le début. Elles s’en veulent de ne pas avoir vu venir le drame. Mais qui pourrait le leur reprocher?

La ligne de défense

L’accusé assure ne pas avoir réalisé que sa compagne était morte. Il a fait ses bagages, pris la route, a renoncé à rejoindre son domicile des Hôpitaux-Neufs en raison de la neige, et a poursuivi jusqu’à Pontarlier, où il a séjourné dans un hôtel jusqu’au lundi en milieu d’après-midi. En route, il a fait des prélèvements bancaires, sur sa carte – un seul –, mais surtout sur celle de la victime, quelque 2000 euros. Puis, après un passage à Besançon, il a pris la direction du sud, s’arrêtant à Valence, puis à Nîmes, où il a été interpellé le 25 janvier avant l’aube. Il n’a pas opposé de résistance et a rapidement avoué. L’officier de gendarmerie qui a dirigé l’enquête a qualifié son état «d’errant».

Pourquoi Michel a-t-il mis tant de temps pour s’éloigner? La défense assure que ce n’est pas l’attitude d’un homme conscient qu’il vient de tuer. Tout le contraire, les images vidéo des automates bancaires et de l’hôtel montrent un homme calme. Et le conseil de Michel, Me Patrick Uzon, d’annoncer la couleur: il contestera le meurtre, passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Michel reconnaît la responsabilité de la mort de Marine, mais pas la qualification juridique. Ses avocats vont soutenir les coups ayant entraîné la mort, sans l’intention de la donner. Le bras de fer va être terrible. Surtout pour les parents de Marine, qui font non seulement face à celui qui a anéanti leur «rayon de soleil», ce que leur rappelle quotidiennement la présence de leur petit-fils, mais aussi à un homme qui, en détention, a reconnu sa paternité. Un peu tard après avoir tué la mère de l’enfant et les avoir abandonnés tous les deux.

*Prénoms d’emprunt

Isidore Raposo