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«Le Nord vaudois sera l’un des grands

26 août 2015

Vaud – Le projet «Léman 2030», qui comprend le colossal chantier de la gare de Lausanne, va propulser le canton dans une nouvelle dimension au niveau de l’offre ferroviaire. La conseillère d’Etat Nuria Gorrite revient sur ces améliorations, qui se feront sentir dès le changement d’horaire du 13 décembre prochain, le plus important en Suisse depuis plus de dix ans.

© Michel DuperrexPour évoquer le projet «Léman 2030», on parle de «chantier du siècle». Qu’en attend la cheffe du Département des infrastructures, responsable de la mobilité vaudoise?

Je ne répondrai pas seulement au titre de responsable de la mobilité vaudoise, mais surtout en tant que responsable de la mobilité lémanique. Car nous sommes un canton lémanique, au sens large, qui comprend également le Nord vaudois. Nous bénéficions tous de l’extraordinaire essor de cette région. Dans les faits, «Léman 2030» est le joli petit nom qui embrasse pas moins de onze chantiers ferroviaires -ce n’est pas rien-, qui représentent plus de 3 milliards de francs de travaux. Au fond, il s’agit de la réponse à la vieille revendication des cantons de Vaud et de Genève, qui demandent depuis longtemps à la Confédération de rattraper son sous-investissement dans notre région.

Vous parlez de sous-investissements ferroviaires?

Oui. Si l’on compare avec ce qu’il s’est passé en Suisse alémanique, en particulier autour de la métropole zurichoise, nous sommes très en deçà de ce que nous pourrions attendre. Nous avons des chiffres de progression démographique spectaculaires! Nous avons des chiffres de progression du PIB qui sont spectaculaires! Vaud et Genèvecontribuent pour 23% de l’IFD (ndlr: Impôt fédéral direct). Ce qui veut dire que près d’un quart des richesses du pays sont produites entre les deux cantons. Durant le même temps, nous avons reçu 9% des investissements fédéraux…

L’objectif avoué de «Léman 2030» est de doubler la capacité entre Lausanne et Genève.Qu’est ce qui sera fait pour la ligne Yverdon-Lausanne également saturée?

© Michel DuperrexIl faut bien comprendre que lorsque l’on réalise des travaux à un endroit, ce n’est pas seulement pour la population de ce lieu. Chaque amélioration permet, dans cette configuration de réseau, de faire circuler davantage de trains à l’autre bout de la chaîne. L’objectif est d’adapter les infrastructures, en premier lieu les gares, pour recevoir, à terme, des trains à deux étages, rallongés, qui pourront transporter 1300 passagers. «Léman 2030» se concentre sur la zone Lausanne-Renens, car c’est le noeud ferroviaire de la Suisse romande. Plus de 100 000 personnes transitent, déjà, chaque jour, par la gare de la capitale vaudoise. A hauteur 2025, elle devra pouvoir en accueillir 200 000. Malgré les travaux gigantesques, nous avons réussi -j’appelle cela le «petit miracle de l’horaire 2016»- à conserver la desserte et, même, à augmenter le nombre de RER. Ce qui va apporter un saut qualitatif et quantitatif important au Nord vaudois.

Dans quel sens?

Durant le chantier, la gare de Lausanne devra fonctionner avec une voie de moins. Donc, il nous faut décaler les ICN, qui se suivent aujourd’hui à seulement quelques minutes d’écart. Le Nord vaudois va bénéficier d’une véritable cadence à la demi-heure, ce qui était une vieille demande des autorités d’Yverdon-les-Bains. Une requête par ailleurs légitime, car la ligne du Pied du Jura est l’une des dernières du pays à ne pas bénéficier de cette cadence.

Mais il ne s’agira pas d’une véritable cadence à la demi-heure entre les deux premières villes vaudoises, vu que, depuis Yverdon, le premier train va sur Lausanne et le second sur Genève…

© Michel DuperrexC’est vrai. Mais, grâce à l’introduction d’un train RER accéléré entre Lausanne et le Nord vaudois, il y aura une vraie offre à la demi-heure. Sans compter qu’avec ces modifications, nous allons allonger la ligne jusqu’à Grandson, qui aura, ainsi, un train pour Lausanne chaque trente minutes. Sans compter que, grâce à la collaboration d’une entreprise de transport régionale, en l’occurrence Travys, nous allons pouvoir améliorer, en parallèle, la desserte fine du territoire. L’Yverdon-Sainte-Croix passera, également, à la demi-heure aux heures de pointe en semaine, et toute la journée en week-end, et ceci pour soutenir le tourisme. Ces progrès sont rendus possible, il faut le rappeler, par à un important investissement financier du Canton et de la Confédération.

Quels seront les effets de ces augmentations d’offre?

Entre 2009 et 2014, la fréquentation du RER Vaud sur la ligne Yverdon-Lausanne a crû de 11%, soit 2% par année. Avec le prolongement jusqu’à Grandson et les divers perfectionnements du réseau, nous tablons sur une hausse de 39% d’ici 2017, soit 13% par année! Il n’y a qu’à voir le succès de la ligne Yverdon-Payerne depuis l’augmentation du nombre de trains.

Si certains rient, d’autres pleurent, à l’image d’Orbe, où les autorités ont demandé une modification du nouvel horaire 2016, qui leur pose de gros problèmes de correspondance avec la ligne de l’Orbe-Chavornay (OC).

Nous avons répercuté cette demande auprès des CFF. On y verra plus clair en novembre, à la fin de la phase de consultation. Mais nous ne pourrons pas nous lancer dans une refonte totale de l’horaire… Nous avons d’ores et déjà négocié un système de bus aux heures de pointe entre Orbe et Chavornay.

La commune d’Orbe attend également l’arrivée du RER. Où en est le dossier?

Pour cela, il faut réaliser une boucle de raccordement entre la ligne de l’OC et celle des CFF. Cette infrastructure fait partie des demandes d’investissement qui sont actuellement analysées par les CFF et l’Office fédéral des transports. La Confédération fera un choix, parmi les revendications des différents cantons, et soumettra son projet au Parlement, normalement en 2018. Si ce dernier l’accepte, nous pourrons, alors, accélérer les procédures par un préfinancement cantonal.

N’y a-t-il pas un risque que projet ne soit pas retenu?

© Michel DuperrexCe risque pèse sur chaque projet. C’est pour cela que nous effectuons du lobbying, que nous avons documenté notre demande en réalisant un plan de mobilité en collaboration avec la région du Nord vaudois, les communes et les entreprises. Pour le Canton, le raccordement d’Orbe est une priorité. Et nous n’effectuons pas ces démarches parce que le syndic Claude Recordon est sympathique -il l’est pas par ailleurs-, mais parce que ce projet fait sens. Il est cohérent par rapport au développement de la ville, de sa population, de son économie. Et, seule une liaison directe avec Lausanne permettra d’offrir une véritable alternative à la voiture, ce qui sera également bénéfique pour sa voisine Chavornay.

Peut-on imaginer l’arrivée du RER à Orbe pour 2020?

Ce sera sport… Pas complètement irréalisable, mais sport.

Une autre liaison directe, celle entre la vallée de Joux et Lausanne, a pris de retard. Est-ce aussi une priorité?

Bien sûr. L’enjeu de la Vallée peut paraître anecdotique vu depuis les grandes agglomérations alémaniques, mais il est important au niveau du canton et de son économie. Nous avons demandé aux CFF que les transformations nécessaires de la gare du Day, qui n’est pas dans le même mode de financement que le dossier d’Orbe, fasse partie de la Convention de prestations 2017-20. Il se pourrait qu’elle ne soit prise en compte que dans la suivante, celle de la période 2021-23. Si d’aventure cela devait être la cas, nous serions très déçus… Mais, le Canton pourrait imaginer avancer l’argent.

Une autre problématique de cette région frontalière est le trafic avec la France. En 2012 était lancé, en grande pompe, un train des frontaliers entre Pontarlier et Vallorbe. Quel en est le bilan? Car on parlait de seulement septante passagers par jour…

C’est même moins aujourd’hui…

On est à combien?

Trente-cinq… Il faut le reconnaître, ce n’est pas énorme. Au départ, le train des frontaliers est née d’une volonté politique forte, partagé par la France, compte tenu de l’engorgement de la douane du Creux. Au plus fort de la fréquentation, une centaine de personnes utilisaient cette prestation. A tel point que l’on s’est même posé la question de doubler l’offre. Heureusement que nous ne l’avons pas fait, car depuis, des entreprises importantes du côté de Ballaigues ont commencé à organiser des bus pour transporter leur personnel frontalier.

Allez-vous abandonner le projet?

Non, ce n’est pas le genre de la maison. Et tout est bon pour diminuer la pression sur la douane du Creux… Mais même s’il y a des déceptions et des lenteurs -tous les projets de planification d’infrastructures ferroviaires prennent du temps-, le Nord vaudois reste l’un des grands gagnants de ce nouvel horaire 2016. Les améliorations de l’offre uniquement dans cette région vont faire augmenter le budget de l’ensemble de mon département de 11 millions, soit 2%. C’est un chiffre qui démontre que nous respectons nos engagements envers ce pôle économique de notre canton.

Yan Pauchard