Logo
«Le patinage artistique et le foot se ressemblent sur beaucoup d’aspects»
À 24 ans, Vincent Cuérel a fait du football son sport principal. Mais il n’a pas pour autant remisé ses patins à la cave, puisqu’il dispense ses conseils aux patineurs yverdonnois quasi quotidiennement. Et tente encore des triples sauts pour son plaisir de temps à autre. © Gabriel Lado

«Le patinage artistique et le foot se ressemblent sur beaucoup d’aspects»

19 novembre 2020 | Edition N°2833

Reconversion – En 2016, le patineur artistique Vincent Cuérel faisait ses adieux à la glace. Il chaussait ses crampons quelques mois plus tard et écume désormais les terrains vaudois avec la «une» du FC Yvonand.

Vincent Cuérel, après avoir griffé la glace tout autour du globe, vous avez décidé de découvrir les joies du foot des talus. Pourquoi ce choix?

C’est un sport que j’ai toujours aimé et regardé à la télé. J’ai aussi joué en juniors lorsque j’étais enfant et, à l’adolescence, j’ai toujours dit à mes parents que quand j’arrêterais le patinage artistique, je ferais du foot.

Pour vous qui habitez à Yvonand et qui y avez grandi, évoluer avec le club tapa-sabllia était une évidence?

Oui! J’ai commencé avec la troisième équipe, en 5e ligue, puis j’ai fait une saison avec la «deux», et me voilà maintenant en 3e ligue avec la «une» depuis deux saisons.

Avec un certain succès, puisque vous êtes régulièrement titularisé en tant que latéral droit…

C’est un poste que j’aime bien. Je me bats avec mes qualités, car c’est évident que j’ai des lacunes techniques et tactiques par rapport à mes coéquipiers qui sont «nés» sur un terrain. Mais pour le moment, ça fait le travail.

Au premier abord, le patinage artistique et le football ne semblent pas avoir grand-chose en commun. Comment s’est passée la transition?

Ça semble être deux mondes totalement différents «visuellement», mais en fait, les deux disciplines se ressemblent sur beaucoup d’aspects. Par exemple, l’approche physique est relativement identique. Si on n’est pas en bonne condition, impossible de finir son match ou son programme. Au patin, le côté athlétique est caché par l’aspect plus théâtral, mais les entraînements physiques étaient deux fois plus durs quand je patinais! Même s’il faut relativiser, puisque  avec le FC Yvonand, il s’agit de sport amateur.

Et le fait de jouer en équipe?

C’est très spécial pour moi. Au patin, je ne gérais que moi, c’était de ma faute si le programme ne se déroulait pas correctement. D’ailleurs, j’ai tendance à analyser les matches uniquement en fonction de ma performance. Donc si on gagne 6-0, mais que je n’ai pas été bon, ça me saoule. D’autant plus que je suis perfectionniste. Mais mes coéquipiers sont généralement là pour me rappeler que le foot est un sport d’équipe!

Savent-ils que vous avez été patineur artistique?

La plupart, oui. Ils sont d’ailleurs souvent surpris que je puisse jouer en 3e ligue et être «pas si mauvais que ça», alors qu’eux ont joué au foot toute leur vie. Ils sont souvent assez intéressés de savoir comment cela se passait quand je partais à l’étranger.

 

«J’ai décidé d’arrêter parce que j’avais envie de découvrir autre chose, d’avoir une vie normale, de profiter de ma jeunesse.»

 

Justement, les compétitions internationales ne vous manquent pas?

Oui et non. Oui, parce que c’est une super expérience de partir plusieurs jours à l’étranger et de se confronter aux meilleurs mondiaux. Non, car je peux toujours voyager et je n’ai aucun regret. J’ai décidé d’arrêter parce que j’avais envie de découvrir autre chose, d’avoir une vie «normale», de profiter de ma jeunesse. Le niveau montait d’année en année. Avant, quelques triples sauts suffisaient pour devenir champion olympique. Maintenant, tu peux présenter quatre «quads» et ne pas être devant.

Cela a-t-il été difficile d’accepter de faire un trait sur les Jeux olympiques?

Quand on est petit, c’est le rêve de tout sportif d’aller aux JO. Et puis on grandit et on se rend compte de la difficulté d’y participer. Pour ma part, j’en ai pris conscience vers 16-17 ans. C’est là qu’un athlète intelligent doit revoir ses objectifs à la baisse pour ne pas avoir de regrets. Alors je suis content d’avoir pu vivre tout ce que j’ai vécu, c’était un exploit.

Qu’est qu’il vous a manqué pour franchir un palier supplémentaire?

D’avoir encore plus une mentalité de gagnant et de bosseur. Le talent m’a mené loin mais, pour être un sportif de classe mondiale, il aurait fallu encore plus d’acharnement positif. Être dans une routine «manger, faire du sport, dormir». Alors que moi, j’aime sortir, faire la fête, voyager, être avec ma famille et mes amis. Et je suis un peu flemmard. À 17-18 ans, ça aurait été difficile, j’aurais dû me faire violence.

On imagine que votre quotidien a changé du tout au tout…

Oui. Les derniers temps avant que j’arrête le patin, j’étais en apprentissage d’employé de commerce. Je prenais le train de 5h30 tous les matins, du lundi au vendredi, pour aller aux cours à Bienne. Vers 12h30-13h, je partais m’entraîner à Berne. Entre une heure trente et deux heures sur la glace, puis une séance de condition physique ou de danse. Le soir, je rentrais chez moi vers 20h-20h30, et c’était souper, devoirs, au lit. Je passais aussi mes samedis à m’entraîner à Berne. Plus trois ou quatre compétitions à l’étranger par demi-saison et quelques-unes en Suisse, dont les championnats nationaux.

Et aujourd’hui?

Je suis en train de terminer mes études en économie d’entreprise à la HEIG-VD, à Yverdon-les-Bains. J’ai une année plus libre, car il ne me reste plus que mon travail de bachelor à rendre. J’en profite pour faire des remplacements dans les écoles et donner des cours de patin.

Vous n’avez donc pas complètement quitté le monde du patinage artistique…

En 2016, j’ai arrêté net. J’avais besoin d’une vraie rupture. Je n’ai pas mis de patins, ni les pieds dans une patinoire pendant un an et demi. Puis je me suis dit que c’était dommage de ne pas utiliser ce que j’avais appris aux côtés des meilleurs patineurs et coachs d’Europe, et j’ai décidé de transmettre mon savoir aux jeunes du CPA Yverdon. Au début, je donnais deux cours collectifs par semaine, et j’ai progressivement eu de plus en plus de leçons privées. Actuellement, je donne des cours plus ou moins tous les jours. Je profite, car je sais que ce ne sera peut-être plus la même chose dans un an.

Vous arrive-t-il encore de vous entraîner?

Oui, une ou deux fois par mois. J’essaie de garder un petit niveau, de me mettre des petits objectifs. J’arrive à passer encore un ou deux triples sauts et le double axel. J’ai quand même beaucoup perdu, mais le patin, c’est un peu comme le vélo: ça ne s’oublie pas.

Muriel Ambühl