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Le père, le fils et le franches-montagnes

21 octobre 2014

Rencontre avec Jean-Marie Veya à propos de son livre sur son père, étalonnier dans un pâturage jurassien.

Jean-Marie Veya se remémore les souvenirs de son enfance passée auprès d’un père étalonnier. © Michel Duperrex

Jean-Marie Veya se remémore les souvenirs de son enfance passée auprès d’un père étalonnier.

Sur la vieille photo en noir et blanc, l’homme se tient fièrement entre deux poulains au beau milieu d’un pâturage jurassien. Cette image datant des années quarante à Montfaucon (JU), pourrait à elle seule résumer la vie de Norbert Veya, dont la passion a gravité, depuis son plus jeune âge, autour du cheval franches-montagnes. Mais, pour en savoir plus, son fils Jean-Marie Veya, ancien directeur de la Fondation de Verdeil, a écrit, en collaboration avec son père (décédé en 2010), le récit de sa vie avec les chevaux comme étalonnier, dans «Origines, Récit d’un étalonnier des franches- montagnes ». Un livre écrit à quatre mains sur un cheval «à deux mains» comme l’explique joliment Jean-Marie Veya en soulignant que le Franches-Montagnes est aussi bien un cheval de trait que de selle.

Adversaire ou allié

Craint et respecté par beaucoup de cavaliers, l’étalon peut rapidement devenir un adversaire redoutable pour l’imprudent qui s’en approche. C’est là qu’entre en jeu l’étalonnier, qui va faire de la collaboration avec ce destrier son domaine d’excellence afin d’assurer sa future descendance. Norbert Veya a commencé très tôt à apprivoiser l’univers du cheval, dans son Jura natal, en tant qu’employé de ferme. Il passe ensuite derrière les rênes des chars d’artillerie de l’armée puis arrive au Haras fédéral d’Avenches. Il y travaillera toute sa vie, en revenant au Jura du printemps à l’automne afin que la région d’origine du franches-montagnes profite de ses meilleurs étalons. Durant la période à Montfaucon, cet «exilé», comme il se nommait, retrouvait ses racines jurassiennes. Un à un, il gravira les échelons afin d’acquérir cette connaissance unique qui lui ouvrira les portes de l’écurie des étalons. Et s’il a passé par toutes les étapes c’est bien parce qu’il a commencé sa carrière au Haras, dans l’écurie des vaches!

Norbert Veya était un homme «moderne» confie son fils: «Il a osé exprimer des choses qui restaient sous silence, continue-t-il. Il avait annoncé la fin du cheval avec l’arrivée de la motorisation.» Quand à l’amélioration de la race, en plein essor ces cinquante dernières années, Norbert Veya y a beaucoup contribué. Et, contrairement à beaucoup d’autres, il vantait aussi le perfectionnement de la race par la sélection des juments.

Du père au fils

Norbert Veya en compagnie des progénitures des étalons qu’il soignait en 1940. DR

Norbert Veya en compagnie des progénitures des étalons qu’il soignait en 1940.

Pris entre deux mondes, Jean-Marie Veya n’a pas suivit son père: «Il faut dire que nous habitions la moitié de l’année dans notre villa d’Avenches. Employé au Haras, mon père était un homme sans terres et il m’a toujours laissé libre de faire ce que je voulais.» Cet ouvrage, c’est avant tout la démarche d’un fils cherchant à se rapprocher de son père. Durant les trois ans qu’il a fallu a Jean-Marie Veya pour écrire le livre, il affirme avoir véritablement découvert son père au travers de sa «mémoire des chevaux».

Malgré des parcours éloignés, leurs souvenirs de l’époque se rejoignent dans un passé, pas si lointain, où le cheval était encore un élément- clé de l’agriculture suisse. C’est ce «patrimoine immatériel» que Jean-Marie Veya tient à transmettre au travers du livre. Pour lui, «si on n’en parle pas, on oubliera tout ça très vite». Il visait également à mieux comprendre la relation qui anime les Jurassiens avec le cheval des Franches-Montagnes. «Cet animal est encore à ce jour une fierté immense au Jura. C’est une véritable mythologie moderne», affirme-t-il.

Selon Jean-Marie Veya, le métier a beaucoup changé de nos jours: «La prise en charge de la fécondation se fait par les éleveurs eux-mêmes et a été largement remplacée par l’insémination artificielle.» Autant dire que le métier, comme le pratiquait Norbert Veya, n’existe presque plus.

Camille Bardet