Le Tribunal fédéral donne son aval, moyennant deux petites conditions.
Le premier projet de parc éolien vaudois – il a été lancé il y a 25 ans – sera aussi le premier à entrer dans la phase de réalisation. En effet, le projet de construction de six éoliennes au Mont-des-Cerfs, respectivement à La Gittaz-Dessus, a obtenu le feu vert du Tribunal fédéral (TF). Dans une décision très motivée, celui-ci a rejeté les recours présentés par l’Association suisse pour la protection des oiseaux/BirdLife Suisse, Helvetia Nostra, et l’Association pour la défense des Gittaz et du Mont-des-Cerfs, avec plus de 400 privés.
Les recourants obtiennent toutefois satisfaction sur deux points. D’une part, la fermeture de la route du col de l’Aiguillon est étendue de fin mars à fin mai, pour protéger le grand tétras et la bécasse des bois. De l’autre, des mesures doivent être prises pour limiter le bruit perceptible au gîte du Mont-des-Cerfs, les mesures dépassant de quelque 3 décibels les normes.
Sur tous les autres points, de la violation du droit d’être entendu à l’expertise privée, la Haute Cour a largement motivé sa position, et consolidé celle de la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Canton de Vaud, qui s’est penchée à deux reprises sur ce dossier présenté par Romande Energie et le Canton de Vaud.
«Romande Energie se réjouit de la décision du Tribunal fédéral. A l’instar du précédent arrêt du Tribunal cantonal, elle confirme la qualité du projet éolien qu’elle mène sur le territoire de la Commune de Sainte-Croix, ainsi que l’importance de l’énergie éolienne dans la transition énergétique», a réagi la compagnie, qui publiera ce matin ses résultats de l’exercice 2020.
Les autorités vaudoises saluent pour leur part l’aboutissement de la procédure: «Le Conseil d’Etat fait part de sa grande satisfaction à la suite de la publication de l’arrêt du Tribunal fédéral validant, sur les points essentiels, le plan d’affectation cantonal des éoliennes de Sainte-Croix. Il salue cette décision qui ouvre la voie à la construction du premier parc éolien du canton et contribuera à l’accélération de la transition énergétique vaudoise.»
La décision du TF ne fait bien évidemment pas que des heureux. L’une des deux conditions posées par la Haute Cour concerne la fermeture de la route du col de l’Aiguillon jusqu’à fin mai, exception faite de l’exploitation forestière et des activités pastorales en avril et mai.
S’il s’attendait à une telle décision, le syndic de Baulmes, Julien Cuérel, est pour le moins irrité: «Nous n’avons même pas été consultés. Cela aurait été la moindre des choses lorsqu’on impose des mesures de compensation sur le territoire d’une autre commune. C’est pour cette raison que nous avons fait opposition dans la procédure de mise à l’enquête du parc.»
En effet, la route du col de l’Aiguillon est une artère communale de deuxième classe, propriété de la Commune de Baulmes de la sortie du village au chalet de la Limasse, situé sur l’autre versant de la montagne, près de L’Auberson.
A la suite de l’opposition, la Commune de Baulmes a été invitée à une séance de conciliation. «Nous étions prêts à discuter et nous le sommes toujours. Mais la fermeture de la route jusqu’au 31 mai dans un coin où personne n’a jamais vu un grand tétras nous pose problème. Il faudra voir à partir de quel endroit il faut fermer la route. De toute façon, l’Etat doit prendre une décision à ce sujet. Mais nous ne pouvons pas renoncer à l’exploitation forestière durant une période aussi longue. Et puis il y a le chalet de Grange-Neuve, qui ouvre généralement en avril…», explique Julien Cuérel.
Quant aux organisations recourantes, elles estiment que «la problématique de la construction de parcs éoliens en zone naturelle reste entière», même si elles se disent satisfaites de la mesure de compensation (fermeture étendue) concernant la route du col de l’Aiguillon «pour préserver la tranquillité de la forêt et des oiseaux sensibles comme le grand tétras».
BirdLife et Helvetia Nostra déplorent que «le Tribunal fédéral ne se prononce pas sur la question de fond, à savoir quels niveaux d’impacts sont admissibles sur les valeurs naturelles, au stade initial puis au moment de la pesée d’intérêts», et se disent convaincues que «le tournant énergétique peut se faire en épargnant les éléments les plus précieux de nos paysages et de notre biodiversité».
Reste désormais au Canton de prendre la décision de fermeture de la route du col de l’Aiguillon et à évaluer les mesures qui permettraient de réduire le bruit au niveau du Gîte du Mont-des-Cerfs. «Il y aura lieu de déterminer le mode d’occupation (permanent ou occasionnel) du bâtiment en question et de tenir compte de la réduction de production (arrêt d’une éolienne par exemple) qu’occasionneraient les mesures supplémentaires nécessaires au respect des valeurs de planification», précise le TF à ce sujet.
La Municipalité de Sainte-Croix prend acte
«Nous avons pris connaissance de l’arrêt du Tribunal fédéral. Je rappelle que nous ne sommes pas intimés. Il reste deux points à régler et le Canton doit se positionner», réagit Cédric Roten, syndic de Sainte-Croix, qu’on sent sur la réserve.
En effet, depuis le lancement des études il y a un quart de siècle, et un débat déjà houleux en 1998, le projet de parc éolien a divisé la population en deux camps. Le vote en faveur du parc, il y a dix ans, et le renoncement à l’une des sept machines – celle qui était la plus proche de l’agglomération de Sainte-Croix – n’ont pas apaisé les tensions.
Cela dit, le syndic sainte-crix relève que «la décision du TF doit être respectée, qu’elle plaise ou pas».
Par ailleurs, la Municipalité traite, en collaboration avec le Service des communes, l’initiative visant à introduire un moratoire. Les initiants savent, et c’est désormais confirmé, que cette démarche n’aura aucune influence sur le projet en cours. Par contre, elle pourrait empêcher la réalisation de tout autre projet sur d’autres parcelles.
L’Exécutif et les chefs de service se sont sentis injustement, et violemment, attaqués lors du dernier Conseil communal. Il faut aujourd’hui laisser passer l’orage et apaiser les tensions.