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Le sonneur de cloches des temps modernes
Romainmôtier, 18 octobre 2019. Bourse aux Sonnailles. © Michel Duperrex

Le sonneur de cloches des temps modernes

22 octobre 2019 | Edition N°2607

Romainmôtier – La 22ème édition des Sonnailles a rameuté la foule à Champbaillard, le week-end dernier. L’occasion pour les badauds de découvrir des corps de métier presque oubliés, comme les campanistes.

Difficile de réinventer la roue lorsqu’on en est à la 22e édition. Pourtant, le comité d’organisation des Sonnailles a réussi à dénicher quelques nouveautés à mettre sous la dent des visiteurs, venus en nombre de vendredi à dimanche à Romainmôtier. Et cette fois-ci, il a pris de la hauteur en invitant Jean-Paul Schorderet.

La spécialité de cet habitant de Broc, c’est son métier: campaniste, c’est-à-dire qu’il répare, restaure et entretient les cloches des clochers romands. «C’est simple, je fais tout sauf les cloches, résume-t-il. Du petit dépannage à une restauration complète, on s’occupe de tout. Y compris la charpente, le tableau électrique, la ferronnerie, l’horlogerie et la motorisation.» Et grâce à une puce électronique et un programme informatique élaborés par sa société Mecatal, il peut contrôler toutes les cloches au doigt et à l’œil, de la force du démarrage à l’angle et la hauteur du mouvement, en passant par les changements d’heure.

Il remet les clochers romands à l’heure

Avec ses cinq collaborateurs, il sillonne les cantons de Vaud, de Fribourg et du Valais pour répandre sa magie. «Mes employés doivent être des touche-à-tout, même s’ils ont tous une spécialité, indique Jean-Paul Schorderet. Chez moi, c’est soit ils sont passionnés, soit ils ne tiennent pas une semaine!» Et le forgeron de formation de préciser: «On travaille dans le froid, en hauteur et, souvent, on est sales.»

Rien ne fait peur au Fribourgeois, pas même le risque de ne pas trouver de relève pour perpétuer un métier ancestral. «Je n’y pense pas!» Pourtant, il déplore la perte de connaissances dans son domaine: «On avait, en Suisse romande, un grand savoir-faire dans les cloches. Mais lorsque nos trois fonderies – Vevey, Estavayer-le-Lac et Porrentruy – ont disparu, elles ont emporté avec elles toute cette expertise. Du moins, jusqu’à ce que plusieurs anciens employés ne reprennent le relais à Bulle.»

Si d’autres sociétés ont peu à peu vu le jour, elles ne sont pas nombreuses à être en activité actuellement. Ce qui implique d’un côté que l’entreprise de Jean-Paul Schorderet, Mecatal, a passablement de chantiers. Mais d’un autre côté, cela signifie que la concurrence est rude. à tel point que l’artisan n’ose révéler aucun de ses secrets de fabrication: «Je ne peux pas vous dire d’où proviennent les pièces que j’utilise, mais ce que je peux vous assurer, c’est qu’on ne peut pas adapter des pièces industrielles. On doit utiliser du matériel spécifique et fait sur-mesure pour les cloches.»

L’un des derniers mandats de Jean-Paul Schorderet s’est déroulé dans le Nord vaudois. Le campaniste en a d’ailleurs rapporté un petit souvenir, car il a exposé sur la place de Champbaillard la cloche de 560 kilos du village de Denezy. «On l’a enlevée hier matin (ndlr: jeudi dernier) parce que la Commune doit rénover la toiture du clocher et elle nous a laissé l’emmener à Romainmôtier», relève celui qui rêve de collectionner une pièce encore plus imposante. «Le propriétaire ne veut pas me la vendre», déplore le forgeron. Comme quoi, il n’y a pas que les collectionneurs de sonnailles et de toupins qui se retrouvent à la foire de Romainmôtier.

Christelle Maillard