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Léna Bühler se prépare avec les champions

7 novembre 2019 | Edition N°2619

Repérée pour ses talents au volant, la pilote nord-vaudoise se prépare dans les Pyrénées, au sein de la même structure que Sébastien Ogier et Esteban Ocon, entre autres.

La vie d’un pilote automobile ressemble à une course. Une course à la progression, à l’entraînement et au financement. Dans le circuit depuis quelques années, Léna Bühler l’a bien compris. Elle, cette ambitieuse demoiselle de 22 ans qui souhaite bousculer les habitudes du milieu, se faire une place parmi les hommes, là où les femmes sont si rares au volant. «J’ai arrêté de travailler il y a deux ans pour tenter ma chance, rappelle-t-elle, aussi décidée qu’effrontée. Je vois peu mes amis – en ai-je vraiment encore? – et ma famille. Je m’entraîne dur pour réussir.» Et les gens ne s’en rendent pas toujours bien compte.

Dans un cocon

La pilote de Valeyres-sous-Montagny a été détectée par 321 Perform, un centre d’entraînement pour les athlètes des sports motorisés fréquenté, entre autres, par des as du volant du calibre de Sébastien Ogier (six fois champion du monde des rallyes), Esteban Ocon (F1), Alex Albon (F1) ou encore Tatiana Calderon (seule femme en F2). La petite nouvelle se rend ainsi en France huit jours par mois depuis mai. Patron de la structure, Xavier Feuillée a pris la Nord-Vaudoise sous son aile. «Non seulement il s’occupe de ma préparation physique, mais il m’aide aussi à prendre mes décisions et me fait profiter de son réseau, souligne Léna Bühler, reconnaissante. Il est incroyable, il sait tout faire.»

Une fois repérée, elle avait été invitée à se rendre sur place, à Egat – à deux pas de Font-Romeu, où se situe le Centre national d’entraînement en altitude qui reçoit les meilleurs athlètes du monde dans toutes sortes de disciplines –, pour deux jours de tests concluants. «Ils ont estimé que j’avais du potentiel et m’ont proposé de le développer», sourit celle qui rêve de rouler un jour en Formule 1.

Ainsi, en Occitanie, Léna Bühler bénéficie du top de ce qui se fait en la matière. À son programme et à celui des nombreux autres pilotes qu’elle côtoie, tout un panel d’instruments permettant d’enchaîner les exercices de coordination, de renforcement, en hypoxie, de rapidité, neurologiques, de réflexes et de simulation de conduite. À cela, s’ajoutent de nombreuses activités en plein air, de l’escalade à la natation. «À chaque fois que je m’y rends, je progresse, assure-t-elle, mesurant les résultats de son travail grâce aux tests réalisés. Je suis aussi très impulsive et, depuis, j’ai gagné en calme et en réflexion.»

Les conditions particulières des Pyrénées-Orientales, en altitude (1800 m) et avec peu d’humidité, permettent une récupération rapide. «Quand je m’entraîne en Suisse durant quatre heures, je ressens des courbatures, alors que là-bas, même après les neuf heures de sport au programme chaque jour, je n’en ai pas.» Peu importe où elle se trouve, son quotidien est rythmé par les exercices qu’elle s’impose. À Yverdon-les-Bains, en plus de beaucoup courir, elle se prépare au Mayama Crossfit. Avec son petit gabarit (1m61 pour 50 kg), elle a besoin d’une musculature exceptionnelle: «En formule, il faut être capable d’exercer une charge de près de 100 kg sur la pédale de frein.»

Le parcours idéal tout tracé

Classée 3e du circuit suisse X30 en karting cette année, Léna Bühler devrait déjà faire le saut en Formule 4. La suite logique. Les discussions avec des écuries sont à bout touchant. «Il y a peu de filles en F4, et elles se retrouvent généralement en queue de classement. J’ai envie de me rendre compte par moi-même pourquoi elles ne se hissent pas en haut de tableau, et y arriver», lance-t-elle.

Dans le milieu, l’argent demeure le nerf de la guerre pour avancer. Ainsi, elle aura besoin de quelque 300 000 francs pour sa saison 2020. «Une journée d’entraînement en Formule 4 coûte 6000 francs», prend pour exemple celle qui est toujours à la recherche de soutien.

Au-delà des considérations financières, l’année suivante, en 2021, elle espère trouver un volant en W Series, un championnat de F3 réservé aux femmes et dont la première édition a eu lieu cette année. Ce qui constituerait un pas de plus en direction de son but ultime, la F1. «Si on fait bien les choses, il est possible d’y arriver.»

Manuel Gremion