Les aventures extraordinaires de Don Bernard Mouthon
18 décembre 2009Les fonds promis par Bernard Mouthon se faisaient attendre? Ils n’arriveront pas. Le Genevois est en train de tromper son monde et commence à être cerné de toutes parts, les créanciers commençant à s’apercevoir de la supercherie.
«Je veux investir dans le FC Baulmes! Des millions! Quand l’argent arrivera? Bientôt… Ne vous inquiétez pas, le sponsor s’occupe de tout.» Le monde du football s’interrogeait, à l’heure de voir débarquer Bernard Mouthon en terre nord-vaudoise. Qui est-il vraiment et que cherche-t-il? A-t-il des millions? Est-il le fils de Marcel Mouthon, ancien grand joueur de Servette? «La Région Nord vaudois» s’est interrogée il y a deux semaines, l’argent promis par Bernard Mouthon se faisant attendre. A la lecture de cet article, Bernard Mouthon réagit et nous contacte, afin de nous inviter chez un agent d’affaires sérieux, Pascal Stouder (ci-dessous) à Renens, homme respectable et respecté. «Vous serez convaincus, je vous montrerai tous les documents!» Soit.
Rendez-vous est donc pris un mercredi matin dans l’étude de Pascal Stouder où Bernard Mouthon se prend soudain pour Al Pacino devant son public. Devant lui, le président du FC Baulmes, un agent d’affaires, une photographe et un journaliste. Le spectacle commence: «J’ai ici tous les documents prouvant que les fonds ont bien été versés! Voici la copie d’un mail reçu de la part de M. Diez, directeur de la Banque ABC de Monaco! Il me confirme qu’1,8 million d’Euros ont été versés sur le compte de Pascal Stouder. Regardez cet autre mail! Sylvain Ferri, de Ferrigestion à Paris! Il me cautionne.».
Les mails? De grossiers faux. Si M. Diez a bien occupé un poste à responsabilité au sein de la Banque ABC, un coup de fil à Monaco suffit à s’en convaincre: l’homme en question a quitté la banque il y a cinq ou six ans. Un coup de fil à Ferrigestion plus tard et le directeur Sylvain Ferri nous confirme notre pressentiment: «Je suis au courant de ces mails usurpant mon identité. Le dossier a été transmis à la justice française, mais tant que ce monsieur reste en Suisse, on ne peut rien faire…» Une demande d’extradition ne se justifie pas dans le cadre d’une usurpation d’identité. Quant à Suzuki et au fameux John Bartellini, présenté comme le sponsor, il n’existe simplement pas.
Usurpation d’identité
Le procédé utilisé par Bernard Mouthon est simple: créer des comptes mails au nom de directeurs sur des fournisseurs gratuits, du type AOL, Hotmail ou Yahoo et s’envoyer des mails à lui-même ou à des tiers (Pascal Stouder, Fabian Salvi, l’ACVF, des créanciers…) en assurant que l’argent allait être versé. Simple? Oui. Efficace? Non. Les mails sont de grossiers faux. Arrive alors le clou du spectacle, un document «officiel» de la BCV, attestant que 23 250 000 francs (oui, plus de 23 millions de francs suisses) avaient été versés sur un compte commun entre Paul-André Cornu et Bernard Mouthon. «La Région» a eu ce document entre les mains, sans que le Genevois ne daigne ne nous le laisser. De peur qu’il soit identifié comme faux? Peut-être. Une chose est sûre: Bernard Mouthon n’a jamais versé le moindre franc, ni à Yverdon, ni à Baulmes.
10 000 francs et une voiture
Il y a plus grave. Si nous avons en notre possession plus de vingt mails identifiés comme faux, l’histoire du FC Baulmes intéresse grandement l’AC Angoulême, club amateur du Sud-ouest de la France, dont Patrick Triaud est le trésorier. Celui-ci rigole au téléphone: «Effectivement, j’ai eu un téléphone de ce monsieur Mouthon au mois de mai 2009! Nous étions dans une situation financière très délicate et il s’est présenté comme notre sauveur. J’ai sauté sur l’occasion, mais j’ai vite flairé l’arnaque, lorsqu’il a demandé à avoir accès à tous les comptes… J’ai donc coupé court à toute discussion et je ne le regrette pas!» Un petit passage à Yverdon Sport et voilà donc Bernard Mouthon à Baulmes, où il n’y a aucun argent à prendre. Aucun argent? C’est à voir, puisque le Genevois a réussi à se faire «prêter» 10 000 francs par un membre du comité, lequel pensait bien les récupérer vite fait. Il ne reverra jamais cet argent, pas plus que Willy Terrapon, loueur de voitures à Payerne. «Cet homme? Un escroc, un truand, tout ce que vous voulez. J’avais de bonnes relations avec M. Salvi, qui m’a versé un peu d’argent pour les premières voitures louées et a toujours été correct malgré sa situation financière catastrophique. Bernard Mouthon m’a fait des promesses qu’il n’a pas tenues, il repousse sans cesse les délais. Il me doit 20 000 francs au minimum, soit la location de 5 voitures, et j’ai d’ores et déjà alerté la Gendarmerie.» Car là est la principale erreur de Bernard Mouthon: avoir pris le risque de prendre des factures à son nom dans sa mégalomanie et ses mensonges. Matériellement, Bernard Mouthon a donc gagné un peu d’argent et a donc pu rouler «gratuitement» dans une voiture de location. Bien peu? Beaucoup pour un homme qu’un de ses amis d’enfance décrit comme un «mythomane. Nous étions à l’école ensemble. Son CV? Faux du début à la fin. Il n’a jamais travaillé et venait tout le temps me gratter 200 ou 500 francs. Vers l’âge de 30 ans, il s’est inventé des connections dans le monde de la finance et a commencé à raconter n’importe quoi. Ses sponsors? Du vent. Il a promis des voitures à ses joueurs? Il n’en a même pas une à lui…»
Le FC Baulmes en danger
Bernard Mouthon a voulu enflammer le monde du football. Il est allé trop loin et s’est brûlé les ailes. Une histoire banale? Peut-être, mais une histoire tragique pour le FC Baulmes qui a donné sa confiance à un homme qui ne la méritait pas. Fabian Salvi et son comité se sont donné une semaine pour trouver les fonds nécessaires au salut du club. Un délai trop court? Dans ce cas, le FC Baulmes aura vécu jusqu’à Noël 2009. Pour ce qui est de Bernard Mouthon, le spectacle est terminé. Tirez le rideau.