Football – L’entraîneur d’Yverdon Sport de la fin des années 80 et début 90 était l’invité du Club des Milles, hier. L’occasion, pour cet incroyable orateur, d’évoquer quelques-uns des moments mémorables de son parcours, ici et ailleurs.
Coups de maître, coups de gueule. La réputation de Bernard Challandes le précède où qu’il passe, dans le milieu du football suisse. Encore plus à Yverdon, où il reste, dans la mémoire collective, l’entraîneur de la promotion en LNA de 1992. De passage dans la Cité thermale hier, invité par le Club des Milles, le Neuchâtelois s’est livré à cœur ouvert devant les membres du club de soutien d’Yverdon Sport.
«J’ai passé sept ans ici. C’est un petit peu chez moi, a débité d’entrée de jeu cet orateur né, comme pour annoncer qu’il avait un paquet d’histoires à partager. J’ai pu y lancer ma carrière d’entraîneur pro. J’étais encore enseignant à l’Ecole technique du Locle quand le président d’alors, François Candaux, m’a fait cette offre pour changer de vie.»
Devant une assistance suspendue à chacune de ses paroles, Bernard Challandes -que l’on croise parfois au stade pour voir son fils Mehdi jouer avec YS- a raconté le foot à sa manière, à grand renfort d’anecdotes et de vérités, avec de l’humour et une touche d’autodérision qui a fait le bonheur de son auditoire, à La Prairie. Dans sa bouche, le sujet est inépuisable, tant l’homme, qui officie actuellement au sein de la cellule de recrutement du FC Bâle, est encore et toujours passionné. A 65 ans, il est revenu sur quelques-uns des moments qui ont marqué sa carrière sur les bancs d’Yverdon et d’ailleurs.
«Une année avant la promotion, on avait survolé le championnat. On devait jouer le dernier match pour l’ascension contre Bâle, au Stade Municipal. Les Rhénans, qui ne faisaient plus grand-chose depuis quelques matches, avaient tout donné et nous avaient battus. J’étais très fâché, j’avais engueulé Smajic et j’étais même allé dans leur vestiaire pour manifester mon mécontentement, s’est-il souvenu. Cela faisait plusieurs années qu’YS essayait de monter sans y parvenir. Il se disait dans la presse qu’on était à notre niveau, que je n’étais qu’un bon entraîneur de province…»
Son équipe et lui ont rebondi. La saison suivante, ils se sont retrouvés en position de force lors du tour de promotion-relégation. Pourtant, à trois rencontre du final, les Yverdonnois ont perdu 7-1 à Saint-Gall. Lors du long retour, dans le bus, Bernard Challandes a écrit une lettre ouverte assez gratinée à ses joueurs, parue dans le Nord vaudois du mercredi, le matin du match suivant. «Je voulais piquer mes hommes dans leur orgueil. Cela a fonctionné, on a gagné. » Le week-end d’après, YS est allé s’imposer à Schaffhouse, en jouant longtemps à dix, pour la montée. Le soir de la fête, le Lausanne- Sports, via Mario Comisetti, lui a proposé de rejoindre la Pontaise la saison suivante. «Mais j’avais promis à François Candaux de rester. J’avais vécu de tels moments, je ne me voyais pas partir ainsi», a glissé celui qui n’a, finalement, jamais dirigé le LS.
A Yverdon, le natif du Locle affirme y avoir a appris son métier, «à perdre, à gagner, à m’engueuler avec un président, mais aussi à avoir son soutien». Son parcours d’entraîneur l’a, par la suite, mené aux Young Boys et à Servette, avant qu’il ne rejoigne les sélections nationales juniors.
En 2007, il a succédé à Lucien Favre à la tête d’un FC Zurich champion de Suisse en titre. «J’étais le septième sur la liste. Au final, j’ai signé sur un fax alors que je me trouvais en vacances au Club Med en Grèce.» Il a, par conséquent, connu la Ligue des champions. Son équipe a réussi l’exploit de s’imposer 1-0 à Milan, grâce à un but en «Madjer» de Tihinen «qui avait pourtant les pieds carrés». «J’ai aligné la même équipe quatre jours plus tard à Bellinzone, et on a perdu», s’est remémoré le technicien. Son FCZ a aussi joué à Marseille et à Madrid, contre le Real de Cristiano Ronaldo, durant cette campagne. Pourtant, de la Coupe d’Europe, Bernard Challandes a retenu des «moments d’enfer», à cause d’une pression terrible.
Sa plus grosse déception, le Neuchâtelois l’a connue en finale de la Coupe de Suisse, avec Xamax. En 2011, il a d’abord emmené le FC Sion jusqu’en finale de la compétition, avant d’être démis de ses fonctions à Tourbillon. Quelque temps plus tard, il a tout de même obtenu le feu vert pour diriger la formation de la Maladière, l’autre finaliste. Le club est alors présidé par l’inénarrable Bulat Chagaev. «Moi, je ne l’ai jamais vu… à part la fameuse fois où il est venu dans le vestiaire avec son revolver en menaçant tout le monde. Et c’est véridique», a rappelé l’entraîneur. Quoiqu’il en soit, la finale a été perdue 2-0 par les Xamaxiens, au terme d’une prestation de petite facture. Des circonstances étonnantes. «Je n’ai toujours pas compris…», a admis Bernard Challandes avant de reparler de foot, le sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts.