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Les «carottages» qui ont amené au drame des Quatre-Marronniers
© Michel Duperrex

Les «carottages» qui ont amené au drame des Quatre-Marronniers

7 janvier 2022

Avant de tirer un coup fatal sur un jeune Nord-Vaudois en novembre 2018 lors d’un deal, le Combier qui passe devant la justice ces jours avait déjà commis d’autres vols de produits stupéfiants.

 

Difficile de ne pas se dire que cela devait finir par arriver. Le jeune Combier, aujourd’hui 22 ans, qui a tué un gymnasien yverdonnois il y a trois ans est jugé depuis hier pour cette affaire ainsi qu’une multitude d’autres délits. Sont aussi convoqués avec lui deux autres jeunes, soit le chauffeur et l’homme qui mettait sa cave à disposition pour stocker armes et drogue.

Parmi les nombreuses infractions commises avant le drame survenu en novembre 2018 au parc des Quatre-Marronniers, un type d’événement est fréquent dans l’acte d’accusation: le carottage. Un terme qui désigne le vol de la drogue lors d’un deal, en l’occurrence en effrayant le fournisseur. Et déjà dans l’été 2018, aux Bioux, le principal prévenu avait utilisé cette méthode et tiré des coups de feu. Dans un deal impliquant 500g de marijuana, estimé entre 3000 et 3500 francs, il s’était emparé de la marchandise après avoir fait mine d’aller chercher l’argent pour payer. Immédiatement, il avait tiré au moins deux coups de feu, un en l’air et l’autre en direction de la voiture. Il s’est ensuite enfui avec la marchandise.

Cas similaire, mais sans arme à feu, à Vallorbe en septembre de la même année. Quatre personnes, dont le principal prévenu et le chauffeur, ont volé un kilo de haschisch. Le vendeur a reçu un coup de poing au visage, a répondu, puis a été frappé au niveau du genou.

A Bretonnières aussi, durant la nuit, fin octobre, les deux prévenus avaient prévu un coup. Mais cette fois-ci, tout ne s’est pas passé comme prévu : les revendeurs, qui devaient leur donner un kilo contre 3500 francs, sont venus à quatre et se sont parqués juste devant la voiture du groupe. Impossible de prendre la fuite rapidement. Le chauffeur a donc nié être présent pour le deal lorsqu’un autre est sorti du véhicule. C’est alors que le principal prévenu a ouvert sa portière puis a tiré plusieurs fois en l’air, ordonnant à ses interlocuteurs de lui donner «le truc». «J’avais l’impression qu’il avait perdu les pédales, explique le chauffeur aujourd’hui. Il a agi sur un coup de tête.» Mais pourquoi avoir agi ainsi, alors que le coup était visiblement raté, a demandé le président du tribunal au Combier. «J’avais besoin d’argent, je m’étais moi-même fait voler de la marchandise à hauteur de 9000 francs. J’ai tenté de les intimider.» Moins d’un mois plus tard, un jeune mourra d’un de ses tirs au parc des Quatre-Marronniers.

Le cas de ce deal tragique sera quant à lui traité cet après-midi, toujours dans la salle d’audience cantonale, à Renens.

 

Le point juridique

 

Si tirer en l’air peut sembler déjà gravissime, un tir en direction de la voiture l’est encore plus. C’est pour cette raison que les conditions dans lesquelles le tir réalisé au début de l’été 2018 a été effectué ont été longuement analysées. En effet, le prévenu avait dans un premier temps indiqué avoir tiré vers le sol, à une main, mais qu’avec le recul du tir, la balle s’était finalement logée dans l’aile avant de la voiture du fournisseur. Aujourd’hui, il dit avoir menti lors de ces premières déclarations: «C’était pour me défiler, pour ne pas dire que je visais la voiture. Mais je la visais.» Impossible de savoir qu’elle était vraiment l’intention du jeune homme lors de ce tir effectué il y a trois ans et demi.

Néanmoins, il y a un point qui justifie la volonté du Combier d’affirmer aujourd’hui qu’il a bel et bien visé et tiré sur la voiture, plutôt que sur le sol. En effet, sa première version impliquerait une perte de maîtrise de l’arme, et donc la possibilité de blesser quelqu’un (rappelons que la voiture était occupée par quatre personnes). En revanche, dans la version qui le décrit comme un tireur froid qui a décidé de viser l’aile et qui a touché sa cible, le prévenu se montre comme une personne qui savait ce qu’elle faisait. L’acte, bien qu’illégal et punissable, n’aurait selon lui mis en danger personne, vu sa maîtrise de la situation.

C’est pour cela que le procureur et le jeune homme ont également longuement échangé sur les capacités de tireur de ce dernier. «Désolé de vous le dire, mais vous êtes une pive en tir, a asséné le représentant du Ministère public. Les résultats de votre passage dans un stand de tir le montrent.» Piqué à vif, le prévenu, qui a montré une certaine estime de lui-même tout au long de l’audience, a rétorqué: «J’ai tiré trop vite lors de ce passage au stand de tir. Lors du vol, j’étais sûr de ne toucher personne.» Un élément si important que, après que plusieurs autres points aient été traités, son avocat a demandé à revenir sur la question du stand de tir, précisant qu’il s’agissait d’une épreuve de tir rapide, ce qui expliquait la moindre précision de son client lors de l’épreuve.

Massimo Greco