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Les derniers Mohicans
David Ruetschi, assis sur une fontaine du village qui fleure bon à la fois le patrimoine et l’art de la restauration.

Les derniers Mohicans

15 août 2024 | Texte et photo: Virginie Meisterhans
Edition N°3767

La Région poursuit la publication hebdomadaire d’un portrait d’une commune nord-vaudoise. Au travers de l’interview de son syndic, cette page aborde les réussites, les préoccupations, les projets d’une collectivité locale.

Aujourd’hui, place à David Ruetschi, syndic de Grandevent.

David Ruetschi, vous avez grandi à Grandevent, êtes marié, avez trois enfants et êtes ingénieur agronome. Racontez-nous votre parcours jusqu’à la syndicature.

Après un CFC d’agriculteur, comme j’étais actif dans l’octroi de brevets de maîtrise fédérale au sein d’une organisation professionnelle, intéressé par le fonctionnement du mécanisme public administratif et la politique agricole, j’ai effectué un master en administration publique. J’ai racheté le domaine agricole de mon père en 2003 où j’exploite de la grande culture, la volaille et les noix, ainsi qu’une station de biogaz en collaboration avec deux associés. Je m’occupe également de la gérance de l’Association suisse pour un secteur agroalimentaire fort (Assaf), qui défend les intérêts généraux de la filière agroalimentaire, du champ jusqu’à l’assiette. Dès l’âge de 18 ans, je me suis engagé avec les pompiers. À 22 ans je suis entré au Conseil général, puis à la Municipalité en 2005. Après une quinzaine d’années, étant le plus ancien en grade, j’ai repris la syndicature.

Est-il aisé de trouver des personnes prêtes à s’engager au sein d’une petite commune ?

Je trouve bien que dans les petits villages les gens mettent à disposition leurs compétences. Flexible en tant qu’indépendant qui travaille sur place, j’ai choisi de mettre les miennes au service de la communauté. C’est un enrichissement et une expérience personnelle intéressante de comprendre le fonctionnement d’une commune. Tout n’est pas toujours simple, les choses prennent du temps, mais persévérer et construire sur la continuité permet de voir les projets aboutir. Cela devient de plus en plus compliqué dans les petites communes de trouver des gens disponibles, car on nous en demande autant qu’aux grandes avec des ressources beaucoup plus restreintes. On peut dire que nous faisons partie des derniers Mohicans à l’ancienne (rires). Notre équipe est très stable, les gens ont envie de travailler ensemble. Au Conseil, tout le monde a sa petite casquette. Nous avons aussi la chance que les gens qui partent à la retraite soient très en forme et donnent beaucoup de leur temps. Et puis nous n’avons pas de restaurant, pas de Société de jeunesse, le point de rassemblement convivial et d’échanges du village, outre le Noël des enfants et le 1er Août, c’est le Conseil !

Êtes-vous soulagés d’avoir terminé votre PaCom ?

Oui, le Conseil l’a adopté à la quasi majorité et il est maintenant en attente d’approbation au Canton. Nous sommes contents d’arriver au bout de ce projet que nous n’avons pas choisi de notre plein gré et qui n’était pas une partie de plaisir ! Je suis du genre à prendre le taureau par les cornes plutôt que d’attendre et de voir les problèmes s’accumuler, mais la population a souvent de la peine à comprendre que tant d’efforts soient investis pour empêcher la construction d’une ou deux villas alors que les centres sont bétonnés pour construire des appartements. Nous avons essayé de limiter les dommages en restant sur une ligne claire avec les principes d’aménagement du territoire que le géomètre a définis et de conduire la révision selon ces derniers et non selon du « copinage » . Nous avons travaillé sur des secteurs d’intérêts communs, comme ceux de la protection des eaux qui étaient encore en zone constructible. Cela nous a permis de satisfaire les attentes du Canton et de protéger nos sources. Celles-ci fournissent environ 50% de nos besoins et c’est une eau propre que les gens tiennent à sauvegarder. Nous avons encore pas mal de travail pour finaliser le PDE et remettre aux normes nos réservoirs et système de captage.

Quels autres projets vous attendent dorénavant ?

Nous essayons d’investir un peu chaque année pour maintenir notre patrimoine au goût du jour et offrir un cadre de vie agréable à chacun. Nous avons installé des panneaux solaires sur le battoir et une chaudière à pellets dans le bâtiment communal. Nous avons une place de jeux, un nouvel arrêt de bus. Dans le cadre d’une réflexion sur une démarche participative concernant le climat et l’énergie, nous aimerions concrétiser certaines idées. Avec les possibilités de communautés d’autoconsommation mises en œuvre dès 2025, nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire pour plus d’autonomie. Ceci dit, la marge de manœuvre pour les grands projets est réduite, avec beaucoup d’incertitudes, par exemple concernant la nouvelle péréquation et l’évolution des finances. Nous sommes davantage dans l’opérationnel et la gestion du quotidien que dans le très visionnaire ! Aujourd’hui les choses vont vite, des changements s’imposent, que l’on n’attend pas… les contextes de vie, les pannes, la météo, la santé…c’est devenu difficile de tirer des plans sur la comète à long terme. Les aléas de la vie et la nature m’ont appris qu’il y avait des imprévus, au fil desquels on doit s’adapter. Il faut essayer de construire quelque chose de bien aussi avec les pierres qui se trouvent sur le chemin.

Quelle est la recette pour rester motivé ?

D’une part il faut être une équipe soudée pour se remonter le moral lors des moments de découragement. Et d’autre part, il faut pouvoir couper et faire d’autres activités. Mettre de la distance entre les problèmes et soi-même et adopter une perspective d’aigle sur la situation générale. J’aime la montagne, être à l’extérieur, faire de la randonnée et partir en famille quand le temps le permet. Comme on dit, voyager forme la jeunesse, et partager des moments en famille pour se ressourcer est important.