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Les écoles de musique ont besoin de 1,5 million de francs

3 mai 2019 | Edition N°2490

La Fondation pour l’enseignement de la musique n’est pas totalement satisfaite de la loi qui régit ses activités. Deux acteurs de la région ont émis des recommandations à l’attention du Conseil d’état.

Le 3 mai 2011, le Grand Conseil vaudois adoptait la loi sur les écoles de musique (LEM). Celle-ci vise à structurer l’enseignement de la musique et à favoriser l’accès à la formation des jeunes tout en offrant des conditions de travail correctes aux professeurs, notamment. Pour financer cela, les communes contribuent à hauteur de 9,5 francs par habitant, une somme doublée par l’état qui verse, en sus, un montant fixe de 4,69 millions de francs.

Six ans plus tard, jour pour jour, l’heure est au bilan. Et tout n’est pas aussi parfait que souhaité: l’estimation des coûts est imprécise, le financement pèse sur les communes, les aides individuelles sont quasi inexistantes et les frais d’écolage disparates. à l’issue d’une vaste étude menée auprès de 261 communes et de 1691 Vaudois, et sur la base d’un rapport de près de 100 pages, la Fondation pour les écoles de musique (FEM), chargée de la mise en œuvre de la LEM, a établi une liste de recommandations (lire encadré). Elle demande notamment au Canton d’augmenter son socle de subventions de 1,5 million de francs, pour passer d’une aide annuelle de 4,69 millions de francs à 6,2 millions de francs.

Comment expliquer un tel besoin? «C’est un dossier sensible, lâche Sylvie Progin, secrétaire générale de la FEM et conseillère générale socialiste à Cheseaux-Noréaz. Il y a plusieurs choses qui n’ont pas été prises en compte dans l’élaboration de la loi. Par exemple, le texte exige que les professeurs (ndlr: qui cumulent souvent des mandats dans plusieurs institutions) soient rémunérés correctement, et notamment que leur employeur participe au deuxième pilier dès le premier franc versé. Pourtant, cette charge supplémentaire n’a pas été prise en compte dans les coûts de fonctionnement des écoles de musique.» Un «oubli» qui peut peser lourd dans les caisses. Bien d’autres points n’ont pas été mis noir sur blanc, c’est pourquoi la FEM aimerait mettre en place une convention collective de travail.

Un cadre légal incomplet et imprécis

Le Conservatoire de musique du Nord vaudois a essuyé les plâtres de l’imprécision de la LEM. «Dès mon arrivée, j’ai vu qu’on allait avoir un problème avec les charges du bâtiment, qui s’élevaient à plusieurs dizaines de milliers de francs, souligne le directeur, Jaques Hurni. J’ai relu la loi qui dit que la Commune doit mettre à disposition des locaux. Mais rien de plus.» Et Sylvie Progin de préciser: «Dans l’exposé des motifs, il est mentionné que les locaux doivent être chauffés et salubres.» Le duo a donc rencontré les autorités yverdonnoises à plusieurs reprises pour leur expliquer cette subtilité. «Heureusement, elles ont été sensibles à nos arguments», relève Jacques Hurni.

Le cas du conservatoire démontre que le législateur n’a pas pris en compte ce type de frais supplémentaires pour les communes. «Si on compare ce que versent le Canton et les communes, on voit qu’en réalité certaines localités paient plus que prévu», note Sylvie Progin.

Des aides pour les familles de musiciens

Si la LEM a réussi sa mission de base en valorisant le travail des professeurs de musique dans les grandes lignes et en prévoyant un subventionnement des cours pour les jeunes, elle n’a toutefois pas atteint son objectif à 100%. Car elle n’a pas prévu de donner un coup de pouce aux familles qui souhaitent offrir une formation à plusieurs de leurs enfants. C’est le cas d’un foyer de musiciens sur quatre, selon la FEM. Pour cela, la loi comptait sur les communes, qui devaient mettre en place un règlement pour attribuer des aides individuelles. Or 60% d’entre elles n’ont rien prévu de tel. Ou des montants dérisoires, comme 10 francs de réduction sur des écolages dont le coût se monte à 1500 francs.  Et Sylvie Progin de renchérir:«Imaginez, sur l’ensemble du canton, seuls 140 000 francs de subventions personnelles sont distribués, sur les 15 millions de frais d’écolage demandés aux familles!» Yverdon-les-Bains fait partie des bons élèves, bien que l’attribution des aides ne soit pas clairement expliquée. «Comme la loi ne fixe pas le montant de ces aides, on peut comprendre que les communes, déjà sous pression financière, ne se soient pas bousculées. Mais du coup, cela pèse dans notre balance», note Jacques Hurni.

Cette lacune, la secrétaire générale en a fait son cheval de bataille. «Selon notre étude, un quart des élèves (ndlr: sur quelque 12 000 étudiants répartis dans le canton) font partie d’une fratrie inscrite dans une école de musique gérée par la FEM. Environ 45% des institutions n’ont pas les moyens de proposer de rabais, 19% d’entre elles offrent une réduction de moins de 10% et 22% diminuent leur prix de 10%.»Pour remédier à ce problème, la fondation propose d’augmenter la participation des communes ou d’indiquer clairement dans la loi ce qu’elles doivent mettre en place.

 

L’avenir se joue à plusieurs

«Ce qui m’a frustré dans ma formation, c’est que j’étais dans une petite école et qu’il n’y avait pas d’ensemble dans lequel je pouvais jouer. Je me suis découragé et j’ai arrêté.» Cette remarque, tirée d’un sondage mené par la FEM, a marqué Sylvie Progin. «J’ai réalisé que ce sont ces émulations qui incitent les jeunes à continuer plus fort et plus longtemps leur cursus, confie-t-elle. Je pense qu’il faudrait nouer des collaborations régionales pour mener des projets d’ensemble ponctuels.» Et Jacques Hurni d’abonder dans son sens: «Pour qu’une école vive, elle se doit de créer des ensembles. Dieu sait que c’est difficile, mais c’est le nerf de la guerre si on veut continuer à se développer.» Lancer un orchestre à l’école serait l’idéal mais, pour cela, il faudrait que la loi autorise la FEM à subventionner des projets. Et c’est ce que demande aujourd’hui la fondation.

Christelle Maillard