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Les EHNV ont mal à leur bloc opératoire

27 novembre 2014

Les syndicats dénoncent des dysfonctionnements graves au sein de l’unité d’intervention yverdonnoise. De son côté, la direction de l’hôpital assure avoir pris des mesures.

Les dirigeants des EHNV font bloc. De g. à d.: Jean-François Cardis, directeur général, Laure Jagiello, directrice adjointe des soins, Christiane Kordo, directrice des soins, et Pascal Cotter, directeur général adjoint. © Michel Duperrex

Les dirigeants des EHNV font bloc. De g. à d.: Jean-François Cardis, directeur général, Laure Jagiello, directrice adjointe des soins, Christiane Kordo, directrice des soins, et Pascal Cotter, directeur général adjoint.

Des collaborateurs exténués, contraints d’accumuler les heures supplémentaires. Une ambiance de travail délétère en raison de l’attitude dédaigneuse de certains cadres. Le bloc opératoire d’Yverdon-les-Bains n’a, de l’aveu des collaborateurs, rien d’un éden, et ceci pas uniquement en raison de la tension liée naturellement aux interventions parfois délicates qui y sont menées.

Cet enfer vécu dans leur univers confiné, les infirmiers anesthésistes, instrumentistes, les aides de salle et autres membres de l’équipe de stérilisation se sont unis pour le relater à la direction, en mars dernier, par le biais d’une lettre. L’audit, sur lequel il a débouché, et dont les conclusions ont été communiquées le 11 novembre, va dans le sens des plaignants, si l’on en croit les déclarations du Syndicat des services publics (SSP) et Syna, impliqués dans le dossier. En résumé, «pour l’auditeur, le climat de travail au bloc opératoire d’Yverdon est aujourd’hui extrêmement conflictuel et dangereux, aussi bien pour la sécurité des patients que celle du personnel». Contacté, l’auteur de ces lignes, le docteur Dominique Thorin, médecin-chef du service Centres opératoires des hôpitaux fribourgeois, n’a pas souhaité se prononcer sur son mandat.

Problèmes d’organisation

De son côté, la direction des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (EHNV) ne nie pas l’existence de problèmes liés à la croissance de l’activité au sein du bloc opératoire d’Yverdon-les-Bains. «La structure et l’organisation doivent être développées en conséquence. Nous avons d’ailleurs établi un plan d’action», admet Jean-François Cardis, directeur général de l’hôpital régional.

Parmi les mesures immédiates, les dirigeants indiquent avoir mis au concours un poste de responsable de bloc, créé une cellule intermédiaire chargée de revoir les règles de programmation et de les faire respecter, augmenté la dotation du secrétariat du bloc, renforcé le personnel de ménage pour améliorer la rotation des opérations et engagé des «poolistes» pour permettre de récupérer les heures supplémentaires.

Si la direction reconnaît des carences organisationnelles, l’allusion à la mise en danger de l’intégrité des patients la fait bondir. «Nous contestons vigoureusement ce point. C’est inentendable. Des audits sont réalisés régulièrement. Tous les indicateurs sont bons. Nous pouvons prouver cela par le biais du taux d’infection », s’insurge Pascal Cotter, également membre du triumvirat à la tête des EHNV.

Reste que les mesures prises par la direction sont jugées, aux yeux des travailleurs et de leurs représentants, inadaptées à l’urgence de la situation. «Les premiers effets du plan d’action se feront sentir en août 2015. Rien ne sera mis en oeuvre pour améliorer le vivre ensemble, or il y a une atmosphère de souffrance au travail», déplore Maria Pedrosa, secrétaire syndicale chez SSP.

Jugés «maltraitants», certains cadres sont tenus pour responsables du quotidien intenable au bloc. «Le climat est très conflictuel. Nous allons envoyer une lettre à la direction aujourd’hui (hier, n.d.l.r.) afin d’entamer des négociations. Notre but n’est pas qu’ils se séparent d’eux, mais de proposer des solutions, telles la mise en place d’une cellule de crise et d’un programme de coaching à leur intention», explique Maria Pedrosa. La direction de l’hôpital estime, pour sa part, que ces derniers ne sont pas «dans des conditions optimales pour être évalués», en référence à l’organisation imparfaite dans laquelle ils évoluent.

 

Un employé du bloc a accepté de livrer son témoignage

«Les patients courent des risques»

Fatigué par les dysfonctionnements dans son quotidien au bloc opératoire, l’un de ses collaborateurs a accepté de briser le silence. «Le climat est très pesant. Les problèmes relationnels sont minimisés. Nous avons le sentiment de ne pas être écoutés», regrette-t-il. Hygiène déficiente, manque de personnel à des postes clés, provoquant de réels risques pour la sécurité du patient, indisponibilité ponctuelle de certains médecins anesthésistes, contrôle et pression exercés sur le personnel, contribuant à le destabiliser, non respect de ce dernier: voici, notamment les problèmes qu’il identifie. Sans parler de l’accumulation du temps de travail supplémentaire avant que la direction ne rectifie le tir. «Le personnel soignant était pris en otage dans les salles d’opération au-delà des délais fixés. Plusieurs collaborateurs comptabilisaient, individuellement, plus de 100 heures supplémentaires en août dernier», s’indigne-t-il. Le plan d’action de sa hiérarchie ne lui paraît pas adapté face à de tels manquements. «La direction veut mettre en place des améliorations pour août 2015, mais la situation est conflictuelle tous les jours. Selon l’auditeur, des mesures pourraient être prises plus rapidement», déclare-t-il.

Il ajoute que ce malaise a déjà occasionné des arrêts maladies, un burn out et le départ de trois infirmiers anesthésistes au début de l’année. Deux étudiants souhaitant effectuer ce métier auraient, de surcroît, abandonné leur formation ces deux dernières années. La direction impute, pour sa part, un arrêt maladie et un changement pour le site de Saint- Loup à cette situation. «Il faut mettre en oeuvre des changements au quotidien pour que les patients soient soignés de façon adéquate. Il n’y a heureusement pas eu d’accident à ce jour, mais cette structure ne permet pas d’assurer correctement sa mission de soins auprès de la population », relève-il, en renvoyant aux conclusions de l’audit.

Ludovic Pillonel