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Les éoliennes de La Grandsonnaz en opération séduction

18 octobre 2020

Après douze ans d’attente, le projet de Parc éolien devrait être mis à l’enquête à la fin de l’année. Les communes partenaires et l’entreprise Ennova ont lancé une nouvelle opération de communication pour informer et surtout convaincre les habitants du bien-fondé de ce projet.

Les températures glaciales qui règnent ce samedi matin d’octobre à la Grandsonnaz, à plus de 1300 m d’altitude, n’ont pas eu raison de la motivation des visiteurs. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas pour déguster les spécialités fromagères du chalet d’alpage qu’ils se sont déplacés mais pour assister à l’une des quatre visites guidées du parcours didactique présentant le projet de parc éolien aux habitants des communes impliquées: Bullet, Fiez, Fontaines-sur-Grandson, Grandson et Mauborget. Mais l’opération ne s’arrête pas là puisque deux visites des éoliennes de Mont-Soleil (BE) sont également proposées.

C’est Michaël Berset, chef de ce projet chez Ennova, qui guide le petit groupe à travers les pâturages en suivant les cinq panneaux installés. Pour l’ingénieur, l’objectif est avant tout d’informer les gens de manière objective: «Le parcours didactique offre la possibilité d’obtenir des renseignements clairs, en étant sur place, et nous pouvons ainsi contrecarrer les allégations mensongères, bien que, pour l’instant, nous n’ayons pas d’opposition déclarée. » En effet, l’ambiance de la visite est plutôt bon enfant et les participants confirment adhérer au projet. Toutefois, Michaël Berset est réaliste: «On se doute bien qu’on devra aller devant le Tribunal cantonal car, pour certaines associations, l’opposition aux éoliennes est un combat de principe.»

Les Services Industriels de Genève, propriétaires d’Ennova, ont de quoi s’inquiéter puisque ce sont cinq millions de francs qui ont déjà été investis pour le développement de ce projet dans un pays où les éoliennes n’ont pas la cote, puisqu’il n’y en a que quarante-deux. D’ailleurs, il y a quelques jours, le projet de parc éolien des Quatre-Bornes a été rejeté par les habitants de Sonvilier dans le Jura bernois. Un échec certainement cuisant pour ses initiateurs puisqu’en Suisse les procédures sont de longue haleine.

Le projet de la Grandsonnaz a d’ailleurs bien évolué depuis 2008 et a dû s’adapter aux réalités du terrain: «Nous sommes passés de vingt-et-une à quinze éoliennes et avons augmenté leur puissance unitaire. Certaines ont été supprimées à la suite d’études sur l’avifaune, une autre à cause de son impact paysager, et celles prévues sur le Chasseron posaient des problèmes aussi bien à l’aviation civile française qu’à la biodiversité», explique Michaël Berset. Diminuer les impacts environnementaux semble être l’une des clés du succès, une thématique très présente sur le parcours didactique: hauteur limitée des éoliennes, technologie réversible et recyclable, utilisation des voies d’accès déjà existantes, raccordements électriques souterrains etc…

L’opération séduction ne s’arrête pas là puisqu’en plus des panneaux qui seront démontés à la fin du mois (une visite est encore prévue ce samedi dès 10h), plusieurs soirées d’information «aper’info» auront lieu avant et pendant la mise à l’enquête dans les communes partenaires, qui, ne l’oublions pas, toucheront une indemnité sur la durée de vie du parc, un apport non négligeable pour les plus petites d’entre elles.

 

«Il y a un moment où l’État devra trancher!»

 

Didier Fardel, agriculteur et syndic de Fiez depuis neuf ans, ne mâche pas ses mots pendant la visite. Derrière ses lunettes noires et sa casquette, ce personnage haut en couleur n’hésite pas critiquer l’inaction des autorités cantonales.

Douze ans plus tard, la mise à l’enquête tarde toujours. Qu’est-ce qui coince ?

Le projet a débuté avec mon prédécesseur, cinq millions ont déjà été investis, on nous demande des tas d’études mais à un moment donné il faudra bien que l’Etat tranche ! La semaine dernière à Chavornay, les conseillères d’État Christelle Luisier et Béatrice Métraux sont venues présenter, entre autres, le Plan climat Vaud et la question est sortie: «Retarder les projets éoliens fait-il partie du plan climat? ». Moi j’aurais été encore plus direct! Le Canton vise la neutralité carbone pour 2050, les investisseurs sont prêts, les communes propriétaires et territoriales, les propriétaires fonciers, le Club alpin et les équipes de ski de fond, tout le monde est d’accord! Mais l’Etat ne fait rien pour que ça avance. Il va bien falloir que quelqu’un ait le courage de dire oui ou non. J’admire l’équipe d’Ennova, ce n’est pas évident de tenir la distance.

L’énergie éolienne, incontournable ?

Je ne suis pas à tendance bobo-écolo, je suis agriculteur. Mais on ne veut plus de nucléaire, on veut sortir de l’énergie fossile et l’éolien ce n’est pas la solution? Mais c’est une solution qui fait partie du mix énergétique. Maintenant, on veut des voitures et des vélos électriques, mais plus de nucléaire. Alors d’où viendra l’électricité? D’Allemagne ou de France? Les éoliennes fonctionnent quelques dizaines d’années et une fois démontées il ne reste plus rien, sauf du béton, du sable, du gravier, rien de polluant.

Etes-vous confiant quand à l’acceptation de ce projet par la population ?

On n’a jamais eu l’intention de cacher quoi que ce soit, de faire une mise à l’enquête en catimini. On a toujours eu à cœur d’informer les gens, d’être à leur disposition pour les questions. Il y a des opposants, des gens à l’avis partagé, mais on a eu des discussions ouvertes et honnêtes. Malheureusement, l’égoïsme du Suisse est toujours bien présent. Il suffirait peut-être qu’un ou deux parcs démarrent et les gens verraient que ce n’est ni bruyant, ni polluant. Quand à la biodiversité, c’est souvent un concept fourre-tout, mais je suis le premier à être respectueux de l’environnement.

Natasha Hathaway