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Les Espagnols reviennent en Suisse

17 août 2012

La crise qui frappe la péninsule ibérique, et tout particulièrement l’Espagne, alimente à nouveau les flux de migration vers la Suisse, et le Nord vaudois.

Daniel et Javier Pastor avec, au centre, Claude Rouiller, contremaître.

«Les statistiques démontrent clairement ce phénomène», commente Sylviane Brandt, cheffe de projet à StatistiqueVaud, le Service cantonal de recherche et d’information statistiques. Ancien secrétaire syndical d’Unia dans le Nord vaudois, aujourd’hui en poste à Lausanne, Pietro Carobbio parle lui carrément d’une «explosion».

Le phénomène migratoire est d’autant plus remarquable que, depuis le début des années huitante, le flux migratoire des Espagnols avait considérablement diminué -l’entrée dans l’Europe et les fonds de développement ont stimulé l’économie espagnole durant un quart de siècle-, alors que dans le même temps, de nombreux ressortissants sont retournés au pays. Mais la crise sévère qui frappe l’Espagne depuis maintenant trois ans, avec un taux de chômage moyen de 25%, mais qui est de cinquante pourcent supérieur dans certaines régions comme l’Andalousie et l’Extremadure-, et qui touche jusqu’à un jeune sur deux, a conduit à un renversement de situation.

Mouvement de fond

Dès l’an dernier, l’Espagne, qui avait accueilli des centaines de milliers de travailleurs provenant principalement d’Amérique du Sud -des conventions avaient été signées avec plusieurs pays- a vu le nombre de ceux-ci diminuer drastiquement (plus de 500 000 départs en une année).

Si les ressortissants espagnols croyaient encore à ce moment-là dans une possible amélioration, il faut constater aujourd’hui que ce n’est plus le cas. Ainsi, près de 30 000 Galiciens ont quitté leur région durant les six premiers mois de l’année pour aller chercher du travail à l’étranger. Le personnel privilégiant le secteur médical se dirige principalement vers la Grande-Bretagne.

Selon de nombreux observateurs, l’immigration de l’Espagne vers la Suisse a repris l’an dernier. «C’est une explosion», lance Pietro Carobbio, secrétaire d’UNIA à Lausanne, qui suit de près les activités dans le secteur de la construction. Et de donner dans l’ordre la provenance des travailleurs: Communauté valencienne, Murcie et Andalousie. Alors que dans le passé, ce sont surtout les provinces du Nord et tout particulièrement la Région de Galice, qui ont alimenté le flux migratoire, aujourd’hui les régions méditerranéennes sont en tête. Sans doute parce que le taux de chômage y est nettement plus élevé que dans le nord du pays.

Cours de français

Le phénomène a pris une telle ampleur qu’UNIA organise des cours de français en collaboration avec ECAP. Pietro Carobbio souligne aussi que des artisans qui ont tout perdu viennent proposer leurs services avec tout leur matériel. Ce que confirme indirectement Beat Holzer, directeur de l’entreprise Gabella à Yverdon-les-Bains: «Quatre frères qui étaient employés chez nous, et qui sont partis il y a dix ans pour créer leur propre entreprise là-bas, m’ont téléphoné. Ils ont tout perdu et ils aimeraient revenir.»

Trois ans de galère

Originaires de la région de Valence, les frères Daniel et Javier Pastor oeuvent depuis mercredi sur un chantier de l’entreprise Gabella à Gollion. «Cela fait trois ans que j’étais au chômage. J’ai eu quelques petits boulots, mais j’ai épuisé mes droits. Je n’ai pas eu d’autre choix que celui de partir», explique Daniel. Après un premier mandat sur le canton de Neuchâtel, et un court séjour à Valence, il est revenu avec son frère Javier.

Ces deux maçons sont tout heureux d’avoir du travail, même si, chaque matin, ils font le trajet depuis la Vue-des-Alpes. Car trouver un logement en Suisse, c’est aussi la galère.

 

Chiffres probants

La reprise de l’immigration de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) vers la Suisse est attestée par les chiffres récents de StatistiqueVaud. Ainsi, le total des permis délivrés -annuels et courte durée, le nombre de permis d’établissement n’ayant pas excédé le nombre de trente en un semestre- est passé de 2030 durant le premier semestre 2011 à 2561 durant la période correspondante de cette année. Durant le premier semestre de 2010, les autorités vaudoises n’avaient délivré que 1573 permis… Le nombre de 2225 avait déjà été atteint en 2006, dopé à l’époque par la crise qui touchait plus fortement le Portugal. Toutes proportions gardées, ce sont aujourd’hui clairement les Espagnols qui sont à la recherche d’un emploi.

Isidore Raposo