L’obligation d’annonce des chauffages et chauffe-eau électriques fait réagir Choc Electrique.
S’il est un dossier qui suscite une dépense d’énergie démentielle par rapport au but atteint, c’est bien celui des chauffages, respectivement des chauffe-eau électriques. Alors qu’un recours de Choc Electrique, l’association de défense de plus de 2000 propriétaires concernés, est en phase de traitement à la Cour constitutionnelle, une nouvelle «bévue» vient entacher la procédure.
Début mai, la directive du Conseil d’État concernant le décret du 20 décembre 2022 sur l’assainissement des chauffages et chauffe-eau électriques a été publiée dans la Feuille des avis officiels (FAO) du Canton de Vaud. Ou plus précisément republiée, car la première mouture était incomplète.
Officiellement, un problème de mise en page aurait conduit à la disparition de plusieurs paragraphes. Cela peut bien évidemment arriver, mais dans le cas particulier, l’erreur tombe mal, tant le dossier est controversé, et les relations avec Choc Electrique tendues.
Obligation d’annonce
L’une des pierres d’achoppement concerne l’obligation faite aux propriétaires de chauffages et chauffe-eau électriques de s’annoncer auprès de la Direction de l’énergie, respectivement auprès de leurs fournisseurs de courant.
Le décret a été adopté à la veille de Noël 2022 par le Grand Conseil vaudois, après des débats étriqués. En effet, si les députés sont conscients de la nécessité de supprimer les installations de chauffage énergivores, ils savent aussi que la plupart des propriétaires concernés sont des personnes âgées, voire très âgées. Il suffit de participer à une assemblée générale de Choc Electrique pour s’en rendre compte. La majorité de ces personnes n’ont pas les moyens financiers pour investir dans une nouvelle installation. Passé 60 ans, inutile de faire appel au banquier…
Une question de droit
La directive gouvernementale est entrée en vigueur début janvier. Mais du moment qu’elle était incomplète, pour la raison invoquée ci-dessus, la logique voudrait que le délai soit calculé depuis la date de la publication complète, début mai.
«C’est notre avocat qui a soulevé le lièvre. Dans le cadre du recours à la Cour constitutionnelle, il a remarqué qu’il manquait des paragraphes. Ils ne sont pas fondamentaux, mais cela rend la lecture bizarre», analyse Jean-Pierre Mérot, président de Choc Electrique.
L’État, par le biais d’annonces, ne cesse de rappeler aux propriétaires concernés qu’ils doivent s’annoncer avant le 30 juin. Le feront-ils tous? Sans doute pas. Après tout, l’État se doit de montrer l’exemple. Dans la pratique, on constate dans des situations similaires que le Tribunal cantonal considère que la republication corrige l’erreur, mais calcule le délai à partir de la publication de celle-ci. Autant dire que si la Direction de l’énergie (DIREN) se montre trop pointilleuse, elle risque d’affronter une nouvelle levée de boucliers.
L’annulation demandée
Indépendamment de l’incident de publication, Choc Electrique demande à la Cour constitutionnelle du Canton de Vaud l’annulation de la directive. L’association des propriétaires conteste tant le calcul des normes que les délais imposés pour l’assainissement. Il faut dire aussi que personne ne sait exactement combien de chauffages et chauffe-eau électriques sont en fonction dans le canton.
L’État ne voit aucun problème
«Les propriétaires de bâtiments équipés de chauffages et/ou de chauffe-eau électriques doivent s’annoncer, au plus tard à fin juin 2025, auprès de leurs gestionnaires de réseau de distribution, de leurs fournisseurs d’énergie ou de toute autre entité en charge du comptage d’électricité au moyen d’un formulaire mis en ligne par l’administration. Par souci de simplification, il est aussi prévu que les propriétaires concernés puissent, alternativement, s’annoncer directement auprès de la Direction de l’énergie.
Par ailleurs, l’annonce auprès des distributeurs d’énergie n’est pas problématique sous l’angle de la protection des données car la seule tâche de ces derniers consiste à transmettre à la DGE les données requises. Ce devoir d’annonce a pour but de recenser les bâtiments concernés dans le cadre strict de l’application du décret. Aucune donnée sensible n’est recueillie ou communiquée. Les gestionnaires de réseau sont en outre soumis à la législation fédérale sur la protection des données, qu’ils doivent respecter», explique Marco Danesi, porte-parole à la Direction générale de l’environnement, dont dépend la DIREN.
Pour l’État, cette annonce a d’autant plus d’importance que ses services ne connaissent pas le nombre exact d’installations de chauffage électrique en fonction.
Romande Energie sur les freins…
«Romande Energie, en application de la loi sur la protection des données et de la vie privée, ne communiquera aucune information personnelle de ses clients à la Direction de l’énergie, sans leur consentement explicite. Ainsi, les formulaires que nous pourrions recevoir, dans le cadre de l’application du décret sur l’assainissement des chauffages et chauffe-eau électriques, seront conservés au sein de notre entreprise. Dans le même temps, nous allons solliciter le Canton afin qu’il nous fasse part de ses intentions quant aux modalités du signalement des chauffages électriques, que nous pourrions ensuite répercuter le cas échéant auprès des clients qui nous ont contactés, et ce toujours dans le but de préserver la confidentialité des données», relève pour sa part Caroline Monod, conseillère en communication auprès de Romande Energie.
Ce point de vue diverge sensiblement de celui émis ci-contre par le porte-parole de la DGE. Avec les affaires de fuites de données – l’une des plus récentes a concerné les clients du Service des énergies d’Yverdon-les-Bains (SEY) –, le sujet est devenu extrêmement sensible au sein de la population.
L’installation en cours des compteurs intelligents va encore accroître l’hostilité d’une partie de la population qui, depuis la pandémie du Covid, se sent prise en otage.