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Les marins de la région retrouvent le Belem

12 octobre 2015

Brest – Près d’un quart de siècle après l’avoir quitté, les navigateurs de la Matelote d’Yverdon-les-Bains, associés à ceux du Cercle de la voile de Grandson, ont retrouvé le fameux trois mâts.

Le Belem... majestueux, avec ses 1200m2 de toile. © Christiane Baudraz

Le Belem… majestueux, avec ses 1200m2 de toile.

En juin 1991, sous l’impulsion de Luca Mottaz, quarante-trois marins de la Matelote d’Yverdon-les-Bains posaient leur sac à bord du Belem. Vingt-quatre ans plus tard, soit fin septembre dernier, la Matelote s’est associée au Cercle de la voile de Grandson, afin de reprendre le large sur le mythique trois mâts.

Ainsi, c’est de la cité du Ponant (Brest) que les stagiaires ont embarqué, répartis en quarts, et ont appareillé, pour trois jours, sous les ordres de l’équipage du capitaine Pery. La formation orchestrée par les gabiers -matelots spécialisés dans les voiles- a permis aux marins lacustres de localiser drisses, écoutes, cargues et hale-bas et de participer aux manoeuvres sous voile. Et des bras, il en fallait pour porter 1200m2 de toile! Une navigation d’un autre temps qui a fait prendre conscience de la rudesse de la vie des marins de la marine marchande au 19e siècle. Près de 147 milles nautiques par mer calme à forte et un vent de 2 à 7 Beaufort.Une expédition bien joliment relatée dans le livre de bord du capitaine: «Embouqué la passe sud du Goulet de Brest, passé les roches du Toulinguet, route au sud vers l’entrée du Raz de Sein. Le Phare de la Vieille sur l’arrière, route sud sud-ouest, affronté les «violents» vents de noroît. Viré plusieurs fois dans la nuit, lof pour lof, dans la mer «déchaînée» pour parer les dangers de la côte. Le soleil se levant, et après tant d’efforts, cherché refuge dans la Baie d’Audierne pour mouiller devant Sainte-Evette. Le lendemain, élevé à la voile vers l’ouvert du Goulet. A 16h, toutes aussières tournées, pied à terre sur le quai du Commandant Malbert.»

Bref, une bien belle façon de prendre congé d’une riche saison de voile…

 

Une riche histoire entre l’Amérique du Sud, le duc de Westminster et la France

Les 25 «stagiaires» de la Matelote et du Cercle de la voile de Grandson qui ont pris la mer. © Christiane Baudraz

Les 25 «stagiaires» de la Matelote et du Cercle de la voile de Grandson qui ont pris la mer.

En juin 1896, près de Nantes, le chantier naval Dubigeon lançait, pour le compte d’un armateur, le trois-mâts Belem, voilier de petit tonnage, comparé aux voiliers cap-horniers. Il tira ses premiers bords sur le chemin de l’Amérique du Sud, les cales pleines de charbon et en revenait chargé de cacao, depuis le port brésilien de Belém, dont il tire son nom. Mais le Belem connaîtra bien d’autres destinations, entre autres la Martinique d’où il échappera de peu à la colère de la Montagne Pelée en 1902. L’entrée de la baie de Saint-Pierre lui étant refusée par manque de place, il doit aller mouiller à l’autre bout de l’île, ce qui le sauvera.

Gérard Baudraz à la barre du trois mâts. © Christiane Baudraz

Gérard Baudraz à la barre du trois mâts.

Après une courte période où il ravitaillera le bagne de Cayenne, le Belem perdra son attrait au profit des bateaux à vapeur. Racheté par le duc de Westminster, puis par Sir Arthur Guinness, le célèbre brasseur de bière irlandaise, il entame une nouvelle vie en tant que luxueux navire de croisière et sillonnera le globe, sans jamais passer le Cap-Horn, pour le plaisir de ses propriétaires et de leurs invités.

En tout, les manoeuvres courantes représentent 4 kilomètres de cordage. © Christiane Baudraz

En tout, les manoeuvres courantes représentent 4 kilomètres de cordage.

Peu après la seconde guerre mondiale, il sera acheté par l’Italie, qui veut en faire un bateau-école. Le manque d’argent l’immobilisera de nombreuses années dans un chantier. Une grande banque française le rachète en très mauvais état pour la seule valeur de son métal, en 1979. Six ans de restauration seront nécessaires pour remettre à flot ce témoin du glorieux passé maritime français.

Aujourd’hui, le Belem est un bateau-école et c’est le plus important des anciens grands voiliers français en état de naviguer.

 

Fiche technique du Belem:

Longueur hors tout: 58 mètres

Coque: en acier, rivetée à l’origine

Déplacement armé: 800 tonnes

Hauteur du grand mât: 34 mètres au-dessus du niveau de la mer

Nombre de voiles: 22 (voiles carrées, focs et voiles d’étai)

Longueur totale manoeuvres courantes: 4 kilomètres de cordage

Tournage des manoeuvres courantes: 200 points environ

Poulies simples, doubles, triples: 250

Vitesse maximale sous voiles: 12 noeuds (soit environ 22 km/h)

Durée d’établissement de la voilure: 30 à 40 minutes par petit temps

Durée nécessaire pour serrer la voilure: 50 à 60 minutes par petit temps

1h à 1h20 par temps frais (vent fort)

Durée de virement de bord complet: 15 à 20 minutes selon le temps régnant.

Christiane Baudraz