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Les petits patrons fraudeurs devant les tribunaux
© Carole Alkabes

Les petits patrons fraudeurs devant les tribunaux

19 septembre 2020

Ouverte en 2016, l’enquête sur la vaste fraude au détriment de la Caisse cantonale vaudoise de chômage va déboucher sur des audiences au Tribunal d’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois.

 

La phase judiciaire de l’affaire de fraude au chômage des petits patrons de la construction au détriment de la Caisse cantonale vaudoise de chômage (CCh) permet d’en apprendre un peu plus sur le stratagème utilisé pour tromper les autorités chargées d’accorder les indemnités en cas d’insolvabilité (ICI).

Globalement, le procureur en charge de l’enquête soupçonne qu’environ 3 millions de francs ont été indûment versés à des travailleurs consécutivement à la faillite des sociétés censées les employer. La fraude a nécessité la participation de chefs d’entreprise, de collaborateurs du syndicat Unia – licenciés depuis – ainsi que de nombreux employés fictifs ou réels.

Deux chefs d’entreprise kosovars sont renvoyés à la fin du mois devant le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, à Yverdon-les-Bains, pour escroquerie. Ils ont pour l’essentiel admis les faits, ce qui permet de les juger selon une procédure simplifiée. Le Ministère public requiert à leur encontre des peines entre 12 et 18 mois de prison avec sursis, et admet des prétentions civiles de 35 000 et 108 500 francs, à verser à la plaignante, la CCh.

Les deux actes d’accusation permettent de constater que les protagonistes principaux se connaissaient et qu’un ancien collaborateur d’Unia – qui sera déféré séparément en justice–  aurait joué un rôle pivot, même s’il faut rappeler qu’à ce stade, la présomption d’innocence prévaut.

Le syndicaliste, qui maîtrisait bien la procédure d’octroi d’ICI, «aurait prodigué des conseils et donné des instructions précises» aux petits patrons «afin que le montage frauduleux, qui nécessitait principalement la création de dossiers fallacieux, aboutisse favorablement à leur profit et au détriment de la CCh», écrit le procureur.

Selon les cas, il était conseillé aux petits entrepreneurs, respectivement à leurs employés, de majorer abusivement leurs heures de travail. Les fraudeurs demandaient parfois à des personnes réelles de faussement déclarer avoir travaillé pour l’entreprise (employés fictifs). Avec à la clé de fausses attestations de salaire, de faux décomptes horaires ainsi que des productions de créances injustifiées auprès des offices de faillite.

Dans l’une des deux affaires, impliquant une entreprise de ferraillage, dix employés ont touché des indemnités allant de 18 000 à près de 25 000  francs. La plupart seront également poursuivis séparément. Dans les faits, cet argent est allé au chef d’entreprise, qui a rétrocédé 3500 à 6000 francs à chaque participant pour les récompenser, soutient le Parquet.

Ce petit patron ferrailleur aurait ensuite versé un quart du montant global au «syndicaliste» – soit 51 000 francs pour cette seule arnaque. Il a conservé le solde, à savoir 108 500 francs, détaille l’acte d’accusation.

L’affaire a éclaté au grand jour en 2017. à l’époque, quatorze personnes – dont les deux entrepreneurs jugés le 30 septembre à Yverdon-les-Bains –avaient été placées en détention provisoire. Des interpellations avaient été effectuées dans les cantons de Vaud, Fribourg et Berne, la Caisse de chômage ayant porté plainte.

ATS