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L’étrange tableau de Pop Invaders

24 janvier 2020 | Edition N°2669

Yverdon-les-Bains - La boutique de la Maison d’Ailleurs expose une œuvre qui revisite un thème bien connu de l’iconographie chrétienne. Pas du goût de tous.

«L’agonie de Super Jesus dans les bras de la Wonder Vierge». Non, ce n’est pas le titre d’une caricature parue dans un Charlie Hebdo, mais celui d’une illustration bien en vue dans la rue de la Plaine, où se trouve Pop Invaders, le magasin de la Maison d’Ailleurs. Œuvre de Mathilde Lemonnier, cette représentation hybride un thème classique de l’art chrétien, la Vierge pleurant son fils mort, et l’imagerie de super-héros bien éloignés de l’univers biblique. Et autant dire que bien mise en avant dans la vitrine, elle ne manque pas d’interloquer.

«Amener la réflexion»

Un choix provocant, mais dans le bon sens du terme, explique le patron de la Maison d’Ailleurs, Marc Atallah: «Souvent, les amateurs de pop culture ont le sentiment que les super-héros ne véhiculent aucune vision du monde, alors qu’ils sont loin d’être aussi lisses qu’on ne le croit. Notre rôle est d’amener à la réflexion sur ce point, et cette œuvre y contribue: elle évoque la fin du libéralisme à travers la mort du Superman, et par extension la fin de la domination masculine, via la figure de la déesse Wonder Woman.»

Sensible à la beauté des religions – un peu moins à leurs dogmes -il se défend de chercher à heurter la sensibilité de quiconque. Il n’interprète du reste pas le tableau comme une caricature, mais comme un objet artistique dont le sujet principal est la pop culture, et non le christianisme.

Ce n’est toutefois pas la lecture qu’en fait le président de l’UDC Vaud, Kevin Grangier, dont la foi catholique n’est pas un mystère. «Marc Atallah lit ce tableau à sa manière, mais cette œuvre relève objectivement de la christianophobie. Se permettrait-il d’exposer une même mise en scène avec la religion juive ou avec l’islam?» Pour lui, les responsables religieux sont directement en cause: «Les églises officielles sont les gardiennes d’un héritage historique et culturel: c’est une des raisons pour lesquelles elles reçoivent de l’argent public. Malheureusement, leurs responsables encouragent au mépris et à l’insulte des chrétiens à cause de leur tolérance sans borne.»

Pourtant très engagé dans la foi, le conseiller communal PLR yverdonnois Maximilien Bernhard est moins virulent: «Ce tableau ne m’inspire pas grand chose, si ce n’est qu’il n’engage que son auteur. S’il est encore en vitrine, c’est qu’il peine à trouver preneur et qu’il risque de finir accroché au mur du salon de son auteur.»

«La compréhension de cette œuvre comme christianophobe m’étonne, réagit Marc Atallah. Elle n’a rien d’insultant et n’incite aucunement à la haine. Qu’on nous dise qu’il est interdit de toucher à ce thème montre bien que c’est du côté de Monsieur Grangier qu’il n’y a pas d’objectivité.»

Raphaël Pomey