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«L’une de mes fiertés est d’être toujours restée fidèle à ma personnalité»

4 juin 2014

La session parlementaire s’est ouverte lundi à Berne. Sans Josiane Aubert. La socialiste qui avait choisi de quitter le Conseil national au 30 mai. Elle accepte de revenir pour La Région sur ce départ, marquant également la fin d’une riche carrière politique, qui a mené cette prof de maths de la vallée de Joux aux plus hautes instances du pays.

Une heure durant, attablée dans l’arrière-salle d’un café d’Yverdon-les-Bains, avant de partir sur Berne, la socialiste Josiane Aubert a évoqué avec sourire ses sept années passées sous la Coupole fédérale.

Une heure durant, attablée dans l’arrière-salle d’un café d’Yverdon-les-Bains, avant de partir sur Berne, la socialiste Josiane Aubert a évoqué avec sourire ses sept années passées sous la Coupole fédérale.

Josiane Aubert débarque à la gare d’Yverdon-les-Bains chargée de plusieurs sacs, tirant une lourde valise à roulette. «Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude », lance-t-elle, tout sourire, avant d’accepter finalement un coup de main. Elle descend à peine du bus qui l’a amenée de Vallorbe et s’apprête à monter dans le train qui l’emportera à Neuchâtel, direction la Berne fédérale.

Elle est en transit. La Combière prendra néanmoins le temps d’une longue pause café, dans la tranquille arrière-salle d’un bistrot de la place, pour évoquer sa récente démission du Conseil national. Un retrait qui, à 65 ans, marque également la fin d’une riche carrière politique, qui a conduit cette prof de mathématiques de la vallée de Joux, fille d’un chef d’atelier dans l’horlogerie, à siéger sous la coupole fédérale, mais aussi à diriger le Parti socialiste vaudois.

La Région Nord vaudois : Au moment où la session parlementaire de juin commence, sans vous, ne ressentez-vous pas un brin de nostalgie ?

Josiane Aubert : Non. Aucune nostalgie du tout. On m’avait posé la même question lorsque j’avais arrêté d’enseigner, en 2004. Mais dans les deux cas, j’ai mûrement réfléchi. Une fois la décision prise, je regarde devant. Le fait que ce soit une femme (ndlr. La Lausannoise Rebecca Ruiz, 32 ans) qui me succède, m’a, sans aucun doute, aider à faire le choix de quitter le Conseil national avant la fin de la législature. Il faut aussi dire que j’étais un peu usée de tous ces déplacements à Berne, d’être si souvent loin de chez moi.

Vous avez siégé pas moins de sept ans au Parlement. Cela fait quand même une jolie parenthèse.

C’est plus qu’une parenthèse. Sept ans, c’est à la fois long et court. Le sentiment qui prédomine, c’est celui de la reconnaissance. Siéger à Berne, cela vous donne une ouverture sur ce qui se déroule dans ce pays. Vous comprenez mieux comment fonctionne notre démocratie. J’ai eu une chance extraordinaire. Je suis sereine. J’ai 65 ans, trois filles (ndlr. Nées en 1973, 1976 et 1978) et sept petits-enfants. Il est temps pour moi de laisser une nouvelle génération de politiciennes et politiciens prendre position, en fonction de ce qu’ils vivent dans ce monde qui évolue si rapidement.

Quel aura été votre plus grand succès de ces années passées à Berne ?

Au moment de mon départ, la presse a beaucoup parlé de mon initiative parlementaire pour limiter la publicité «agressive» pour le petit crédit. Je m’étais surtout beaucoup investie pour que puisse exister une loi sur la formation continue. Il y avait, dans ce domaine, un manque de volonté de la part du gouvernement. En tant que présidente de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC), il m’a fallu un peu forcer la main du Conseil fédéral. Mais c’était primordial.

Dans quel sens primordial ?

Cette loi est un petit élément, certes. Mais elle était la pièce qui manquait au puzzle. Avec l’évolution du monde professionnel, il est devenu indispensable de rester dans le coup toute sa vie, de pouvoir s’adapter. A notre époque, on ne peut plus compter garder le même métier durant quarante ans.

Ces dernières années, le Conseil national s’est polarisé, les parlementaires rivalisant d’imagination pour apparaître dans les médias. Vous, au contraire, vous avez cultivé une certaine discrétion. Pourquoi ?

Parce que je n’ai jamais voulu jouer un rôle. L’une de mes fiertés est d’être toujours restée fidèle à ma personnalité. D’ailleurs, les électeurs vaudois n’ont pas été trompé sur la marchandise. Je ne suis pas une politicienne qui fonctionne aux coups politiques, au sensationnel. Cela me vient peut-être de ma formation scientifique. J’ai longtemps enseigné les maths et les sciences. Il y a de la rigueur. On travaille avec la logique. J’ai ainsi toujours privilégié le travail en profondeur, notamment en commission, où ma maîtrise de l’allemand m’a beaucoup aidé.

Où l’avez-vous appris ?

A Berlin. Quand nous étions jeune, la carrière de mon mari, ingénieur en électricité, nous a permis de vivre trois ans et demi dans la capitale allemande, qu’on appelait encore Berlin Ouest. De retour en Suisse, nous avons encore séjourné deux ans à Gland, avant de retourner vivre à la vallée de Joux. Cette connaissance de l’allemand est une nécessité, car, en commission, il n’y a aucune traduction. Et le 80% des interventions se font dans la langue de Goethe. Pour compter à Berne, faire avancer les choses, il faut parler allemand.

Combière, est-ce que cela a compté pour vous de représenter les régions périphériques dans la Berne fédérale ?

J’en ai même été très fière. J’ai d’ailleurs souvent commencé mes interventions en rappelant que je cumulait les minorités : femme, francophone, de gauche et originaire d’une région périphérique. Mais ce dont j’ai été le plus fière, c’est d’avoir représenté à Berne une certaine culture, un tissu économique marqué par l’horlogerie et la micro-mécanique. Ce qui est intéressant, c’est que mes collègues alémaniques ont fini par davantage m’identifier comme appartenant à l’Arc jurassien et ne réalisaient pas toujours que je venais du canton de Vaud.

Comment la prof de maths de la vallée de Joux s’était-elle lancée en politique ?

J’ai toujours été attirée par l’humain. Mon premier engagement, à la fin des années 70, a été de militer au sein d’Amnesty International, où je coordonnais les différents groupes en Suisse romande. Outre le Conseil communal du Chenit, mon premier mandat d’importance a été la Constituante. Ensuite, j’ai siégé au Grand Conseil comme députée. Puis, en 2004, Pierre–Yves Maillard m’a demandé de lui succéder à la tête du Parti socialiste vaudois. J’ai donc assumé la présidence durant quatre ans, avant de laisser la place à Cesla Amarelle.

Quels souvenirs gardez-vous de cette période de présidence du parti ?

La moitié de mon mandat de présidente a été fortement marqué par l’affaire dites des «523» (ndlr. Soit le groupe constitué de 523 requérants d’asile, la plupart originaires des Balkans, dont le renvoi avait provoqué un psychodrame dans le canton). C’était une période très intense. Il y a avait sans arrêt des manifestations. Des refuges ont été créés dans des églises. Il n’était pas question ici de négociations autour d’articles de loi, mais au sujet du destin d’êtres humains, de familles, de femmes, d’enfants. Sur ce dossier, on ne pouvait pas se permettre de perdre. Là encore, fidèle à mon caractère, je ne me suis pas mise en avant. Restant en retrait, cela m’a permis de créer des ponts entre les militants d’extrême-gauche et le centre-droit, afin de trouver une solution à cette crise.

Aujourd’hui, vous fermez la porte du Conseil national. Mais avez-vous encore des projets politiques ?

Ma démission du Conseil national marque clairement la fin de ma carrière politique. Je ne vais pas solliciter d’autres mandats électifs.

C’est donc l’heure de la retraite…

Non. Si j’abandonne mes mandats directement directement liés au poste de conseillère nationale, je vais garder certaines activités. Certaines me tiennent tout particulièrement à coeur, comme la présidence d’Interpret, l’association suisse pour l’interprétariat communautaire et la médiation culturelle, ou la présidence de l’Orchestre des jeunes de Suisse romande. Au niveau régional, je suis encore membre du Conseil d’administration de la société de transports publics, TRAVYS SA, par délégation du Conseil d’Etat. Un mandat que je me réjouis de poursuivre. Et, comme je vous l’ai signalé, j’ai sept petits-enfants. Donc, je vous rassure, je ne vais pas m’ennuyer.


Josiane Aubert en quelques dates

1949 : Naissance au Sentier ;

1956-1965 : Ecoles au Sentier ;

1965-1967 : Gymnase scientifique à la Cité, à Lausanne ;

1967-1972 : Université de Lausanne, en sciences naturelles ; 1972-1975 : Séjour à Berlin ;

1979-2004 : Enseignement secondaire de math et de sciences ; 1992 : Entrée au Parti socialiste (PS);

1992-2007 : Conseil communal du Chenit ;

1999-2002 : Constituante vaudoise.

2002-2008 : Grand Conseil vaudois ;

2004-2008 : Présidente du PS vaudois, succédant à Pierre- Yves Maillard.

2007-2014 : Conseil national.

Yan Pauchard