Nord vaudois – Le Gymnase d’Yverdon a été confronté à plusieurs cas de suicide chez des adolescents durant ces huit derniers mois. Une cellule de crise a été mise en place pour soutenir les enseignants et les élèves.
«Il faut prendre soin des gens qui sont dans la maison pour qu’ils puissent vivre leur deuil.» Ces mots émanent de la bouche de Jean-François Gruet, directeur du Gymnase d’Yverdon. Ces huit derniers mois, l’établissement scolaire a vécu plusieurs évènements tragiques, dont trois suicides de jeunes élèves.
Si des mesures préventives avaient été envisagées en collaboration avec l’association Stop Suicide, elles n’ont jamais pu être mises en place, en raison des décès qui se sont succédé. En tous les cas, l’établissement dispose d’un réseau de soutien à l’interne qui compte un conseiller en orientation, un aumônier, une infirmière scolaire, un psychologue, un médecin scolaire et trois médiateurs. Si le directeur souligne que le gymnase représentait, pour les jeunes disparus, un «lieu de vie» parmi d’autres, il insiste sur l’importance de travailler sur ce qu’il décrit comme une «problématique de santé publique plus générale».
Face à l’urgence et dans un souci de transparence, la direction a envoyé un courrier à l’attention des tuteurs de tous les étudiants, le 31 octobre dernier. «Nous avons reçu plusieurs appels de parents inquiets, mais il nous a semblé primordial de les informer que nous avions mis en place une cellule de crise», confie Jean-François Gruet.
A la suite de cette série noire, l’établissement a bénéficié de l’appui et de l’expertise de Grafic, un programme de soutien de l’unité de promotion de la santé et de prévention (PSPS) du canton de Vaud, afin d’accompagner les enseignants et les élèves, sous le choc. Selon Cristina Fiorini-Bernasconi, médecin référente de l’unité PSPS, l’équilibre de certains adolescents devient en effet de plus en plus fragile.
«Multiplier les regards»
«Le suicide est multifactoriel, explique Cristina Fiorini-Bernasconi. Il s’agit souvent d’une accumulation de problèmes et la personne ne trouve plus d’autre issue, si ce n’est de stopper la souffrance.» Dans un tel contexte, il est important pour le corps enseignant et les élèves de «multiplier les regards bienveillants» autour des personnes les plus vulnérables. Mais malgré ce filet de sécurité, le risque zéro n’existe pas. La crise est très rapide, et il arrive qu’on ne la voie pas venir. Selon l’association romande Stop Suicide, chargée de la prévention du suicide des jeunes, plus de 1000 personnes mettent fin à leurs jours chaque année en Suisse et un jeune se suicide tous les trois jours. Trois quarts des personnes qui passent à l’acte sont des hommes, mais les femmes font trois fois plus de tentatives.
Si le Gymnase d’Yverdon a été confronté à de tels drames, d’autres établissements scolaires sont aussi concernés par cette problématique complexe. Doyen du Gymnase d’Yverdon et délégué à la promotion de la santé et à la prévention en milieu scolaire, Philippe Berdoz constate toutefois que «la plupart des élèves qui suivent leur cursus vont bien». Ce lundi, la conseillère d’Etat Cesla Amarelle se déplacera dans l’établissement afin d’aborder cette thématique délicate.
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«Face au suicide, on n’est pas seul et on peut être aidé»
«Ici, on a de la chance, on est super bien entouré», confie Marion*, 16 ans. Comme ses camarades, la jeune fille a participé la semaine dernière à un atelier de prévention consacré à la thématique du suicide, organisé par l’équipe de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire du collège de Grandson. Marion semble bien dans ses baskets, mais ajoute: «Si je me sens mal, je sais aussi que je peux m’adresser au médiateur ou à l’infirmière scolaire, mais je suis aussi très bien entourée par mes parents. Ce n’est pas le cas de tout le monde.»
Avec son équipe, la doyenne de l’établissement scolaire chargée de la prévention, Line Cuendet, a mis en place ces activités de prévention en collaboration avec l’association Stop Suicide, il y a quatre ans. «Certaines thématiques sont très sensibles et reviennent chaque année», constate-t-elle. Et de mentionner des défis inquiétants pratiqués par certains jeunes comme la baleine bleue, un jeu en 50 étapes qui mène au suicide. «Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de cas dans notre établissement scolaire, précise-t-elle. Cependant, certains élèves souffrent de mal-être, ce qui pourrait déboucher sur une dépression pour des raisons multiples. Nous avons choisi d’instaurer ces ateliers à titre préventif et de donner des outils aux élèves afin qu’ils soient mieux armés lorsqu’un de leurs amis a des idées noires.»
Lors de cette journée de prévention où une animatrice de l’association Stop Suicide et une psychologue sont intervenues, les jeunes élèves ont pu délibérer sur des cas pratiques, par petits groupes. «Face au suicide, on n’est pas seul et on peut être aidé par des adultes, estime Loanne*, 15 ans. La présence d’une psychologue est rassurante, parce que s’il y a quelque chose qu’on renferme en soi, on peut s’adresser directement à elle au lieu d’en parler en public.»
Selon la psychologue Fitore Daka, chargée d’accompagner les ateliers de Stop Suicide, sa présence permet parfois de «débloquer» certaines situations et d’offrir un «filet de sécurité» au cas où des élèves présenteraient un risque. Toutefois, ces ateliers ne sont pas des groupes de parole et ne sont pas adaptés dans le cas où un collège est confronté à un cas de suicide. «Nous n’intervenons pas après un décès auprès des établissements scolaires», explique Neslie Nsingi, chargée de projet en milieu scolaire pour l’association.
*Prénoms d’emprunt.
Plus d’informations sur: www.stopsuicide.ch ou sur www.projuventute.ch. Numéro d’urgence pour les enfants et les adolescents: 147.